François Bayrou : "La seule possibilité, c'est le rassemblement"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de la matinale de TF1 ce jeudi 11 juillet à 7H40.

Seul le prononcé fait foi.

Bruce Toussaint : Il est 07h38, Adrien Gindre, votre invité ce matin est François Bayrou.

Adrien Gindre : Bonjour François Bayrou.

François Bayrou : Bonjour.

Adrien Gindre : Dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron demande à l'ensemble des forces politiques se reconnaissant je cite « dans les institutions républicaines de bâtir une majorité solide ». Depuis hier après-midi, on a entendu le refus de Laurent Wauquiez, le refus d'Olivier Faure, le refus de Marine Tondelier, des LR, socialistes, écologistes. Au moins c'est clair, l'idée du Président est morte et enterrée ?

François Bayrou : En tout cas, les forces politiques n'ont pas envie de jouer ce jeu-là.

Comme vous le savez, je n’ai jamais cru qu'ils le joueraient. Je pense que les institutions de la Ve République, c'est très différent de ce que les forces politiques imaginent.

Adrien Gindre : Donc le chef de l'État s'est trompé de stratégie en appelant aux partis ?

François Bayrou : Non. Je pense qu'il a voulu donner une chance, montrer de manière explicite, indiscutable, qu’il leur faisait confiance, qu'il était prêt à leur faire confiance. Mais les forces politiques, ce qui domine leurs visions, c'est l'intérêt de leur parti politique…

Adrien Gindre : Donc maintenant que la porte est fermée, on fait quoi ?

François Bayrou : …l'intérêt partisan. Et donc j'imagine que dans les 2-3 jours qui viennent, peut-être certaines d'entre elles vont réfléchir, je l'imagine sans en être totalement certain.

Et donc après on va revenir à ce qu'est la logique de nos institutions.

Adrien Gindre : C'est-à-dire ? D'abord nommer le Premier ministre, en fait, choisir le Premier ministre ?

François Bayrou : Et peut-être qu’on peut expliquer ça. Lorsque le général de Gaulle a créé ces institutions, il les a créées après avoir été, pendant toute une année, avec les forces politiques et avoir constaté que, en dépit de la résistance, en dépit de la France libre, chacun était revenu à sa logique de parti. Donc chacun jouait le jeu de son parti. Et le général de Gaulle a quitté le pouvoir en disant : « je ne peux pas continuer à redresser un pays dont les représentants, les forces politiques refusent de s'entendre entre elles et refusent de mettre en premier l'intérêt national ». Vous voyez bien ce que c'est, ce qui est en train de se passer pour chacun.

Adrien Gindre : Pour aujourd'hui, on nomme un Premier ministre pour vous et c'est au Premier ministre de composer ?

François Bayrou : Pour moi, c'est exactement ça. Parce qu’aujourd’hui, vous avez la gauche qui dit « nous vous donnons l'ordre de nommer un Premier ministre de gauche », puis la droite dit, « Il faut que vous nommiez un Premier ministre de droite ». Je n'exagère rien…

Adrien Gindre : Absolument.

François Bayrou : Je traduis simplement ce que chaque force politique veut dire. Et donc il faut en revenir à la logique que je crois la bonne, la logique institutionnelle, c'est-à-dire que le président de la République devra nommer un Premier ministre. Et ce Premier ministre-là, il lui reviendra de composer un gouvernement qui représentera, avec des personnalités fortes d'expérience, avec des personnalités qui se respectent entre elles, un gouvernement dans lequel chacun pourra retrouver une part de sa sensibilité.

Adrien Gindre : Mais j’imagine que vous l’avez dit au Chef de l’État, ça ?

François Bayrou : Ça, Adrien Gindre, le seul chemin à mon avis aujourd'hui disponible puisque tous disent non. C’est d’ailleurs fascinant.

Adrien Gindre : Alors, François Bayrou, qu'est-ce que vous répond le chef de l'État sur cette idée ?

François Bayrou : Je pense que le chef de l'État d'abord, il est au sommet de l'OTAN…

Adrien Gindre : Au sommet de l’OTAN, aux États-Unis.

