Voeux à la presse 2011 : "Proposer une alternance raisonnable et positive"

François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, a présenté vendredi 14 janvier ses voeux à la presse. Un discours porteur d'avenir et d'optimisme, dans lequel il a rappelé sa volonté d'inscrire "une obligation constitutionnelle de protection des générations à venir" et considéré que "l'Éducation et la Production" devaient être les "labourage et pâturage" du XXIe siècle

Mesdames, Messieurs, 

Ce sont des vœux pour vous, d’abord personnellement, dans votre vie personnelle, familiale, professionnelle. Je souhaite que vous y trouviez l’épanouissement, la réalisation, l’équilibre, l’apaisement, et si possible le bonheur. 

Ce sont des vœux pour votre profession. Les journaux écrits, les organes de presse traditionnels, l’audiovisuel, les nouveaux medias, traversent presque tous une période très difficile qui rend leur équilibre économique précaire. Vous en souffrez tous. Et tous vous en inquiétez. Une des réponses, c’est bien entendu le renouvellement des formules, de la manière d’informer. Tous, vous y travaillez. Je souhaite que l’écrit, l’image et le son retrouvent la force de conviction, la crédibilité qui au bout du compte fait l’audience. 

Ces vœux sont aussi, bien entendu, à l’intention des Français. 

Il y a quelques jours, en ce début de mois de janvier, a été rendue publique une enquête d’opinion portant sur 53 pays du monde : le résultat est terrible pour nous. Les Français sont le peuple le plus pessimiste de la planète. 61 pour cent des Français pensent que 2011 sera pire que 2010, notamment en économie, contre… 3 pour cent qui pensent qu’elle sera meilleure, et c’est peut être le chiffre le plus inquiétant. Ce pessimisme a augmenté de dix points en une année. Les Français sont aujourd’hui plus pessimistes que les Irakiens, les Afghans et les Pakistanais. Trois fois plus pessimistes en Europe que les Allemands. 

Ce pessimisme, ce jugement et cette inquiétude, seront, au moment des grands choix, l’élément le plus lourd du bilan du pouvoir aujourd’hui en place. C’est le signe le plus éloquent du jugement de notre peuple sur la manière dont il est conduit. Les questions qui se posaient en 2007 n’ont pas été résolues. Aucune d’entre elles. Ni l’emploi, ni les finances publiques, ni l’éducation, ni la sécurité, ni la justice, ni l’intégration, ni même la régulation de l’immigration, ni l’agriculture ne sont aujourd’hui assainis, rénovés, transformés de l’intérieur ou confortés. Dans la plupart de ces domaines que je viens de citer, la situation s’est aggravée. 

Les mois qui viennent, jusqu’à l’élection présidentielle, poseront donc une question simple aux Français : faut-il continuer dans le même sens. Certains ont d’ores et déjà choisi de soutenir ce choix. Notre réponse au contraire est celle-ci : il faut un autre projet, une autre direction pour la France. 

Et vous le voyez bien, cela fait une grande différence avec tous ceux qui sont d’ores et déjà résolus ou résignés à soutenir la reconduction du pouvoir en place. 

C’est la grande ligne de clivage. 

Deuxième question : si l’on cherche un autre projet pour la France, ce projet sera-t-il nécessairement au bout du compte celui du parti dominant de l’opposition officielle, celui du Parti socialiste ? 

Beaucoup parmi les opposants sont rangés à cette nécessité. Nous pas. Il faut un autre projet pour la France, et il faut que les Français aient un autre choix que le Parti socialiste. 

