François Bayrou, invité du Journal de 20h sur France 2 et dans Le Grand Entretien sur LCI
Retrouvez l'interview de François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, au Journal télévisé de 20h sur France 2, puis son passage sur LCI dans Le Grand Entretien.
Bonsoir François Bayrou, merci d'être avec nous, Haut-commissaire au Plan, vous avez 23 ans lorsque Valéry Giscard d'Estaing élu.
Il est perçu comment à l'époque ?
C'est un homme proche des Français ?
C'est un homme qui est comment en coulisse ?
Ce que Valéry Giscard d'Estaing apporte pour la génération qui a 20 ans à cette époque, c'est un sentiment que l'avenir va s'ouvrir, qu'il va y avoir un optimisme, que tout ce qui pèse sur les épaules qui vient de l'histoire, il faut dire que même la guerre n'est pas si loin ! Et donc le sentiment que cela va s'ouvrir et tous ceux qui ont participé à la campagne - j'en connais beaucoup - on a partagé beaucoup de moments, tous ont en tête ce sentiment d'ouverture, de ciel bleu que quelque chose était en train de changer, et de changer par un élan que les plus jeunes partageaient.
Optimiste peut-être aussi, il voulait diriger la France au centre.
Est-ce que son échec en 1981, c'est peut-être la preuve que c'est impossible ?
On est en 2020, et il me semble qu'il y a aujourd'hui un Président de la République qui précisément a repris cet élan, ce projet ou cet idéal.
Il a montré, on a montré en 2017 - on a failli montrer à d'autres élections - qu'au contraire cette majorité centrale qui permettait de dépasser les affrontements d'un camp contre l'autre, la droite contre la gauche, elle existait bel et bien et ce que l'appel auquel Valéry Giscard d'Estaing a répondu et auquel la suite en 2017 a donné raison, c'est qu'on peut rassembler le meilleur des uns et le meilleur des autres quand on croit à l'avenir du pays.
Vous me permettez une phrase sur le reportage que l'on a vu avant.
C'est sûr qu'il y avait des maladresses de communication, mais il y a une chose dont je suis absolument certain, c'est qu'il en était malheureux et que sa démarche vers les Français, les Français de base, les Français de simplicité, était une démarche de bonne foi, que lui voulait les rencontrer, voulait aller à leur rencontre. Il y avait quelque chose d'assez émouvant et assez triste de voir que tous les efforts qu'il faisait en réalité, ils se trouvaient déçus parce que la prestance, j'allais dire l'altitude qui était naturellement les siennes démentaient cette proximité.
Sur la question des centristes vous me tendez une perche, avec Valéry Giscard d'Estaing, réformateur dès le début, puis une crise économique qui a tout stoppé, sanctionné en 1981 et là on a Emmanuel Macron dont vous parliez vous-même à l'instant, très rapidement, réformateur et il y a la crise des gilets jaunes, la crise sanitaire.
La crise sera quoi selon vous ? Le parallèle s'arrête là ?
Non l'histoire est toujours à écrire.
Parfois l'histoire se répète ?
Rien n'est écrit à l'avance heureusement. Il arrive que l'histoire se répète mais il arrive aussi que l'on tourne les pages et que l'on ouvre des chapitres nouveaux et de nouvelles manières d'être et de faire et pour cela il faut en à effet avoir une espèce d'optimisme au fond du cœur.
Il faut croire que l'on peut changer les choses.
C'est indispensable en étant à ce poste.
La plupart des responsables politiques, au fond d'eux-mêmes, ils croient que l'on ne peut rien changer, il y a une fatalité et que l'on ne peut pas faire bouger les choses.
Merci beaucoup François Bayrou d'avoir été avec nous.
Retrouvez ci-dessous l'entretien de François Bayrou sur LCI :
Bonsoir François Bayrou.
Bonsoir.
Merci d'être avec nous.
Je vais tout de suite vous poser une question pour entrer dans le vif du sujet puisque vous avez repris l'UDF de Valéry Giscard d'Estaing, il y a une filiation politique évidente.
Quand vous le rencontrez, c'est en quelle année, qu'est-ce qui vous frappe chez l'ancien Président ?
Je le rencontre en deux étapes.
J'étais trop jeune au moment de 1974 et même de 1981, je n'avais pas de responsabilité nationale, j'avais des responsabilités locales.
