François Bayrou : "Je veux aider le pays à sortir de cette ornière !"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Apolline de Malherbe sur BFM TV et RMC ce mercredi 10 juillet à 8h30.

Seul le prononcé fait foi. 

Apolline de Malherbe : Bonjour François Bayrou. 

François Bayrou : Bonjour. 

Apolline de Malherbe : Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Vous êtes le président du MoDem, vous êtes Haut-commissaire au Plan, vous êtes maire de Pau et vous faites partie de cette poignée de proches du président qui a participé à toutes les réunions à l'Élysée avant et après les résultats de chacune des 3 dernières élections. 

Le Nouveau Front Populaire n'arrive pas à se mettre d'accord sur une proposition de Premier ministre et dans le même temps, on commence à voir un nouveau scénario, peut-être, se dessiner, celui d'une alliance d’Ensemble avec la droite républicaine. Est-ce que cette option est sérieuse ? 

François Bayrou : Je ne sais pas si elle est sérieuse. Il y a sûrement des gens qui pensent toujours, dans toutes les situations, à refaire les anciens clivages, c'est-à-dire à imaginer que la majorité de la France, après un scrutin qui, pourtant, dit exactement le contraire, on va y revenir, c'est-à-dire qu'on puisse faire gouvernement de la moitié du pays contre l'autre moitié. D'abord, c'est exactement le contraire de ce que cette élection a dit. Cette élection n'avait qu'une question au 2e tour, c'était : « Est-ce que vous, nous, citoyens français, nous sommes prêts à donner une majorité absolue à l'extrême droite ? ». C'est ça la question qui était dans tous les esprits et, à laquelle, pour répondre à cette question, on a construit un front….

Apolline de Malherbe : Un front républicain ? 

François Bayrou : Un front, un ensemble républicain d’alliances républicaines, en disant : « On va prendre le mieux placé au premier tour, pour lui apporter tous nos suffrages de manière à écarter ce risque dont nous ne voulons pas ». Ce risque est écarté. Et faire croire, ou tenter de faire croire que les électeurs ont choisi un camp contre l'autre, c'est évidemment absurde. 

Apolline de Malherbe : Vous pensez à qui là ? Parce que les seuls qui ont vraiment revendiqué une victoire, c'est la gauche et vous leur dites, « Non, vous n'avez pas gagné » ?

François Bayrou : Non, je dis : « Lors de cette élection, vous n'avez pas obtenu le suffrage des Français sur votre étiquette, sur votre programme, sur vos options. Vous avez obtenu le suffrage des Français parce que vous vous êtes, comme les autres, comme vos collègues, présentés comme ceux qui pouvaient faire barrage ». Et c'est ça qui s'est passé puisque des électeurs de gauche, très nombreux ont apporté leur suffrage à nos candidats. Et nos électeurs, très nombreux, ont apporté leur suffrage aux candidats de gauche. Pas en tant que gauche, pas en tant que centre, pas en tant que droite républicaine pour les LR, mais parce qu'ils étaient ceux qui construisaient la digue contre le pire. 

Apolline de Malherbe : Mais une fois qu'on a dit ça François Bayrou, on fait quoi ? 

François Bayrou : On fait quoi ? On revient aux institutions. On essaie de comprendre ce régime, à mon avis génial, que le général De Gaulle a bâti. Et il l'a bâti parce qu'il avait traversé des temps très difficiles. L'idée du général De Gaulle, c'était : « Ce n'est pas les partis qui vont faire une majorité ». On assiste exactement au contraire, comme toujours, on revient à avant. 

Apolline de Malherbe : On n'a jamais autant parlé des partis. On n'a jamais eu autant de réunions de chefs de parti.

François Bayrou : Ce n’est pas moi qui vais vous dire que les partis, ce n'est pas intéressant ou important puisque c'est ma responsabilité depuis longtemps. Mais la question des institutions, c'est : « Ce n'est pas les partis qui feront la majorité ». 

Apolline de Malherbe : Mais alors c'est qui ? 