Et cela fait une grande différence. Les uns et les autres sont résignés à la suprématie de l’UMP ou du Parti socialiste, nous au contraire nous ne sommes résignés à aucune suprématie. Non pas par antipathie personnelle. Je veux vous le dire, vous le répéter, pour que ce soit clair. Je sais que Nicolas Sarkozy n’a pas que des défauts, il a, entre autres, une grande énergie. Et il y a des femmes et des hommes qui méritent l’estime, y compris à l’UMP et chez ses alliés. Et il y a des femmes et des hommes qui méritent l’estime au Parti socialiste. Bien sûr. Et je ne mets pas tout le monde dans le même sac. Mais ce qui est en cause, ce ne sont pas seulement des questions de personnes. Ce sont des questions politiques. 

Car le projet du pouvoir actuel, son idée de l’orientation du pays, et l’exercice même du pouvoir par le Président de la République ne pouvaient que conduire au fond de l’impasse où nous sommes aujourd’hui. Et symétriquement la lecture, pour moi infiniment éclairante, du plus récent document adopté par le Parti socialiste, foison de promesses intenables, menace d’entraîner notre pays, en peu de mois, dans la voie de l’isolement, puis de la déconsidération au terme duquel nous risquons d’avoir l’échec et la démoralisation. 

Ce que nous devons aux Français et à la France, et j’emploie le terme devoir, c’est de proposer un choix politique qui permette une alternance raisonnable et positive, et pas une alternance vouée à l’échec, à une désillusion supplémentaire, et livrant le pays un jour à l’un de ces accidents qui guettent les démocraties affaiblies. 

Et d’abord cette alternance, exige un idéal. 

En défendant la place d’un certain idéal dans la politique, j’ai conscience d’être différent. Mais je veux le faire devant vous. L’action humaine sans idéal, c’est une navigation sans carte et sans boussole. Quel chemin choisir quand on ne sait pas où l’on va ? 

La France, particulièrement la France, avec son héritage historique et sa nature de peuple épris de valeurs, exige qu’on lui propose un idéal. On parle mal à la France si on ne lui parle pas d’universel. Faut-il rappeler que nous sommes le seul peuple du monde qui a choisi une devise : liberté, égalité, fraternité qui est l’énoncé de trois valeurs, d’un idéal ? 

Nous avons toujours su qu’un pays comme le nôtre, une nation et une République comme les nôtres, ne se construisaient pas pour les Français seulement : la France se construit pour elle, bien sûr, pour les siens, et en même temps, elle parle au monde de ce qu’il pourrait être. 

L énoncé de cet idéal est simple. 

Nous voulons une société faite pour l’homme, pour la personne humaine, la femme, l’homme, l’enfant. Une société pour l’homme, c’est aussi une société par l’homme, sa liberté, sa créativité, sa responsabilité. Là sont nos valeurs. 

Cela tranche beaucoup avec d’autres projets. 

Ce ne sont pas les valeurs matérialistes et « court-termistes » du marché, la marchandisation de tous les domaines de l’activité humaine et de la concurrence à tout prix entre les êtres humains. Et ce ne sont pas les valeurs étatistes de l’assistance, et de la prise en charge par la collectivité. 

C’est un peuple solidaire, une société créative, l’épanouissement personnel du plus grand nombre, une démocratie impartiale et fondée sur la vérité. 

Si ces valeurs avaient été défendues, l’extrémisme ne progresserait pas dans notre pays. 

L’extrémisme, c’est le symptôme des sociétés malades. Mais jamais l’extrémisme ne soigne la maladie. Il l’aggrave. 

Je voudrais vous dire frontalement ceci : personne n’aime la France plus que nous, son histoire, son présent et son avenir comme nation. Nous aimons, parce que nous la connaissons, sa réalité, son peuple, ses aspirations, son histoire, autant et parfois mieux que quiconque. Nous n’avons jamais participé - en tout cas je n’ai jamais participé - au mythe d’une France qui s’effacerait progressivement au profit d’une Europe lointaine, ou d’une autorité mondiale « éclairée ». Mais la France, ce n’est pas une fermeture. C’est une ouverture, un élan, un dialogue avec le monde. Et pas depuis maintenant, depuis plusieurs siècles, y compris depuis l’ancien régime. 

