"Si on laisse des mouvements de populations irrépressibles entrer, on entraîne un déséquilibre"

Invité politique d'i>Télé ce matin, François Bayrou s'est exprimé sur les naufrages et la crise migratoire en Méditerranée.

François Bayrou est l’invité d’i>Télé ce matin. Bonjour.

Bonjour.

Une image pour commencer : New York, the « place to be », Marine Le Pen invitée par le journal américain Time à l’occasion de ce classement des 100 personnalités les plus influentes du monde. Diriez-vous que la patronne du Front national fait partie des 100 personnes les plus influentes du monde, François Bayrou ?

Je ne suis pas sûr que j’aurais fait le même classement. Mais c’est le métier des médias : ils vont chercher des personnalités, des événements, des mouvements qui accrochent l’attention.

C’est du buzz ?

Oui, c’est du buzz. Madame Le Pen en profite.

Cela ne vous fait pas mal au cœur que c’est elle qui y est et pas vous ou une autre personnalité politique d’ailleurs ?

Monsieur Toussaint, il faut que vous compreniez que dans la vie, je me fais une autre idée du bonheur que l’appartenance au club ou à la soirée de gala des 100 personnes qui sont censées… Franchement, smoking et noeuds papillons, ce n’est pas du tout mon genre de goût.

Est-ce que cela traduit un changement dans la perception que l’on peut avoir de Marine Le Pen ?

Cela traduit quelque chose qui est simple : l’étonnement du monde, en tout cas de ceux qui réfléchissent à l’évolution des sociétés, devant l’implantation d’un courant politique qui est à ce point, sur le fond, déstabilisant.

Marine Le Pen à l’Élysée en 2017, c’est de l’ordre du possible ou de la science-fiction ?

Je n’y crois pas mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas un mouvement important, significatif. Mais je ne crois pas à la possibilité d’une victoire de l’extrême-droite à l’élection présidentielle de 2017, ou alors uniquement parce que le mouvement de rejet à l’égard des échecs successifs serait tel qu’il entrainerait les Français en ce sens.

Et François Bayrou en 2017 à l’Élysée, c’est de la science-fiction ?

En tout cas, ce n’est pas le scénario que j’ai privilégié, que j’ai choisi. Ce n’est pas moi qui vais vous dire que l’élection présidentielle est sans importance. L’élection présidentielle est essentielle, elle est clé. C’est un des moments où les électeurs récupèrent un droit très difficile à exercer qui est de redessiner le paysage politique français. Et si vous me demandez s’il y a besoin de redessiner le paysage politique français, la réponse est oui ! De toutes mes forces, oui !

Si je vous en parle, c’est parce que votre nom commence à revenir dans les analyses politiques, vous seriez le seul légitime au centre… Est-ce que c’est aussi parce que Nicolas Sarkozy remonte dans certains sondages chez les sympathisants de droite et du centre et qu’Alain Juppé n’est peut-être plus autant assuré d’une victoire aux primaires ?

Moi, je crois qu’Alain Juppé n’a jamais été assuré d’une victoire aux primaires, je crois qu’il peut l’emporter, c’est tout à fait autre chose. Comme vous le savez, je suis en réserve ou en  réticence à l’égard des primaires. Mais la question principale est en effet celle que vous indiquez entre les lignes : il y a des millions et des millions de Français qui ne sont pas du tout résignés à se retrouver avec le choix Hollande – Sarkozy – Le Pen sur leur table de vote parce qu’ils n’y reconnaissent pas leurs attentes. Ils ont été déçus par les uns et par les autres, et « déçu » est un mot faible. Ils ont au fond d’eux-mêmes l’espoir qu’une autre approche de la politique pourrait leur être proposée et changer les choses. C’est cela le point le plus important ! Cette autre approche de la politique, soit c’est une approche de destruction de choses très importantes - par exemple le choix européen de la France - alors à ce moment-là c’est l’extrême-droite qui risque d’en profiter - soit il y a nécessité pour ne pas dire obligation d’un autre choix !

Techniquement, ça va être compliqué pour vous parce qu’il y a un problème de calendrier. Les primaires on sait que ce sera en novembre 2016. Si vous devez attendre la fin des primaires à l’UMP pour vous décider, ça fait un début de campagne un peu tardif, est-ce que vous réfléchissez un peu à tout ça ?

J’ai en tête évidemment toutes les hypothèses mais je veux vous rappeler quelque chose : l’élection présidentielle se passe au mois d’avril. Je vous rappelle que la dernière fois, Nicolas Sarkozy a dû annoncer sa candidature en février et moi-même en décembre, donc on a tout à fait le temps. Mais ce n’est pas la question, je le répète devant vous : je préférerais qu’un rassemblement se prépare et s’accomplisse.

J’aimerais que l’on évoque l’actualité du jour : tout d’abord ce projet de loi sur le dialogue social présenté en Conseil des ministres, c’est vrai que sur le papier l’idée est plutôt séduisante, on va simplifier les règles dans les entreprises, c’est censé lever des verrous à l’embauche… Est-ce que vous adhérez à ce projet de loi ?

Comme à chaque fois, on a survendu le texte. La communication prend une telle place dans le dialogue démocratique ! On se retrouve devant un texte qui n’est pas inutile, il y a trois ou quatre orientations bienvenues pour simplifier à l’intérieur des entreprises la manière dont fonctionnent les comités divers et variés qui s’occupent de la situation des salariés et des rapports entre les salariés et l’entreprise. Donc ce n’est pas inutile mais ce n’est pas du tout le grand texte d’orientation que l’on nous avait promis et dont probablement les entreprises auraient besoin et les salariés aussi.