François Bayrou : C'est le président de la République dans ses fonctions qui décide quelle est la personnalité qui peut rassembler le plus largement en tenant compte, dit le général De Gaulle lorsqu'il a fait son grand discours à Bayeux en 1946, des nuances de l'Assemblée nationale. Et c'est ça, exactement, la question. Donc, tous ceux qui, depuis des jours, 3 jours…

Apolline de Malherbe : 3 jours qui semblent être effectivement plus longs, vous avez raison, mais…

François Bayrou : … passent leur temps à dire « On va faire une majorité de gauche » sans avoir, évidemment, l'aval des Français. Il n’y a pas eu de vainqueur à cette élection. Il y a eu la mise de côté de l'hypothèse du Front national majoritaire et il n’y a pas eu de vainqueur puisque nous étions alliés. 

Apolline de Malherbe : On est un peu en train de passer quand même, François Bayrou, du « Tout sauf le RN » au « Tout sauf LFI ». C'est-à-dire que désormais, ça discute et notamment avec une hypothèse, je reviens quand même à celle-ci parce que c'est ça la nouveauté, depuis hier soir, vous avez Édouard Philippe qui appelle à une alliance. Il parle d'un bloc central autour d'une dizaine de textes. Vous avez Olivier Marleix qui était dans la précédente mandature le chef des députés les républicains qui dit désormais : « La priorité, c'est de ne pas laisser s'installer un gouvernement du Nouveau Front Populaire. Nos électeurs ne nous le pardonneraient pas », sous-entendu, il ouvre la porte à l'idée de faire un gouvernement avec une alliance au moins ponctuelle avec le centre, avec vous notamment François Bayrou. On a le président LR des Hauts-De-France, Xavier Bertrand, qui plaide pour la nomination d'un Premier ministre issu de son camp et qui prendrait la tête d'un gouvernement de rassemblement pour mettre un coup d'arrêt à la France insoumise. 

François Bayrou : Vous voyez, ce sont des personnalités…

Apolline de Malherbe : Beaucoup a changé. Vous voyez, ça, ils ne le disaient pas il y a 2 jours. 

François Bayrou : Bon, ils le disent maintenant. Mais ma vision, ce que je crois du plus profond de cette élection à laquelle j'ai participé, beaucoup, comme vous avez observé, tout ce qui a été dit, c'est que tous ceux qui voudront faire un gouvernement et une majorité d'un côté contre l'autre se trompent. Il n’y a aucune surprise dans ce que vous avez dit et qui est parfaitement exact. Nous avons dit depuis le début que le programme de LFI et les attitudes que Jean-Luc Mélenchon et ses amis ont propagées pendant des années à l'Assemblée nationale, ça ne pouvait pas être considéré comme appartenant à cet ensemble qui veut qu'on progresse dans le respect des autres, en refusant les fractures de la France, l'antagonisme et la guerre des uns contre les autres. Jean-Luc Mélenchon a théorisé la guerre des uns contre les autres. Il a dit, vous vous souvenez, je cite exactement : « Il faut tout conflictualiser ». Ça veut dire : il faut faire un sujet de guerre de tous les sujets que nous avons devant nous. Je pense que cette attitude-là est contraire à l'idée que nous nous faisons de l'avenir du pays. Mais tous les autres peuvent et, à mon sens doivent, un jour ou l'autre, se retrouver pour travailler ensemble. 

Apolline de Malherbe : Quand vous dites « Tous les autres », j'essaie quand même de traduire et de comprendre, en termes d'efficacité, qu'est-ce que ça donne ? Ça veut dire que les LR soient pour une sorte de grande alliance tant mieux, mais il faut qu'il y ait aussi le PS ? 

François Bayrou : C'est ça, le PS et pas seulement lui. 

Apolline de Malherbe : Sauf que si le PS dit non pour l'instant ? Parce que pour l’instant, en 3 jours, les choses ont quand même changé. Effectivement, du côté de LR, ils disaient « Non, pas question » puis « Pourquoi pas » depuis hier puis « Allons-y ». Du côté du PS, en revanche, ils n'ont pas varié pour l'instant, ils restent amarrés, je dirais, à LFI. 