L’Islam est la religion de millions de Français. En tant que religion, en tant que foi, en tant que prière, elle a sa place. Il y a des millions de musulmans convaincus, ou moins convaincus, qui ne demandent qu’à pratiquer paisiblement leur religion. Et la République, notamment depuis la loi de 1905, notamment pour ce qui concerne les manifestations extérieures, dispose de tous les moyens légaux pour éviter que l’exercice de la religion des uns, vienne troubler la vie des autres. Il y a des millions de jeunes, notamment de jeunes - et je trouve que c’est une grande injustice qui leur est faite - qui se sentent ciblés par les propos offensants, volontairement offensants, qui les ciblent comme si musulman et Français, c’était incompatible. 

Et moi qui ai passé une partie de ma vie à réfléchir à l’œuvre d’Henri IV, je ne laisserai pas, sous aucun prétexte, se rallumer les guerres de religion. 

Et ces propos qui visent à exciter les uns contre les autres sont un mensonge. Parce que je dis ceci : nous vivons ensemble ! Nous allons devoir vivre ensemble ! Et nos enfants vivront ensemble ! C’est comme cela, c’est notre pays, c’est la France d’aujourd’hui ! Et s’il se déchire, faute des uns ou faute des autres, c’est tout le pays qui en souffrira. 

Et on comprendra ainsi pourquoi j’ai mené d’aussi intransigeants combats en faveur de la laïcité, intransigeants d’abord, pour montrer l’exemple, à l’égard de ceux qui partagent la même foi et la même Église que moi, et qui ont donc la légitimité d’être intransigeants quand il s’agit d’autres religions, d’autres fois religieuses, d’autres pratiques. 

Quand un jour, dans le grand livre de l’histoire des sociétés, on fera le bilan de ce que la France a apporté au monde, au prix de bien des tensions et parfois de risques et de souffrances, on verra que la laïcité est une grande nouvelle, un grand apport au monde, pas seulement pour nous, mais pour les autres pays, les autres civilisations. Et on verra que des continents entiers n’auront un jour le choix qu’entre ce choix de compréhension réciproque et la guerre à mort des religions ou des confessions entre elles. 

Et il y a un autre mensonge non seulement dangereux mais mortel s’il était par hasard pris au sérieux. 

Tous ceux qui nous disent : il faut sortir de l’euro, ils nous conduisent à la misère. Payer une dette libellée en monnaie forte, alors qu’on aurait une monnaie faible, c’est l’inflation, et c’est la misère assurée. Et dans cette misère là, ce sont les plus faibles qui seront atteints. Et tous les fondamentaux nécessaires seraient atteints, carburants, matières premières. 

L’euro, il faut reconnaître que son établissement a contribué à l’inflation des prix de la vie de tous les jours. Mais l’euro, il nous a protégés contre de grands désordres, contre des concurrences entre voisins. Qui se souvient aujourd’hui, dans les régions frontalières, comme on nous arrachait les marchés en se servant de la dévaluation périodique de la lire italienne ou de la peseta espagnole ! 

Bien entendu, dire que l’euro est protection et soutien, c’est dire aussi qu’il faut que l’Europe existe ! Qu’elle soit présente dans la réflexion commune des opinions publiques nationales, et non lointaine, sans vraie consistance, réservée aux seuls initiés, à inventer des bêtises ou des âneries comme un calendrier où figurent toutes les fêtes religieuses de toutes les religions d’Europe, sauf les fêtes chrétiennes ! L’Europe, il faut qu’elle devienne une dimension de la vie de notre nation, un univers accessible aux citoyens, aux citoyens de toutes les nations européennes. 

Mais je veux vous dire ceci. 