On a dû se croiser mais on ne s'est pas rencontrés. En revanche, en 1986, on est élu député du même groupe à l'Assemblée nationale et je suis le benjamin du groupe et Valéry Giscard d'Estaing est évidemment la figure de proue, le phare du groupe. On est dans une situation politique assez délicate car la moitié du groupe dont je suis est barriste et Valéry Giscard d'Estaing voit le barrisme d'un œil un peu "mitigé".
Le premier vote est un vote extrêmement serré, c'est le vote de confiance pour le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac. Il faut dire si on est pour ou contre.
Évidemment Valéry Giscard d'Estaing est la figure de proue et on cherche quelqu'un pour aller faire l'explication de vote pour les barristes car évidemment on avait expliqué pendant toute la campagne qu'on était contre la cohabitation et on allait voter, il fallait bien, sinon autrement le gouvernement tombait, la confiance.
On cherche quelqu'un qui accepte de parler et, comme dit la chanson, le sort tomba sur le plus jeune.
Le plus jeune, c'était moi.
Je n'étais pas entré à l'Assemblée nationale depuis 2 heures que l'on m'envoie à la tribune pour ce vote extrêmement difficile.
C'est cette relation avec Valéry Giscard d'Estaing qui commence à ce moment-là ?
Elle commence à ce moment-là, mais elle s'est enracinée, elle est devenue très forte à partir de 1989 car il me demande, alors que j'avais dirigé la campagne européenne de Simone Veil contre lui, de devenir le secrétaire général de l'UDF.
On rappelle que vous êtes loin derrière avec Simone Veil à 8 %. C'est une des élections qu'il a réussies après l'échec de 1981.
Mais quand vous le découvrez à ce moment-là, il représente quoi Valéry Giscard d'Estaing ? Est-ce qu'il est très respecté ? Est-ce qu'on se tait en respect eu égard à ses fonctions antérieures ? Est-ce quelqu'un qui est déjà un peu oublié ?
Non pas du tout, c'est quelqu'un qui est sur une trajectoire dont il pense ou dont il rêve qu'elle puisse le conduire à nouveau à l'Élysée aux fonctions suprêmes.
Il cherche à revenir.
Il est tout à fait dans la puissance de son intelligence et de sa force.
Simplement, vous m'interrogez sur mes souvenirs personnels. J'ai été pendant cinq ans quotidiennement et même pluri quotidiennement le premier collaborateur, le bras droit, le secrétaire général de Valéry Giscard d'Estaing, c'est une période très heureuse de ma vie.
Il était cordial, il avait de l'amitié ? Il était drôle ?
Il était cordial et il était même affectueux et on a ri énormément pendant cette période parce qu'il avait un humour vraiment extrêmement dévastateur.
Cruel ?
Oui, à l'égard d'un certain nombre de ceux qu'il portait dans son cœur, il avait la dent dure, mais avec un esprit, avec un don de la langue, avec une capacité d'expression qui dépassait tous ceux qui lui étaient opposés dans la vie politique de cette époque.
Il y a une phrase de Jean d'Ormesson, il écrit un papier lorsque Valéry Giscard d'Estaing perd en 1981, il a cette phrase, cette tournure toute simple : "mais il était impossible d'être plus intelligent que Valéry Giscard d'Estaing."
Jean d'Ormesson.
Il avait une intelligence qui, manifestement, pétrifiait ou en tout cas fascinait ses interlocuteurs, c'était aussi évident que cela ? Il allait plus vite, plus loin tout de suite ?
C'était aussi évident que cela parce qu'il avait une capacité formidable. Je ne dis pas qu'il avait toujours raison, ce sont les légendes.
On peut être très intelligent et avoir souvent tort.
Il arrivait que l'on ait des désaccords entre nous mais au moins il acceptait que l'on en parle. Il me disait : "Il faut faire cela", je lui répondais : "Non, cela, Monsieur le Président, je ne crois pas qu'on puisse le faire", avec l'audace de la jeunesse naturellement et, quand il changeait d'avis, il me disait : "bon, ce sont les vertus de la dialectique."
C'était assez joli, en tout cas pour moi, j'ai évidemment beaucoup appris et beaucoup aimé cette période et le travail vraiment assidu qui était le nôtre pour essayer de faire vivre ensemble des gens, des courants politiques qui n'avaient pas tellement envie de vivre ensemble et qui n'avaient pas tous envie de vivre avec lui.