François Bayrou : Vous voyez bien, c'est un processus comme disent les Anglais, c'est « work in progress ». On est devant quelque chose qui est en train d'évoluer. Moi je vous parle de ce que ça devrait être au bout du chemin. Et au bout du chemin, il y a dans ce Nouveau Front Populaire, étiquette qui a réuni tout le monde, des gens avec des nuances politiques. Mais sur le fond civique, ils sont d'accord sur les grandes lignes du pays. Par exemple, ils sont d'accord, tous, pour qu'on poursuive la construction européenne, ils sont d'accord, tous, pour qu'on poursuive, et Dieu sait qu'on en a besoin, l'aide à l'Ukraine, au moment où Poutine, lui, a pris position ouvertement pour le Rassemblement national, comme vous vous souvenez. Donc, il y a des gens qui partagent le grand socle de valeurs que j'appelle « central ». 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire le PC, le PS ? 

François Bayrou : Mais oui même les communistes parce qu'ils ont évidemment beaucoup bougé au travers du temps. 

Apolline de Malherbe : Les communistes qui par ailleurs aussi ont assez vite, par la voix de Fabien Roussel, laissé entendre que « pourquoi pas discuter ? ». 

François Bayrou : Vous voyez, vous avez là, on a dit « un Arc républicain ». Vous avez des valeurs communes. 

Apolline de Malherbe : Vous pensez à Raphaël Glucksmann ? Vous pensez à Olivier Faure ? 

François Bayrou : De tous ceux-là, je n'exclus personne. 

Apolline de Malherbe : Enfin, vous excluez LFI, si je comprends bien. 

François Bayrou : Je pense qu’LFI ne correspond pas à ces valeurs-là. Et d'ailleurs, ils l'ont dit et manifesté de toutes les manières. Après, c'est à l'intérieur de l'alliance de gauche que tout le monde a compris ça et accepterait bien que ça bouge. Mais ils ne veulent pas en porter la responsabilité, ni les uns, ni les autres. 

Apolline de Malherbe : C'est quoi ? C'est une question uniquement d'affichage ? En fait, ce que vous nous dites, c'est que sur le fond, ils ne seraient pas contre, mais personne n'ose le faire, n'ose porter une sorte de faute morale ? 

François Bayrou : Je pense que c'est exactement ça. Donc chacun élude les positions. Mais quand on comprendra qu'il n'y a pas de vainqueur dans cette élection, il y a eu la mise de côté d'une hypothèse, qui était une hypothèse dangereuse pour l'avenir du pays. Mais il n’y a pas de vainqueur. Personne n’a voté pour le Nouveau Front Populaire contre le centre. Ça n’existe pas puisque c’étaient les mêmes électeurs.

Apolline de Malherbe : Pendant ce temps-là, on reste quand même dans une forme de fantasme parce qu’hier encore, le Nouveau Front Populaire a mis, je cite « solennellement en garde Emmanuel Macron sur le maintien de Gabriel Attal au poste de Premier ministre et appelle Emmanuel Macron à immédiatement faire appel au Nouveau Front populaire pour constituer un gouvernement ». 

François Bayrou : On roule des mécaniques. 

Apolline de Malherbe : En fait, chacun montre ses muscles quoi ? 

François Bayrou : Voilà. On essaie d’impressionner, mais la situation du pays ce n’est pas celle-là. Alors je reviens aux institutions. Comment fait-on ? 

Apolline de Malherbe : Ça peut durer combien de temps ? 

François Bayrou : J'espère que ça ne durera pas trop longtemps. 

Apolline de Malherbe : Mais ça peut durer un certain temps ? 

François Bayrou : Je suis pour que ces choses soient clarifiées et je vais vous dire comment je crois qu'elles peuvent être clarifiées. 

Apolline de Malherbe : Alors ? Quelles sont les étapes ? 