Toutes les ressources pour sortir de notre difficulté, toutes ces ressources, elles sont en nous et elles ne peuvent être qu’en nous ! Lorsque de Gaulle revint au pouvoir en 1958, c’était au lendemain du combat homérique qui vit la France politique se couper en deux sur l’idée européenne autour de la Communauté Européenne de Défense, puis du traité de Rome qui organisait la Communauté Économique et le marché commun. 

Les Gaullistes étaient majoritairement opposés à ce projet européen. Et donc lorsque de Gaulle revint au pouvoir, ses conseillers lui proposèrent en une note de dénoncer ce projet de marché commun, qui avait été, je le rappelle combattu y compris par Pierre Mendès-France lui-même, au motif que les Français n’étaient pas assez armés, trop faibles face à la concurrence de nos voisins européens. De Gaulle lut la note et sa réponse fut lapidaire : il renvoya la note avec cette remarque en marge : « non ! Les Français sont forts, mais ils ne le savent pas ! ». 

C’est ce message : « toutes les ressources sont en nous ! Les Français sont forts mais ils ne le savent pas », qui est le message de tous les redressements. Il est vain d’imaginer que des formules magiques puissent résoudre les problèmes à notre place. C’est nous qui les résoudrons et nous avons les forces pour le faire. 

Ce n’est notamment pas l’État qui résoudra les problèmes à la place des Français. Ce ne sont pas multiplication de services publics nouveaux, payés par des crédits que nous devons emprunter et que nous n’avons pas les moyens de rembourser. Services publics : faisons déjà marcher ceux qui existent et qui sont en si grave crise de confiance. 

Et voilà notre ligne. L’avenir, c’est la confiance rendue. 

Première étape : confiance rendue à l’État. La France a besoin d’avoir confiance en son État. Parmi les fautes impardonnables du régime en place, il y a l’utilisation de l’État à titre partisan ! Il suffit de regarder les nominations aux fonctions qui incarnent l’État : préfets, ambassadeurs, inspections générales, fonctions d’arbitrage et de contrôle, partout règne l’arbitraire, et l’arbitraire partisan ; il s’agit toujours de récompenser la soumission ou de compenser la disgrâce ! Il se murmure, on tient pour acquis, que ce qui devrait être l’une des plus importantes fonctions de la République, celle de Défenseur des droits va être attribuée non pas en considération du mérite, de l’expérience, de l’influence face aux administrations et aux pouvoirs, mais pour compenser la suppression d’une circonscription dans les quartiers privilégiés et libérer ainsi la place… 

Nous sommes et nous serons les défenseurs de l’impartialité de l’État, du respect et de la confiance rendues à ceux qui le servent, et servent ainsi leur pays. Et à ce titre permettez-moi de saluer la décision rendue avant-hier par le Conseil d’État, enjoignant de réintégrer dans ses fonctions le chef d’escadron Jean-Hugues Matelly, officier qui avait été purement et simplement radié des cadres de la gendarmerie pour avoir osé donner son avis en termes mesurés sur le rapprochement police/gendarmerie. 

Faire reculer et bannir l’arbitraire et l’esprit partisan au sein de l’État : voilà notre volonté. Et le fait de n’être dépendant, en aucune façon, d’aucun des deux principaux partis qui se sont livrés, à un moment ou à un autre, et chacun à leur tour, à cette dérive est une garantie. 

Au début, cela paraît une difficulté, et dans la vie de tous les jours, sans doute c’en est une, mais à l’heure des grands choix, en fait ce sera une force. 

Par exemple pour parler de manière crédible au monde de la justice en général et de la magistrature en particulier. 

Nous venons de vivre, les élus, chacun dans nos ressorts, les rentrées solennelles des tribunaux et des cours. 

Chacun aura pu mesurer quelle est l’ambiance au sein du monde de la justice, et donc, je le dis au passage, la charge qui pèse sur le nouveau garde des Sceaux. Je partage le jugement de Robert Badinter, exactement au mot près : « Jamais il n’y a eu au sein du monde judiciaire, chez les magistrats, une pareille dose d’amertume, un malaise aussi profond ». 