Donc il était au centre, centre-droit.
Oui.
Culturellement de droite. Il crée l'UDF pour tenter d'endiguer le RPR, on disait tout à l'heure avec les invités autour de ce plateau qui vous ont précédé, il crée, mais il a du mal à entretenir ensuite.
C'est très difficile. Faire vivre ensemble des courants politiques rivaux, c'est extrêmement difficile et comme à côté il y avait le RPR de Jacques Chirac avec tout l'espace qu'il occupait sur la droite de l'échiquier politique, la tentation était grande, pour ceux qui n'avaient pas envie de vivre ensemble, d'aller assez souvent jouer avec le rival.
Ce n'était pas une période agréable de ce point de vue-là.
Il était très intelligent, on le disait aussi, il n'a pas un goût immodéré pour la manœuvre politicienne.
Il aurait volontiers pratiqué la manœuvre, mais c'était très difficile.
Il a trouvé plus fort alors que lui ? Jacques Chirac ? Il a sans doute sous-estimé le caractère manœuvrier de Jacques Chirac ?
Il n'a pas tellement sous-estimé, il a combattu ou essayé de combattre.
La principale difficulté politique, mais les historiens expliqueront cela, c'est que Valéry Giscard d'Estaing avait un appareil divisé, il y avait les amis de François Léotard d'un côté les amis de Méhaignerie de l'autre, trois ou quatre forces politiques complémentaires et chacune d'entre elles essayait de prendre le pas ou d'avoir son propre succès en allant négocier avec Jacques Chirac, et c'était invivable.
Valéry Giscard d'Estaing et moi, je dois dire, on passait notre temps à essayer de rabibocher, de ramener.
C'est pourquoi l'UDF est souvent présentée comme un idéal, mais je peux vous dire que pour Valéry Giscard d'Estaing et pour moi, c'était un idéal qui n'était pas facile à vivre.
Vous disiez : j'ai vécu de très bonnes années auprès de lui. On dit aussi qu'il n'a jamais réussi à dépasser sa défaite de 1981.
Il en a conçu de l'amertume, du dépit ? On se rappelle de cette image quand il quitte l'Élysée, il tourne le dos à la caméra, il part. C'est l'image caractéristique du dépit du perdant, du vaincu.
Il avait ce dépit du vaincu éternel vaincu ?
Je ne dirai pas cela exactement. Ce que je crois, c'est qu'il y avait chez lui une souffrance d'avoir été incompris. Il a été un enfant prodige et aussi un enfant prodige de la politique.
Je me souviens très bien, je suis enfant, et Valéry Giscard d'Estaing - il est très jeune ministre des Finances du Général de Gaulle, il a à peine plus de 30 ans, c'est le Général de Gaulle - monte à la tribune de l'assemblée et, pour la première fois, il défend son budget sans notes.
Je suis un petit garçon et dans la cour de la maison, mon père est paysan, il me dit : "Tu vois, celui-là, il va être Président de la République."
Sans notes, personne n'a jamais fait cela.
Parce qu'il avait compris qu'il y a des gestes qui marquent, qui symboliquement signifient quelque chose et Valéry Giscard d'Estaing les a compris.
Quelquefois il les a poussés trop loin.
L'image que vous indiquez : "Au revoir", c'est une image qui dit : Je laisse le siège vide mais un jour je peux le récupérer.
Simplement cette image était tellement forte qu'elle a envahi tout le reste et effacé tout le contenu du discours qui était émouvant.
Il a essayé de revenir ; on se souvient de sa phrase en 2002 : "Je ne veux pas être candidat, mais je ne l'exclus pas" à la présidentielle justement avant 2002.
Il y a une phrase de Raymond Aron qui dit que Valéry Giscard d'Estaing n'a pas la conscience du tragique.
De l'histoire.
Pardon, "il n'a pas la conscience que l'histoire est tragique."
Qu'est-ce qu'il voulait dire ?
"Il ne sait pas que l'histoire est tragique", je crois qu'il a dit cela.
Qu'est-ce qu'il veut dire ? Eh bien que, pendant toute la première partie de sa vie, Valéry Giscard d'Estaing, c'est l'image du bonheur en politique et probablement a-t-il cru que c'était assez facile, qu'au fond les étoiles étaient avec lui ou qu'il avait suffisamment de capacités personnelles pour dépasser les crises, les pièges, les malheurs du temps.