François Bayrou : Ça ne se fera pas par des accords de partis. D'abord, ce n’est pas l'esprit des institutions et c'est impossible puisque les accords de partis, chacun va mettre des lignes rouges, n'est-ce pas, en disant « Moi j'exige que », chacun va faire une liste d'exigences qui ne pourront pas être satisfaites…

Apolline de Malherbe : Il y a une date importante qui arrive très vite, qui est le 18 juillet, le vote de l'élection du président ou de la présidente de l'Assemblée nationale, est-ce que c'est une étape importante ? 

François Bayrou : Très importante, mais vous ne m'avez pas laissé finir. 

Apolline de Malherbe : Pardon, allez-y, François Bayrou. 

François Bayrou : Le mécanisme que je crois être le seul possible en Ve République, ça ne se fera pas par des accords de partis. Et il est bien qu'il en soit ainsi. Parce que les accords de partis, on a vu dans des républiques précédentes, à quel point c'était pénalisant pour le pays et à quel point on était constamment au bord de la rupture. « Tu ne respectes pas mon exigence, donc je m'en vais, donc je te censure, je renverse le gouvernement », enfin toutes ces choses-là. Il y a une démarche que la Constitution décrit précisément, quand on est dans une situation comme celle-là, le président de la République choisit un Premier ministre en fonction de l'équilibre qu'il souhaite. Ce ne sont pas des accords de partis, c’est une personnalité qui est choisie. 

Apolline de Malherbe : Donc ça ne viendra pas des partis, ça viendra d'Emmanuel Macron en toute liberté ? 

François Bayrou : Ça viendra de la décision que le Président de la Ve République prend quand il nomme le Premier ministre. Donc c'est le Premier ministre qui fait ensuite des propositions au président, de composition du gouvernement. Et, évidemment, les personnalités qu'il pressent pour participer au gouvernement représentent des nuances de l'Assemblée. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire que c'est une représentation avec des différentes sensibilités de gauche de droite du centre ?

François Bayrou : Il représente aussi, non seulement des sensibilités, des compétences… Il choisit des gens dont il croit qu'ils peuvent avoir, entre eux, de l'estime, qu'ils peuvent parler au pays, signifier quelque chose et prendre ensemble les décisions qui s'imposent. 

Apolline de Malherbe : Mais je trouve ça encore un peu théorique. Pardon François Bayrou…

François Bayrou : C'est pas du tout théorique, c'est exactement le contraire. Ce qui est théorique, c'est ce que vous décrivez, à savoir des accords de partis qui se mettent…

Apolline de Malherbe : Ce n’est pas que je décris ce qui se fait, ce que j’observe. 

François Bayrou : Ce n’est pas ce qui se fait, c'est ce qui ne se fait pas parce que ça ne peut pas se faire. 

Apolline de Malherbe : Ça n'aboutit à rien, on est bien d’accord, mais ils le tentent.

François Bayrou : Mais c'est très important qu'on fasse le constat ensemble, vous qui êtes une observatrice avisée, que ça n’aboutit à rien. Et moi, je vous le dis, ça n’aboutira à rien. Ce n’est pas comme ça que la Ve République marche. Mais on l'a oublié depuis très longtemps, tout le monde l'a oublié. Je suis certain qu'il n'y a qu’ainsi, qu'on peut réunir des gens compétents, qui se respectent et qui soient capables de parler au pays à partir de la constitution d'un gouvernement. Et après, c'est le jeu normal. On propose des textes, l'Assemblée les vote ou ne les vote pas. Mais il faut aller beaucoup plus vite qu'on ne le croit parce qu'il y a le budget. 

Apolline de Malherbe : Le budget, c'est à l'automne. 

François Bayrou : Le budget, c'est à partir du mois de septembre. Et ça se prépare. Aujourd'hui, vous voyez bien que les principales options politiques, elles, sont dans le budget du pays. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, est-ce que vous pourriez être cet homme qui rassemble ?

François Bayrou : Non, moi je ne suis là qu’avec une seule idée en tête. Je veux aider notre pays à sortir de cette ornière. Tout ce que je pourrais faire pour l'aider à sortir, je le ferai. J'apporterai mon aide.