Il faut des gestes indiscutables de reconnaissance, des décisions qui renforcent l’indépendance de la magistrature, qui permettent d’alléger les interrogations en particulier sur le Parquet. 

Il est une décision, pas difficile à prendre, qui serait de nature à changer le climat et à lever ces interrogations. 

Chacun sait que la justice européenne vient de rappeler sa défiance à l’égard de la France sur le sujet de l’indépendance du parquet. D’où viennent ces doutes ? Pas seulement du rapport hiérarchique, pas seulement des instructions qui sont réputées devoir être écrites, donc transparentes, en matière de politique pénale. Mais du fait que la carrière des magistrats du parquet dépend directement de l’exécutif, ce qui les rend naturellement pus sensibles pour certains d’entre eux face aux injonctions. Comme Jean-Louis Nadal l’a rappelé, il suffit donc pour lever un certain nombre de ces doutes de décider qu’il n’y aura plus de nominations au Parquet sans avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ce serait un pas, assurément interprété comme un progrès en indépendance. 

En matière d’impartialité de l’État, d’équilibre des pouvoirs, d’indépendance des médias, notamment de l’audiovisuel public, de juste représentation des citoyens dans la République, aucune décision n’est coûteuse. Pas un euro d’argent public n’est en jeu. Au contraire, un pays qui a confiance, cela rapporte. Ce n’est pas un pays qui coûte, c’est un pays qui contribue. En tout cas, ces décisions créent à l’instant un climat de confiance dans le pays ! 

Confiance à rétablir : le monde de l’éducation est profondément atteint. Il suffit de rappeler ceci : le nombre des candidats aux concours de recrutement de l’Éducation nationale s’est effondré ces dernières années. Il a chuté de plus de 50 pour cent, sur les cinq dernières années, et le phénomène s’accélère, 35 pour cent de candidats en moins entre 2005 et 2009 ! Et en une seule année entre 2009 et 2010, la chute est de 27 pour cent supplémentaires (35000 passés à 25000) ! Et cela est d’autant plus grave que cela se passe dans un contexte de chômage des jeunes aggravé ! 

Ce sont là des faits, dans leur objectivité et leur brutalité. Si l’on ajoute que dans le même temps, la place de la France dans les classements de connaissance des jeunes adolescents a chuté, que les études donnent des chiffres inacceptables pour la maîtrise des fondamentaux au sortir de l’école primaire, et qu’on a supprimé la formation des jeunes enseignants avant l’exercice professionnel, on mesure la pente dévalée, et la pente à remonter. 

Or il faut mesurer ceci : il n’y a pas le choix ! Sera capable de redresser le pays qui sera capable de parler de manière crédible et ambitieuse de l’école, et à l’école, à ses maîtres, à ses cadres, aux parents et aux élèves et étudiants. En temps de guerre, ce qui compte c’est la guerre. Et c’était le programme de Clemenceau « politique intérieure, je fais la guerre ! Politique étrangère, je fais la guerre ! » En temps de paix, en temps de globalisation, en temps de concurrence internationale, il faut dire : « je reconstruis l’école, je reconstruis l’école ! » Il y faudra beaucoup de volonté, beaucoup de compréhension, il faudra une loi-cadre qui fixera les objectifs de la nation, et pour moi ces objectifs seront et doivent être ambitieux. Je les reprends devant vous : « donner, ou rendre à la France la meilleure école du monde ! ». 

La nation, c’est dans l’enfance qu’elle se forme. Voilà pourquoi j’ai défendu, sans parvenir tout à fait à faire changer d’avis le gouvernement, le Défenseur des enfants. Et j’espère bien que le Sénat, nos sénateurs reprendront la question. Pour certains, c’est une question d’opportunité, d’organisation, de regroupement. Pour moi, c’est au contraire regarder l’essentiel au fond des yeux, parce que les enfants d’une nation qui traverser des incertitudes matérielles et bien plus encore morales, ce sont les premiers à subir, les premiers à trinquer. 

