Marc Fesneau : "La gestion de l’eau en France est vertueuse et durable"

Louis DELATRONCHETTE et Stéphane VERNAY, Ouest France.

En pleine canicule, alors que plusieurs départements font face à des restrictions de prélèvement d’eau, Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, soutient le modèle des « bassines », comme celle de Sainte-Soline. Il revient aussi pour Ouest-France sur les objectifs de la France en matière de réutilisation des eaux usées, sur les pesticides et donne sa position concernant les OGM.

Ouest France : À court terme, quelles sont les premières conséquences de la canicule sur l’agriculture ?

Marc Fesneau : Pour l’instant, difficile d’évaluer l’impact. Les cultures moissonnées à l’automne sont susceptibles d’être touchées (maïs, tournesol…) et dans le même temps, les récoltes moissonnées en été sont correctes.

Les maraîchages pourraient subir le contrecoup des fortes chaleurs puisque, à partir d’une certaine température les plantes ne poussent plus. La production laitière des élevages peut également baisser, par exemple en période de forte chaleur les vaches produisent jusqu’à 20 à 30 % de lait en moins…

Concernant le stockage de l’eau pour l’agriculture, soutenez-vous toujours le modèle des « bassines » comme à Sainte-Soline ?

Oui. Je rappelle, encore une fois, qu’il s’agit de réserves de substitution et non de « bassines », même si c’est le terme qui s’impose couramment.

On parle de réserves de 10 à 20 hectares de superficie, autorisées par la réglementation et confirmées par la justice. Le lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, créé en 1959 pour produire de l’électricité et irriguer la Provence, c’est 2 800 hectares ! Pourtant, aujourd’hui, personne ne songerait à remettre en question la nécessité et l’utilité de cet ouvrage.

Sur les « bassines », il faut dépassionner le débat et se référer à la science.

À Sainte-Soline, on parle de nappes phréatiques de surfaces. Le protocole qui permet de créer ces réserves vise à éviter de pomper dans la nappe l’été. Avec des engagements des agriculteurs sur la réduction des prélèvements.

Selon les modélisations du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), les prélèvements en été passeraient de 14,8 millions de m3 actuellement à 5,9 en 2025, en pompant 6,8 millions de m3 en hiver pour stocker l’eau quand elle est disponible.

C’est un modèle vertueux qui incite le monde agricole à la sobriété : on utilisera moins d’eau en s’appuyant sur des réserves faites à des moments de disponibilité de la ressource.

Que pensez-vous du « convoi de l’eau », ces opposants aux bassines qui marchent des Deux-Sèvres jusqu’à Paris ?

Si la démarche permet de redire la réalité des choses, c’est très bien. Ce n’est possible qu’à trois conditions. Un, le débat doit s’appuyer sur ce que nous dit la science. Deux, aucune violence n’est tolérable. Trois, il faut sortir de tout dogme, les questions complexes ne peuvent pas être traitées par des réponses simplistes.

Je vois les arguments des tenants de la décroissance totale, mais il s’agit aussi de nourrir l’ensemble de la population.

Dans un monde marqué aussi par des dérèglements géopolitiques, où l’on se sert de l’alimentation comme arme de guerre et avec des années à venir de grand stress de production du fait du dérèglement climatique, on ne peut pas retourner aux systèmes vivriers d’antan.

C’est le localisme qui a produit les grandes famines du passé, dont nous ne sommes sortis que très récemment en Europe. Ce modèle n’est plus en vigueur où que ce soit dans le monde. Promouvoir le local, bien sûr, mais l’autarcie est une impasse.

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