L’ancien ministre de l’Éducation nationale que vous êtes se réjouit-il de cette réforme du collège qui est annoncée ? Alors on sait que pour le latin et le grec, le problème a l’air d’être réglé.

Rien n’est du tout réglé.

Mais cela a été confirmé.

Vous aussi vous vous laissez avoir par la communication verbale, parce que, s’il y a une question – ce n’est pas la seule – qui n’est pas réglée, c’est bien celle-ci. Qu’est-ce que ce texte suscite chez beaucoup, j’allais dire, amoureux de l’éducation, de l’école en France ? Il voit, il constate, navré, que l’on est en train de mettre à bas ce qui constituait le contrat d’éducation, le contrat démocratique de l’éducation qui disait : « On va vous donner des chances à l’école, même si, chez vous, pour des raisons sociales ou culturelles, vous ne les avez pas ». Alors, ces sujets que vous avez évoqués, les langues anciennes – qu’il faudrait appeler les langues mères de la nôtre – ou bien les langues étrangères, c’est un atout que l’on donne aux enfants.

Ce n’est pas un combat archaïque ? François Bayrou ?

Ce n’est pas un combat archaïque, c’est le combat le plus actuel. Ce que certains croient être archaïque, c’est la modernité absolue parce que qu’est-ce qui fait le viatique, les armes pour traverser la vie ? C’est la capacité de comprendre et de se faire comprendre. Or, ces langues-là, et puis les langues étrangères aussi, ce sont des atouts que l’on ne recevra désormais plus que par la famille c’est à dire les privilégiés auront les moyens de se payer des leçons particulières ou les enseignements privés et les autres non. Je pense, en effet, qu’il y a trahison de quelque chose d’infiniment précieux et qui est cet engagement que la France prend à l’égard de ses enfants de leur offrir les meilleures armes pour la vie d’où qu’ils viennent.

Vous qui avez été Ministre de l’Education, on a le sentiment – prenons un peu de hauteur, ne restons pas sur le latin, le grec ou la LV2 en 5e – qu’il ne peut jamais y avoir de consensus sur une réforme de l’Education nationale.

C’est sûrement difficile de l’obtenir.

Mais pourquoi ? Et si vous vous mettiez tous d’accord.

Excusez-moi, quand vous dites « prenons un peu de hauteur par rapport à langues anciennes et langues vivantes », je ne sais pas si vous vous rendez compte que vous êtes précisément dans le sujet qui a le plus de hauteur, dans le sujet qui fait qu’un jeune garçon, une petite fille, qui chez lui n’a pas reçu ce qu’il fallait, va désormais comprendre ce qu’il dit quand il parle, que les mots ont une histoire et que cela vous met à égalité avec ceux qui ont toutes les autres chances dans la vie et même, quelques fois, cela vous permet – c’est l’élitisme républicain – de montrer que vous avez en vous plus que d’autres qui paraissaient l’avoir à la naissance.

Il faudrait quand même que l’on dise un mot – parce que nous arrivons au bout de cet entretien – sur les migrants. Bien sûr, ce drame des migrants, depuis ce weekend, on en parle beaucoup. La Une de Libération, ce matin, est assez spectaculaire « Pourquoi il faut légaliser l’immigration ». Ce n’est pas Libé qui le dit, c’est une économiste qui s’appelle Emmanuelle Auriol, qui explique comment elle a travaillé dessus. C’est absurde ou pas ?

C’est impossible pour une société d’envisager sa déstabilisation par des mouvements de population qui déséquilibreront sa vie en commun, ce qu’elle est.

Elle dit quand même que l’on manque de migrants.

Il est vrai que depuis très longtemps, les plus libéraux disent « ouvrez les frontières », « laissez entrer, cela fera de la main d’œuvre bon marché », mais ce n’est pas de cette manière que les sociétés vivent. Elles vivent et se développent à partir d’un équilibre fragile, qui fait que ceux qui y appartiennent ont le sentiment que leur place, leur équilibre, leurs relations à l’intérieur de la société sont stables dans le long terme. Si vous laissez des mouvements de population irrépressibles, par centaine de milliers et par millions, peut-être davantage, entrer, alors vous entrainez des déséquilibres qui entrainent des violences et des violences à l’égard des immigrés et évidemment à l’égard de la société en question.

Toute dernière question, un Français condamné à mort, Monsieur Atlaoui. Cela se passe à Djakarta, la diplomatie française est en action mais on a le sentiment qu’il n’y a pas beaucoup d’espoir. Est-ce que la diplomatie française s’est suffisamment engagée dans ce dossier pour défendre ce ressortissant français ?

Je pense que la diplomatie française s’est engagée et qu’elle fait bien de le faire. Il y a 2 choses dans cette affaire : le premier c’est que la peine de mort à l’égard d’un ressortissant français est en effet pour nous qui l’avons interdite quelque chose de bouleversant.

C’est la première fois depuis 38 ans.

Mais il y a encore autre chose, c’est que, si on lit ce qui est écrit dans les journaux, les faits qui lui sont reprochés, ce n’est pas du trafic de drogues. C’est, semble-t-il, d’avoir été embauché comme soudeur pour monter un laboratoire clandestin, lui dit qu’il croyait que c’était une usine. Cette intervention-là, qui est manuelle, en effet est sans doute répréhensible s’il ne le savait pas mais vous mesurez que ce n’est pas du trafic de drogues.

Il faut sauver Serge Atlaoui ?

En tout cas, la mobilisation des forces de tous est nécessaire et justifiée.

Merci beaucoup François Bayrou, bonne journée à vous.

 

 

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