François Bayrou : Et il réfléchit. Mais je suis, moi, certain qu’il y a quelque chose de fascinant depuis cette élection. C'est une élection dans laquelle la question posée était « est-ce que vous voulez une majorité absolue du Rassemblement national, de l'extrême droite ? ». Les Français ont répondu massivement non. Mais il n’y a pas de vainqueur puisque…

Adrien Gindre : Vous partagez l'idée du chef de l'État que personne ne l'a emporté, même si le Nouveau Front Populaire est en tête ?

François Bayrou : … ce n'est pas « l'idée », ceci est la vérité des faits.

Adrien Gindre : En 2022, personne n'a dit que le bloc central n'avait pas remporté les élections alors même que c'était déjà une majorité relative.

François Bayrou : Parce qu'il avait une majorité gagnée contre les autres. Là vous aviez les 2 forces qui disaient « il faut écarter le Rassemblement national » et elles n’étaient pas concurrentes entre elles, elles étaient alliées.

Adrien Gindre : Mais alors quelles conclusions vous en tirez ? Est-ce qu'il doit y avoir une alliance avec ce Nouveau Front Populaire ? Avec cette gauche, qui, comme vous, a voulu faire barrage au RN ?

François Bayrou : Adrien Gindre, laissez-moi expliquer ça. Le Nouveau Front populaire, ce sont des élus qui, pour tous, ont reçu les voix des électeurs du centre. Les élus du centre ont tous reçu les voix de la gauche. LR a reçu, pour l'immense majorité de ses élus, les voix des 2 autres forces. Alors qu'est-ce qu'on nous raconte ? Ce n’était pas une compétition des uns contre les autres, c'était une entente pour écarter le risque ce que nous croyons être le pire.

Adrien Gindre : Mais alors, est-ce que vous en tirez la conclusion c’est qu'il faut travailler ensemble ? Je vous prends un exemple, Gérald Darmanin, l'actuel ministre de l'Intérieur dit : « moi, un gouvernement où il y aurait l'écologiste Sandrine Rousseau, l'écologiste Marine Tondelier, c'est non ». Et il dit même qu'il ira jusqu'à signer une motion de censure le cas échéant. Est-ce que c'est la bonne manière de procéder pour aboutir ?

François Bayrou : Je pense en effet que le risque, presque plus que le risque, la certitude, c'est que si vous avez des gouvernements avec des personnalités qui ont eu des attitudes très agressives ou très exclusives, avec des programmes qui sont insupportables ou qui sont tellement loin de la réalité…

Adrien Gindre : C’est le cas des écologistes ?

François Bayrou : C'est le cas de l'ensemble du programme de ces forces…

Adrien Gindre : Du Nouveau Front Populaire.

François Bayrou : … qui ont été très influencé par LFI comme vous le savez. Le risque c’est la censure immédiate et c'est pas du tout ce qu'il faut faire.

Adrien Gindre : Vous aussi vous excluez un gouvernement où il y aurait les écologistes ? Sandrine Rousseau, Marine …

François Bayrou : Non, je n'exclus rien parce que ma démarche n'est pas celle-là. Je ne pense pas que ce soit dans les confrontations de forces politiques, de partis politiques, qu'on puisse trouver la réponse à la question qui se pose aujourd'hui au pays. On a des problèmes immenses devant nous. On vient de vivre une crise qui a été un révélateur de choses extrêmement profondes et il faut sortir de la logique d'affrontement pour entrer dans une logique de rassemblement.

Adrien Gindre : Il y a quand même des étiquettes politiques. Par exemple La France Insoumise, François Bayrou, est-ce qu’un Premier ministre choisi par le chef de l'État pourrait ensuite choisir des personnalités de la France Insoumise pour rejoindre cette équipe ?

François Bayrou : Je ne sais pas ce que vous voulez dire par des personnalités de la France Insoumise. Laissez-moi vous expliquer comment je vois les choses en deux phrases. Les courants politiques, ce sont des grandes sensibilités du pays qui viennent depuis des années et des décennies. Il y a, dans ces sensibilités, des personnalités qui ont de l'expérience, qui sont animées de l'intérêt général et qui sont compatibles entre elles.

Adrien Gindre : Et vous pensez à qui ?

François Bayrou : Non, je ne donne pas de nom parce que…

Adrien Gindre : On ne voit pas du tout.

François Bayrou : … je ne suis pas en train de former le gouvernement. Ce n’est pas parce que vous ne voyez pas, Adrien Gindre, que ça n'existe pas.

Adrien Gindre : Oui mais vous pouvez nous aider à voir.  