Apolline de Malherbe : Mais pas ça ? Pas diriger un gouvernement ? 

François Bayrou : Je n'ai pas dit non. Personne n'écarte des hypothèses comme celle-là. C'est trop important quand vous êtes engagé dans la vie politique du pays depuis longtemps pour faire naître des solutions. 

Apolline de Malherbe : Mais vous avez toujours cru à cette…

François Bayrou : J'ai toujours cru et j'y crois encore, je suis certain qu'on peut y arriver, mais je ne présente pas de candidature parce que tout cela est ridicule. 

Apolline de Malherbe :  Mais j’ai devant moi, François Bayrou, un homme qui ne nie pas pouvoir incarner éventuellement ce que vous venez de décrire ? 

François Bayrou : Tout ce que je pourrais faire pour aider, je le ferai. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, le problème, c'est que si la gauche continue à dire qu'il n'en est pas question, si le Parti socialiste continue à dire « On prend tout le Nouveau Front Populaire où on ne prend personne », votre scénario ne fonctionne pas…

François Bayrou : Tout le Nouveau Front Populaire et son programme. Vous, vous croyez qu'il ne fonctionne pas, mais moi, je crois qu'il fonctionne. 

Parce que vous vous placez dans l'hypothèse ou dans le scénario de la mécanique des accords de partis, vous dites : « Mais enfin… »

Apolline de Malherbe : Vous pensez qu'un certain nombre d'individus, d'élus de gauche, on l'a entendu du Parti socialiste, des Écolos ou du Parti communiste peuvent à un moment rejoindre…

François Bayrou : Et de la totalité du centre et de la droite…

Apolline de Malherbe : Et de la droite oui. La droite, on a entendu que, pour l'instant, il y avait des mains tendues.

François Bayrou : Et là, vous avez exactement la configuration qui peut permettre au pays d'être gouverné, de s’en sortir. 

Apolline de Malherbe : Et avec ça, on fait quoi ? C’est-à-dire quels sont les textes sur lesquels vous pourriez-vous mettre d'accord si vous, vous étiez Premier ministre ? On va quand même tirer le fil jusqu'au bout. Quels sont les textes qui seraient prioritaires à vos yeux et sur lesquels vous pensez pouvoir trouver une majorité ?

François Bayrou : Je pense que la question principale du pays aujourd'hui, c'est l'école. C'est l'Éducation nationale, de la maternelle à l'université. 

Apolline de Malherbe : On fait quoi ? 3000 postes qui manquent, on fait quoi ? 

François Bayrou : Parce que vous entrez dans les revendications des uns et des autres. La question de l'Éducation nationale, ça n'est pas principalement les postes puisque, comme vous le savez, le nombre des élèves diminue chaque année. 

Apolline de Malherbe : Mais alors, si vous commencez à dire ça à vos futurs camarades de gauche…

François Bayrou : Laissez-moi expliquer les choses. Quel est le principal problème de l'Éducation nationale ? C'est qu’il existe des enseignants qui réussissent admirablement bien, dont les élèves progressent bien. Personne ne sait qui ils sont, personne ne les repère, personne ne réfléchit à la démarche pédagogique qu'ils ont mise au point patiemment au cours des années. 

Apolline de Malherbe : Donc vous voulez les valoriser ? 

François Bayrou : Je veux qu’on en revienne à l'observation, à la précision de ces enseignants qui font progresser leurs élèves. Parce qu’il y a 2 enjeux derrière tout ça, c'est que vous venez d'une classe sociale ou d'un endroit dans le pays défavorisé et vous êtes condamné à vie à rester là. 

Apolline de Malherbe : Donc c'est la question de l'ascenseur social, c'est la question de la méritocratie ?

François Bayrou : Exactement et du niveau du pays. 