Je crois qu'il a cru que, tout cela, au fond, il le surmonterait et ce n'est pas si simple car, quand on est un homme d'État, on ne fait pas l'histoire tout seul.
Était-il isolé ?
Oui, je pense qu'il était assez isolé.
Le cherchait-il ?
Je pense qu'il s'est isolé au travers du temps. Je parle encore de cette souffrance que j'ai ressentie chez lui et dont il m'est arrivé de parler avec lui, peut-être pas sous une forme aussi claire que celle-là, mais cela avait beaucoup de signification.
Je pense qu'il avait une très haute conscience de sa valeur et, là encore, il pensait que tous ses dons feraient qu'au fond, tout le monde se regrouperait autour de lui.
Peut-être cela vient-il de son enfance. Je ne sais pas qui a fait la psychanalyse de Valéry Giscard d'Estaing, ni même si elle a jamais été faite, mais je pense qu'il y a beaucoup de l'enfant à qui tout réussit.
Cela ne s'appelle-t-il pas un complexe de supériorité ?
Non. En tout cas, cela porte sa douleur en soi. J'ai souvent pensé - je crois l'avoir écrit dans des livres - que le regard de sa mère y a probablement été pour quelque chose.
Quand on a tous les dons, quand on a la stature, quand on s'engage dans l'armée à 18 ans pour libérer son pays, que l'on revient et que l'on est polytechnicien, puis qu'ensuite, on entre à la toute nouvelle École nationale d'administration, que l'on devient Inspecteur des finances et que, tout d'un coup, le Général de Gaulle vous nomme, alors que vous êtes à peine adolescent, au Ministère des Finances dans un état où, à l'époque - c'est encore le cas aujourd'hui -, le Ministère des Finances était la citadelle, c'est particulier.
Cela ne vous rappelle-t-il personne, excepté pour Polytechnique ?
Je vois votre allusion. Il se trouve que Valéry Giscard d'Estaing et Emmanuel Macron ne se connaissaient pas ou très peu, mais, moi qui les connais tous les deux, si vous voulez dire qu'il y a des ressemblances, c'est la vérité.
Dans tout ce que vous avez décrit, il existe des similitudes évidentes.
D'abord, ils appartiennent au même courant politique et, oui, il y a des similitudes.
Il y a une autre similitude même si ce n'est pas le sujet de cette rencontre, c'est l'optimisme, car on ne grimpe ces Himalaya que si on croit que l'on peut y arriver. On ne gagne une élection - ils ont tous les deux, l'un et l'autre, gagné une élection dans les mêmes circonstances, c'est-à-dire aucune chance au départ et un succès triomphal à l'arrivée - que si l'on croit à quelque chose, car cet optimisme-là, cette capacité de foi, c'est extrêmement attirant pour un peuple.
Et quand on sait saisir sa chance au gré des circonstances.
Il existe d'autres similitudes : le choc pétrolier de Valéry Giscard d'Estaing et, aujourd'hui, l'épidémie. Ce sont des chocs considérables qui viennent évidemment percuter des mandats.
On va revenir à cette comparaison.
Je voudrais dire un mot de l'Europe. Vous êtes bien sûr un européen convaincu. C'est une des raisons d'être du MoDem et de votre engagement politique.
Valéry Giscard d'Estaing s'est reporté sur l'Europe. Il a reporté toute son énergie sur sa foi européenne qui était enthousiaste.
D'ailleurs, aujourd'hui, plusieurs hommages viennent de pays européen comme l'Allemagne avec Die Welt, comme l'Italie avec La Repubblica, comme avec le Times. On rend hommage à un grand européen.
Il a construit. Le Conseil européen, c'est lui. Il a aidé à créer l'Écu qui est l'avant-garde de l'Euro. Il a beaucoup fait pour l'Europe. C'était fondamental.
Un point n'est pas exact dans votre formule. Vous dites qu'il s'est reporté sur l'Europe.
Il a reporté et concentré son énergie sur l'Europe.
Il a toujours été dans cet élan-là…
… Et dans cette foi européenne.
Tout le monde l'a raconté, la relation avec Helmut Schmidt, l'un de gauche et l'autre considéré comme "anti" par les socialistes français, tout cela était pour lui, comme pour ceux qui y croient, car la question européenne est encore un domaine de fois, un domaine d'idéal, très important.
