Sarah El Haïry : "À la lecture de ce rapport sur la laïcité, j'ai ressenti un certain effroi"
Amandine Hirou pour l'ExpressSarah El Haïry, Secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et du Service national universel, Vice-Présidente du MoDem, a été interviewée par l'Express pour réagir à la publication d'un rapport sur la laïcité. Relire son entretien dans l'Express.
L'Express : Les auteurs de cette étude, réalisée durant les sept années qui ont suivi les attentats terroristes de 2015, décrivent un contexte où les "défenseurs d'une nouvelle laïcité" se sont mis à vouloir restreindre les "libertés religieuses au-delà des seuls agents du service public". Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
Sarah El Haïry : Absolument pas. Il est important de rappeler que la laïcité n'a pas besoin de qualificatifs ni de quelconques interprétations plus ou moins contextualisées. Et j'insiste très vite sur le fait que ce rapport est une recherche universitaire, dont les propos n'engagent que leurs auteurs et non pas l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, bien que cet organisme leur ait apporté son financement. Je le dis avec d'autant plus de force que, à la lecture de ce travail j'ai ressenti un certain effroi.
Ce qui y est décrit représente tout l'inverse de ce que représente la laïcité : une valeur vouée à protéger ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, qui permet de lutter contre les discriminations liées à la couleur de peau, à l'orientation sexuelle ou à l'égalité femmes-hommes.
Les propos relayés dans ce texte constituent un dévoiement de ce principe.
L'Express : L'étude explique que les questions liées au respect de la laïcité entreraient "en tension avec les valeurs de l'éducation populaire" basées sur des "principes d'ouverture à tous" et "d'émancipation par l'éducation". Ces deux aspects sont-ils vraiment contradictoires?
Sarah El Haïry : Mais pas du tout ! L'éducation populaire ne s'oppose absolument pas à la laïcité qui, encore une fois, est l'un des principes les plus fondateurs et les plus protecteurs de notre République.
Quant à l'éducation populaire, à quoi sert-elle? A ouvrir les esprits, à dispenser une éducation informelle complémentaire de la formation assurée par l'école, à proposer des parcours de citoyenneté, à permettre à des jeunes de partir en colonies de vacances, à apprendre à se connaître, à transmettre le goût du collectif.
Le fait que ce rapport mette en avant des discours de victimisation, présage de discriminations futures liées à une confession qui est celle de l'islam, est totalement contre-productif et même extrêmement dangereux.
Des ennemis de notre République laïque cherchent aujourd'hui à fragmenter notre société et on ne se laissera pas prendre dans ce piège.
Venant moi-même d'une famille de confession musulmane, j'assume avec d'autant plus de force le fait de dire que notre pays protège, au contraire, de toutes formes de discriminations religieuses.
Laisser imaginer, comme ce rapport le fait, que la laïcité stigmatise une religion en particulier, est absolument délétère. Mais pour que ce discours soit entendu et correctement interprété, il est primordial de bien faire la distinction entre les musulmans, l'islam et l'islamisme politique.