Jean-Paul Matteï : "Ressaisissons-nous, nous abîmons surtout notre démocratie !"
Jean-Paul Matteï, Président du Groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), est intervenu lors de l'examen de la motion de censure ayant suivi la réforme des retraites à l'Assemblée nationale. Revoir son intervention.
Nous clôturons ces deux semaines intenses de débat sur les retraites par une discussion qui porte sur la motion de censure déposée par le Rassemblement national.
Cet acte, le dépôt d'une motion de censure, pourrait paraître comme un acte majeur dans notre vie politique et c'en est un. La question qui nous est posée est assez simple en réalité : Soit nous considérons que la préservation du système de retraite par répartition est essentielle et donc nous ne voteront pas la censure, soit à la retraite des Français, nous préférons faire du bruit et de l'agitation dans un but politicien et nous votons la censure.
Vous connaissez tous la position des députés du Groupe Démocrate qui placent toujours l'intérêt de nos concitoyens avant les effets de manche.
Cette motion est en fait à l'image des deux semaines que nous venons de vivre ensemble et je crains que son issue le soit aussi.
Je voudrais d'abord remercier les membres de mon groupe et ceux de la majorité d'avoir été très présents dans cet hémicycle. Un remerciement également à notre Présidente. Il a fallu du calme et je crois qu'on peut l'applaudir.
Un remerciement pour nos commissaires des affaires sociales en la personne de Philippe Vigier, Nicolas Turquois, Cyril Isaac-Sibille, Anne Bergantz, Olivier Falorni, Sandrine Josso, Maud Petit.
Je sais que cela n'a pas toujours été facile de subir un débat assez baroque, parfois houleux, parfois scandaleux, et si on fait le bilan, assez peu positif pour notre assemblée.
Je veux aussi saluer la rapporteure générale Stéphanie Ritz, la présidente de la commission des Affaires sociales. La ténacité aussi de nos ministres Olivier Dussopt et Gabriel Attal. Je remercie également Marina Ferrari, qui était rapporteure pour avis de la commission des finances.
J'avoue que nous avons passé un vendredi où on a pu voir l'ensemble du texte en 10 heures ! Ça nous fait rêver... Nous avons passé plus d'une semaine sur l'article liminaire, pourtant plus technique qu'autre chose, et sur les articles un et deux. Chaque fois, nous l'avons vu, le but n'était pas de discuter sur le fond, mais de faire de grandes déclarations, certes parfois légitimes au sens républicain du terme, mais dans lesquelles le débat d'idées, les arguments qui auraient pu faire avancer le texte ont rarement été au rendez-vous.
Quelle utilité, chers collègues - je suis presque gêné parce que quand je parle de la Nupes, voilà, ils sont partis - de déposer des milliers d'amendements d'obstruction et d'interroger sans cesse le ministre sur les articles 7 à 13, à l'article 1er ou l'article 2 ? On l'a vécu aujourd'hui, alors que ces articles traiter de sujets déterminants pour l'avenir de nos concitoyens.
Je regrette le rejet de l'article 2. Il était un des articles essentiels de ce texte, presque autant que l'article 7 portant l'amélioration de l'emploi des seniors et leur employabilité est centrale dans l'équilibre proposé par le gouvernement. Je déplore encore plus la manière dont il a été discuté. Vous nous avez privés, chers collègues de la Nupes, d'une vraie discussion sur le fond de cette réforme.
Je voudrais profiter du temps qui m'est donné cette nuit pour évoquer enfin ce que nous autres, députés démocrates, pensons. Ce texte, en premier lieu un texte financier. La réforme que nous défendons vise à préserver notre système de retraite en prenant des décisions difficiles comme le report de l'âge légal du départ à la retraite ainsi que l'accélération du calendrier de la réforme socialiste de 2014, sur la durée de cotisation.
Cette nature financière justifie d'ailleurs le cadre constitutionnel dans lequel s'est inscrit notre débat, c'est un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif.
Ce n'est toutefois pas seulement un texte financier, c'est aussi un texte de justice. Dans le cadre des articles 7, 8, 9 et 10, nous aurions pu aborder les sujets de fond : durée du travail, carrières longues, pénibilité ou encore minimum retraite.0
S'il y avait eu un peu d'honnêteté intellectuelle, nous aurions pris un peu de temps pour étudier le texte qui nous était proposé, voir point par point les sujets. Nous aurions même pu avoir des avancées notables et le Groupe Démocrate, que j'ai l'honneur de présider, a fait des propositions concrètes.
Je veux saluer d'ailleurs l'amendement que notre assemblée a adopté hier, celui présenté par Christophe Blanchet à l'ensemble des députés du groupe. Il permet une plus grande mutualisation du coût des maladies professionnelles et permet ainsi de desserrer un frein supplémentaire à l'embauche des seniors.
Nous avions d'autres propositions. Nous voulions vous proposer une clause de revoyure à l'automne 2027 pour que nous autres parlementaires ou ceux qui nous succéderont, puissent faire un bilan objectif de la réforme et voir ensemble de quelle manière nous devions continuer l'effort que nous demandons à nos concitoyens, où, si grâce à l'ensemble des mesures structurelles que nous proposons pour l'économie française, nous pouvions relâcher un peu cet effort.
Nous avions aussi un ensemble de propositions pour favoriser l'emploi des seniors, ce sujet intimement lié à la question de l'équilibre de notre système de retraite. Nous aurions voulu parler également de l'égalité femmes-hommes, et l'amélioration qui pour nous est sensible, celle de la prise en compte du trimestre de maternité pour toutes les femmes partant à la retraite à partir du 1ᵉʳ septembre 2023, trimestre qui devrait compter pour la valeur d'un salaire médian.
Nous avions là une vraie mesure de justice sociale que les sénateurs, dans leur grande sagesse je suis certain, adopterons. Le texte va continuer son chemin. Il va être discuté par nos collègues sénateurs, j'en suis sûr, ils auront des débats plus apaisés que les nôtres. Je sais d'ailleurs qu'avec nos amis de l'Union Centriste, nous trouverons une caisse de résonance à nos propositions.
Je souhaite que nous puissions adopter ce texte qui est nécessaire pour sauver notre système de retraite par répartition. Oui, nous assumons d'être favorables à ce texte parce qu'il est indispensable pour protéger les plus faibles.
Nous avons eu d'autres débats, sur la taxation des revenus par rapport à celle du capital, mais je sais que ces débats reviendront dans cet hémicycle. Ils sont nécessaires mais pas forcément en lien avec le système de retraites. Vous savez que vous trouverez toujours chez nous des gens prêts à réfléchir sur ce sujet comme sur les autres.
Vous savez, chers collègues, je crois que s'invectiver, à faire monter nos voix dans cet hémicycle, nous présentons à la nation française, toutes générations confondues, un spectacle affligeant.
Je vous invite toutes et tous, évidemment sans m'exclure de cette invitation démocratique, à nous ressaisir. Parce qu'à force de nous habituer à ce spectacle lamentable, nous abîmons non seulement notre hémicycle, notre statut de représentants du peuple, mais nous abîmons surtout notre démocratie.
Et pour terminer, je voudrais vous dire qu'après ce spectacle ce soir, je suis convaincu, chers amis, qu'il faut tenir pour sauver nos valeurs.