Défendre les générations à venir : vous vous souviendrez que j’ai défendu l’inscription dans notre programme de mouvement politique, le « projet humaniste », d’une obligation constitutionnelle de protection des générations à venir : l’environnement, sa préservation, sa restauration, la terre, l’air, la santé qui en dépendent, d’un côté ; et de l’autre les dangers de la dette qui va plomber leur vie de travail, tout cela devrait être pris en compte dans chacune des décisions préparées et à prendre. 

En faisant de la dette et du déficit, un thème central de la campagne de 2007, nous avons contribué à l’avance, hélas - je dis hélas car la situation depuis s’est beaucoup aggravée - à ouvrir les yeux de beaucoup. Aujourd’hui, c’est à voix basse, en vérifiant bien que l’on n’est pas écouté, qu’échangent les déclarations d’inquiétude ceux qui connaissent la réalité de la situation. Jamais depuis vingt ans, n’avait été constaté de décrochage grave entre la France et l’Allemagne. Ce décrochage est en train de se produire et des chiffres vont sortir dans quelques jours sur ce sujet. Je le dis comme une alarme. Je vous donne seulement ces chiffres extraits de l’excellent rapport de Gilles Carrez à l’Assemblée nationale : l’année dernière la charge de la dette, c’était pour la France, un peu plus de 40 milliards, l’équivalent du budget de l’éducation nationale. Cette année 2011, ce sera 46 milliards, l’année prochaine, mécaniquement, ce sera 51 milliards. Le budget de l’éducation nationale sera dépassé de 20 pour cent ! Et la totalité de l’impôt sur le revenu n’y suffira plus ! 

C’est un sujet d’importance nationale qui demande la mobilisation de tous, qui exigera une réforme fiscale pour que l’effort à demander soit juste ; qui exigera un accord de modération État/collectivités locales ; qui exigera, je le dis, un accord national, un changement général des mentalités pour que l’attitude de sobriété raisonnable qui est celle de toutes les familles devienne aussi celle des administrations publiques et sociales, et qui ne sera possible que si nous savons retrouver la croissance sans laquelle on s’asphyxie. 

La gravité de la situation financière du pays, on a l’impression qu’elle n’est pas mesurée. Je voudrais reprendre Pierre Joxe au mot près là aussi : « la France n’est ni la Grèce ni l’Espagne, mais financièrement, contrairement à ce que l’on croit, elle est plus proche de la Grèce et de l’Espagne que de l’Allemagne. » Je suis de cet avis ! Beaucoup de gens sont de cet avis. Et l’énoncé de ce jugement prouve qu’il y a dans les grands courants de pensée du pays un jugement partagé sur la situation et sur le devoir qu’elle nous impose. 

Ce qui me conduit à parler des 35 heures, récemment remises sur le métier. Je me suis toujours opposé à la démarche politique qui a conduit à la décision des 35 heures. J’ai toujours trouvé cette décision issue d’une pensée fausse. Elle a coûté très cher pour les finances publiques, très cher en pouvoir d’achat et en stress au travail supplémentaire pour les salariés, très cher en terme de désorganisation d’un certain nombre d’institutions et des services publics. Les entreprises ont mis plus de dix ans à trouver des modes d’organisation pour faire face à cette contrainte nouvelle dont elles n’avaient, vraiment, vraiment, pas besoin. Mais alors qu’il a fallu plus de dix ans pour sortir de ce désordre, - et encore à l’hôpital, par exemple, n’y est-on pas encore parvenu - créer un nouveau désordre en chamboulant à nouveau le droit du travail, à mon sens, c’est méconnaître cette loi, cette certitude : les entreprises, les créateurs d’emploi, les salariés eux-mêmes, un pays tout entier a besoin de stabilité. 