Quand on voit à quel point il faisait correspondre l'avancée du pays avec l'avancée du projet de l'idéal européen, alors on saisit là une cohérence qui est, en effet, la cohérence de ce grand courant politique dont on parlait.
Le 2 février, il y aura d'ailleurs une journée d'hommage européen, avec une dimension européenne. C'est ce qu'a annoncé Emmanuel Macron.
Le jour où il aurait eu 95 ans.
Il a un autre parallèle entre Emmanuel Macron et Valéry Giscard d'Estaing, c'est la difficulté à établir un lien avec les Français. Cela caractérise la fin du mandat de Valéry Giscard d'Estaing et la suite de sa vie politique.
Il n'a pas réussi à créer ce lien populaire, ce lien affectif que l'on a beaucoup observé chez Jacques Chirac.
Emmanuel Macron non plus n'y parvient pas.
Encore une fois, je ne sais pas si c'est un privilège, mais je connais très bien et j'ai très bien connu ces deux Présidents de la République.
Contrairement à ce que l'on croit, c'est plus facile chez Emmanuel Macron que chez Valéry Giscard d'Estaing. Chez ce dernier, il y avait quelque chose… J'ai dit aujourd'hui lors d'une autre interview ce que je pense profondément. Je pense que l'on a attribué à la communication quelque chose qui n'en était pas, à savoir cette volonté de rencontrer les gens, d'être dans la simplicité d'une relation, de dîner avec eux, d'inviter ceux qui font les travaux difficiles dans notre société - je pense aux éboueurs -, d'aller voir les prisonniers en prison, ce qu'on lui a tellement reproché.
Il est allé les voir dans leur cellule.
Entre nous, sans vouloir faire de la philosophie de comptoir, c'est assez évangélique et ceux qui le lui ont reproché faisaient porter contre lui cette accusation.
En réalité, tous ces gestes-là, en tout cas de ce que j'en ai vu, que j'atteste, étaient des gestes de bonne foi…
De sincérité.
… Mais il ne savait pas faire, ce qui n'est pas le cas du tout d'Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron sait faire ?
Oui, il est beaucoup plus près des gens et je peux le dire, pour l'avoir vu pendant des heures et des heures avec des élus ruraux, à la nuit tombée, en train de boire un coup.
Valéry Giscard d'Estaing avait beaucoup de mal à faire cela, car il y avait en lui une éminence, une distinction.
Une aristocratie, on l'a beaucoup dit.
Une aristocratie ou une prestance qui était impressionnante pour les gens.
Il n'arrivait pas à briser la glace et lui pensait pouvoir le faire.
C'est cela.
Vous êtes un homme lettré, François Bayrou. Juste un mot. Valéry Giscard d'Estaing était Académicien.
Il a écrit des livres, parfois des romans. Je ne les ai pas lus, mais on a un peu souri. Il a écrit Le Passage, La Princesse et le Président pour lequel on a vu une évocation d'une possible relation entre lui et Diana.
C'était quoi, ces livres ?
J'ai beaucoup d'admiration pour Valéry Giscard d'Estaing, j'ai beaucoup d'admiration pour Valéry Giscard d'Estaing écrivain, mais pas pour Valéry Giscard d'Estaing romancier.
Un peu sentimental ?
Un peu à l'eau de rose, un peu bluette.
Je pense que je vais me faire très mal voir ! Un jour Valéry Giscard d'Estaing appelle à la maison et c'est ma femme Babette qui décroche. Il lui dit : "Avez-vous reçu mon livre ? Qu'en avez-vous pensé ?".
Babette lui répond : "Voulez-vous vraiment que je vous le dise ?", ce à quoi il a indiqué préférer ne pas savoir et qu'elle ne lui dise pas !
C'était d'une honnêteté scrupuleuse.
Je pense que le jugement que sous-entendait cette honnêteté était assez fondé du point de vue du romancier.
Quoi qu'il en soit, c'est un très grand prosateur, d'abord de discours. François Mitterrand avait une formule formidable. Il disait : "Il ouvre la bouche et il en sort un œuf". Il voulait dire que c'est une forme parfaite. En même temps, il y avait quelque chose qui évoquait probablement les poules dans cette formule.
C'était un très grand prosateur d'essais. Ses mémoires sont remarquables.
Valéry Giscard d'Estaing était un orateur brillant et c'est comme cela qu'il a commencé à se faire remarquer lorsqu'il était au Parlement.
Merci infiniment, François Bayrou.