François Bayrou : Et donc c'est très…

Adrien Gindre : C'est théoriquement très séduisant ce que vous dites. Mais est-ce qu'on n'est pas un peu loin malheureusement de la réalité des partis ?  Il y a des groupes qui sont structurés à l'Assemblée, il y a des positions d'hostilité. Il faudra bien que ce gouvernement recueille un soutien à l'Assemblée des partis et des groupes politiques.

François Bayrou : Exactement, et je suis persuadé que cela est possible. Je pense qu'il faudrait que ça ne traîne pas trop, je ne suis pas sûr du caractère réaliste de ce que je dis là parce que chacun est enfermé sur ses positions.

Adrien Gindre : L'idée de laisser du temps, comme le dit le chef de l'État, ça vous paraît pas forcément bénéfique ?

François Bayrou : Non, je pense que ça dépend ce qu'on appelle du temps.

Adrien Gindre : Donc pour vous c'est quoi ?

François Bayrou : Ça dépend la durée.

Bruce Toussaint : François Bayrou, si je résume, c'est intéressant ce que vous dites ce matin. Vous dites, un, « il faut, finalement, qu'il y ait un Premier ministre qui soit nommé et qui fasse ce boulot-là de créer une coalition ».

François Bayrou : Oui, c’est ce que je crois.

Bruce Toussaint : Deux, si je comprends bien aussi, vous dites qu'il faut une personnalité qui soit un peu au-dessus de tout ça. Est-ce que ça doit être une personnalité, au fond, qui n'a pas véritablement d'étiquette politique ? Est-ce que vous croyez à ce profil-là ou est-ce que ça c'est une utopie et ça n'existe pas ?

François Bayrou : Si ce profil existe. Mais moi je ne crois pas qu'il existe de personnalité qui n'ait pas d'identité.

Bruce Toussaint : Donc il faut que ce soit quelqu'un, j'allais dire de « centriste » ? « Central » ?

François Bayrou : C'est beaucoup mieux. Comme vous le savez, quand vous avez des forces qui…

Adrien Gindre : Voire MoDem, dirions-nous ?

François Bayrou : Quand vous avez des forces qui sont décidées à s'affronter bien qu'ayant fait campagne ensemble, c'est pour ça que c'est complètement le moment et pour les Français, j'en suis sûr, complètement étrange. Il faut qu'il y ait des personnalités qui acceptent de dépasser leur identité politique pour que l'intérêt national soit pris en charge. J'ajoute que, à mes yeux, ces personnalités-là doivent être marquées d'expérience, elles doivent avoir traversé des tempêtes, elles doivent savoir ce qui arrive dans une crise.

Adrien Gindre : Vous venez de définir votre portrait-robot.

François Bayrou : Non, je ne fais pas mon portrait-robot.

Adrien Gindre : On peut, il n’y a pas de mal.

François Bayrou : Non, Adrien Gindre, moi je suis là pour aider. Si je peux, d'une manière ou d'une autre, aider à sortir de cette impasse dans laquelle on se trouve, qui va finir par devenir un peu lassante pour les Français. Il y a eu un mois et demi, deux mois, d'événements extrêmement marquants, de coups de grisou et de tremblements de terre dans la société politique française. Des gens ont arraché leur masque pour révéler, qu'en réalité, ils pensaient le contraire de ce qu'ils disaient. Et les Français ont tranché en écartant les extrêmes. Maintenant, il faut que tous ceux qui ont aidé à écarter les extrêmes acceptent de renoncer à leurs oukases, à leurs injonctions, à leur ligne rouge, comme ils disent, en disant : « nous, nous ne venons que si on applique notre programme et si c'est quelqu'un de chez nous ». Tout cela est absurde. Donc la seule possibilité, c'est qu’on réussisse ou qu’on propose un rassemblement et on verra à l'Assemblée nationale ce qui se passera.

Bruce Toussaint : Et si on vous le propose, vous dites oui ?

François Bayrou : Je suis là pour aider de toutes les manières possibles.

Bruce Toussaint : C'est une façon de dire oui.

François Bayrou : Je n'exclus aucune manière possible d'aider à ce type de rassemblement, car si ce rassemblement n'a pas lieu, alors il y aura parmi les Français, parmi les citoyens, un ressentiment très grand à l'égard de toutes les forces politiques.

Bruce Toussaint : Merci beaucoup François Bayrou.

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