S’il faut reprendre la question du droit du travail, du marché du travail, alors il faut le faire dans un plan d’ensemble et pas par des foucades, dans un sens puis dans un autre, alors même qu’il a été prétendu que la loi sur les heures supplémentaires réglait toute la question. 

Oui, on a besoin de simplifications, de souplesse, non on n’a pas besoin d’une guerre idéologique supplémentaire. 

C’est une des conditions pour que nous commencions la bataille décisive du grand combat économique auquel j’appellerai les Français. Il faut livrer et gagner la bataille du « produire en France ». Je parle exprès de production plutôt que d’emploi, donc d’industrie, d’agriculture, mais aussi de services, mais aussi de culture, et même d’art. La production ne se divise pas : la recherche y a sa part, l’esprit de risque et d’aventure de l’entrepreneur aussi. Il nous faut soutenir et conforter les secteurs où nous sommes forts, et reconquérir des secteurs entiers de la production qui ont disparu de notre pays. S’il n’y a pas de production, il n’y a pas d’emploi, et il n’y a pas de richesses nouvelles à investir dans les services publics, dans le social, l’éducation ou la santé. 

Ce n’est pas là un vœu que j’énonce, c’est pour moi une certitude : éducation et production ce sont les « labourage et pâturage » du XXI° siècle, un mot d’ordre pour la nation, et le seul chemin, le seul, pour que la France redevienne un signal d’espoir pour les femmes, les hommes et les enfants qui la forment, pour l’Europe et pour le monde. 

Je voudrais conclure, vous le comprendrez, avec gravité, en évoquant deux drames, le drame tunisien et le drame nigérien. 

Ce qui se passe au Maghreb, Tunisie, Algérie, c’est le résultat croisé de la misère, du chômage endémique qui frappe d’abord les jeunes, et de l’absence de démocratie. Bien sûr, nous n’avons pas à donner de leçons. Notamment parce que nous avons avec ces pays une histoire profonde, lourde, faite d’incroyables blessures. Les peuples ont leur histoire, ils sont souverains, et s’autodéterminent. Mais la démocratie, ce n’est pas seulement pour cette rive de la Méditerranée. La démocratie, ce n’est pas seulement un ornement pour privilégiés. La démocratie, c’est un droit pour tous, ça ne vient pas après le développement, c’est la condition du développement ! 

Les démocrates doivent soutenir les démocrates, faire des signes, dire ce que nous croyons en commun, ne pas multiplier les complaisances comme on en a donné l’impression ces derniers jours. Nous disons que le combat des démocrates en Tunisie, ce n’est pas pour nous un combat indifférent, ni étranger. 

Enfin le Niger. Tous, nous avons eu à honneur, presque tous les responsables politiques, de faire preuve d’esprit responsabilité après le drame qui s’est déroulé à la frontière du Niger et du Mali, et où deux jeunes Français ont laissé la vie. Les grands courants démocratiques du pays n’ont pas ouvert de polémique et ils ont bien fait. 

Mais je voudrais dire ceci aux dirigeants français pour l’avenir : la priorité dans toutes les décisions d’action, c’est la préservation de la vie des otages. Vous ne voulez pas que se perpétue ce marché de la honte, c’est légitime ! Vous refusez de vivre sous la terreur, vous avez raison. Vous refusez d’être mis en demeure de continuer à payer, soit ! Tout cela est légitime. Mais la préservation de la vie des otages doit être mise en priorité. Cela a toujours été la doctrine, non seulement française, mais de tous les gouvernements des démocraties. Et cela doit rester pour nous la priorité et la ligne de conduite des autorités de la République. 

Voilà, au commencement d’une année décisive, des vœux pour notre pays, et pour chacun de ceux qui le font vivre, lui donnent force et vitalité, des vœux pour que les Français retrouvent le goût de l’avenir. 

Bonne année à tous.

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