Apolline de Malherbe : Et j'ai encore 2 questions assez précises à vous poser, François Bayrou. La première, c'est votre réaction aux propos d'Adrien Quatennens qui laisse entendre qu'il faudrait en quelque sorte « Marcher vers Matignon. Macron veut nous voler la victoire, il manœuvre pour faire barrage à l'application du programme du Nouveau Front Populaire. Le seul souverain, c'est le peuple. Pourquoi pas une grande marche populaire en direction de Matignon ? ». Comment vous réagissez à ces propos ? 

François Bayrou : C'est exactement ce que j'indiquais. Je disais : « Il y a des forces politiques qui ne respectent pas les valeurs démocratiques élémentaires, qui ne respectent pas les institutions, qui ont dans l'idée qu’une révolution violente peut imposer au pays sa loi ». C'est exactement la preuve que ce camp-là n'a pas sa place dans le gouvernement du pays comme j'imagine qu'il doit être. C'est exactement cette phrase-là, qui est une phrase, employons le mot, « factieuse », c’est-à-dire qu’une faction décide qu'elle imposera sa loi par la violence... Alors, Monsieur Quatennens, évidemment, vous voyez bien que ceci est le contraire de ce que nous voulons et de ce qu'il faut au pays. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, vous avez déjà dîné avec Marine Le Pen, vous ? 

François Bayrou : Non. 

Apolline de Malherbe : Vous avez vu qu'Édouard Philippe a avoué, effectivement, avoir dîné avec Marine Le Pen ? Il dit qu'il aime rencontrer des gens, qu'ils ont évidemment approfondi leurs désaccords. Ça vous choque ? 

François Bayrou : J'essaie de ne pas me mêler de l'emploi du temps et des convives que se choisissent les uns et les autres. Mais en effet, je pense, qu’il y a entre nous et l'extrême droite un fossé qui est infranchissable. Parce que, ce qu'il y a de plus profond dans l'extrême droite, ça n'est pas les mesures annoncées qui sont déjà, pour un certain nombre d'entre elles, choquantes, ce sont les arrière-pensées derrière tout. 

Apolline de Malherbe : Sauf qu’il n’y a pas qu’Édouard Philippe qui a dîné avec Marine Le Pen. Le journal Libération révèle également que le ministre des armées en exercice, Sébastien Lecornu, a lui aussi, dîné avec Marine Le Pen et Jordan Bardella. C'est acceptable ça ? 

François Bayrou : Je ne suis pas président de la République, autrement, vous le sauriez. Je ne suis pas Premier ministre, autrement, vous le sauriez. 

Apolline de Malherbe : Mais vous-même, François Bayrou, vous avez dit à l'instant et vous avez rappelé que Vladimir Poutine souhaitait et espérait la victoire de Marine Le Pen, soutenait l'extrême droite. Le fait qu’un ministre des Armées partage un dîner…

François Bayrou : Je vais le dire à ma manière et en essayant de ne pas faire de procès qui seraient déplacés ou excessifs, c'est un mauvais signal. C'est, à l'égard du pays, un mauvais signal. Ça veut dire au fond, c’est : « Peu ou prou, on peut imaginer la même chose et qu'il y ait des rapprochements ». Je ne crois pas ça. Non pas que j'ignore les 10 millions de Français qui ont voté pour le Rassemblement national. Personne n'en parle ou on n'en parle pas souvent. Moi, je considère, qu'il faut les avoir évidemment comme interlocuteurs, les Français, les citoyens. Essayer de comprendre, et ça sera difficile et long, pourquoi le pays a dérivé dans ce sens-là. Quelle est la place du sentiment d'abandon ? Quelle est la place du sentiment que l'immigration provoque ? Quelle est la place de ce brouillard qui donne à penser qu'on n'est pas chez nous, que l'avenir ne sera pas comme hier, qu'on ne peut pas transmettre aux enfants ? Tout ça, ce sont des choses absolument essentielles. Mais, l'appareil politique qui porte ces provocations-là, qui a invité très souvent à ce qu’une partie des Français, en raison de leur origine, ne soit pas regardée comme des Français à part entière, ceux-là, c'est un mauvais signal que de multiplier les signes qui vont dans leur sens. 

Apolline de Malherbe : Merci François Bayrou, d'avoir répondu à mes questions.

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