Report du Brexit : « C'est choquant parce que les Britanniques vont se trouver obligés de participer à une élection pour le Parlement européen le 26 mai. »
Retrouvez la retranscription de l'émission ci-dessous :
François Bayrou, Président du Modem et Maire de Pau, Bonjour.
Bonjour.
François Bayrou, regardons ce qui s'est passé dans la nuit à Bruxelles.
Nouveau délai accordé au Royaume-Uni : le 31 octobre. Je résume, vous allez me dire si je dis une bêtise. Theresa May a jusqu’au 31 octobre pour faire entériner l'accord signé entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni. Si le parlement britannique ne l'entérine pas, no-deal le 31 octobre. Si Theresa May arrive à le faire entériner avant les élections européennes les Britanniques ne voteront pas, sinon ils seront obligés de voter aux Européennes.
C'est bien cela ?
Oui, c'est exactement cela et c'est quelque chose qui est évidemment choquant, pantalonesque, car les Britanniques qui sont sur le point de partir ou qui ont annoncé leur intention de partir vont se trouver obligés de participer à une élection pour le Parlement européen, c'est-à-dire devenir à l'intérieur des institutions européennes peser sur les décisions qui vont être prises.
Apparemment, ils ne pèseront pas beaucoup.
Ils ne pèseront pas beaucoup et je suis très content d'une certaine manière, même si c'est difficile que le Président de la République française ait été le seul, ou en tout cas celui qui a pris la tête des résistances à cette situation qui est une dérive.
Mais pantalonesque, la faute à qui ?
La faute aux Anglais. La situation des Britanniques qui, un, n'acceptent pas l'accord de sortie, deux, refusent toute autre solution que l'accord de sortie.
C’est-à-dire que les Britanniques signent un accord de sortie avec l'Union Européenne, le gouvernement de Theresa May signe cet accord de sortie et les députés ne veulent pas choisir entre l’accord de sortie signé et le no-deal.
Non, attendez. C'est pire que cela. Le gouvernement britannique a signé un accord de sortie. Il est obligé, par ses institutions, de soumettre cet accord de sortie au Parlement, à la Chambre des communes et la Chambre des communes a rejeté l'accord de sortie et rejeté toutes autres solutions possibles.
Il y en a huit qui ont été soumises,
No à chaque fois.
C'était très drôle, dans le grand journal britannique, le Gardian, il y avait une couverture le jour de ces votes qui disait : le Parlement a enfin son mot à dire : no, no, no, no, no, no, no, no
C'était exactement cela, c'est le non généralisé qui montre à quel point c'est impossible de sortir d'un accord de sortie d'une Union européenne qui est constituée pas seulement par des décisions politiques, mais par la vie.
On est voisins, frontaliers, on fait du commerce ensemble, les règles de notre économie sont les mêmes et les règles de notre vie en commun, le passage des frontières. Et tout cela, c’est évidemment une escroquerie, ceux qui ont dit :
« Mais c'est très facile de sortir, aucune difficulté, on va au contraire y gagner, on recouvre non seulement notre liberté - comme si elle était atteinte - on va retrouver le droit de faire du commerce avec le monde entier pour envahir cette Europe qui est trop exigeante et donc, de ce point de vue, je trouve que la résistance du Président de la République française tout seul, enfin avec quelques alliés, la Belgique par exemple et peut-être l'Espagne et le Luxembourg, cette résistance-là, elle est, pour l'Europe, une très grande chance parce que tous les autres ou à peu près…
Dont l'Allemagne.
Étaient décidés à céder à toutes les exigences.
Et à donner un report beaucoup plus long.
Un report presque sans fin.
Là, c'est clair. Maintenant, le 31 octobre il faudra que les choses soient éclaircies totalement.
Je ne vois pas comment on va y arriver pour une raison. Il y en a beaucoup, mais il y en a une qui est très frappante, c'est l'Irlande. Le mur entre les deux Irlande est toujours là et rendre au mur son rôle de frontière, c'est faire repartir des tensions qui ont donné lieu à tant d'années de guerre et tant de morts entre les deux Irlande qui sont nos plus proches voisins.
Une dernière question sur le sujet. Est-ce que cette unanimité européenne des 27 resserre les liens entre les pays de l’Union Européenne ?
Elle va les resserrer. Je suis plutôt optimiste. Je vois très bien qu’il y a, à l'intérieur de l'Europe, des forces de dissolution.
Il faut voir, c'est aussi le cadre des élections européennes, ce qu'est la situation de l'Europe aujourd'hui : assaillie de toutes parts, M. Trump veut que l'Europe s'éparpille, explose, M. Poutine veut que l'Europe explose.
Le président chinois.
Les Chinois, quoiqu’avec les formes, rêvent que l'Europe explose.
Il y a, vous le savez bien, des lobbies américains qui ont réuni plusieurs des milliardaires les plus riches des États-Unis pour payer de la propagande contre l'Europe à l'intérieur de l'Europe et il y a aussi, à l'intérieur des pays, des forces de dissolution.
Et donc, lorsque se jouent des enjeux de cet ordre, être en première ligne pour défendre et sauver ce qui doit l'être, alors cela justifie la responsabilité politique. Là, on est à la hauteur de l'histoire.
Moi, cela me touche que le Président de la République française soit sur cette ligne-là.
La loi anticasseurs promulguée, sans l'article 3 qui a été censuré par le Conseil Constitutionnel, le texte n'a pas été réécrit. C'était ce qu'il fallait faire ?
Vous savez ma position sur ce sujet. Je vais vous la redire. Premièrement, c'est le Président qui a demandé au Conseil Constitutionnel de donner son avis.
Il dit : il y a un débat, il y a des gens qui pensent, dont plusieurs de ses amis y compris proches, que ce n'est pas formidable. Pouvez-vous nous donner votre avis ?
Deuxièmement, je suis pour une ligne de conduite extrêmement simple. Chaque fois que l'on doit toucher aux libertés individuelles, et parfois il faut, c'est au juge de le faire. Ce n'est pas à une autorité administrative.
Ce n'est pas au préfet de le faire. Vous êtes content que cet article ait été censuré ?
Content….
Satisfait.
Je n'ai pas ce genre de satisfaction mais je trouve qu'en tout cas…
Logique, nous avons une logique.
Nous sommes là dans une logique assez simple. Nous sommes un pays dont le droit protège les libertés individuelles. On sait qu'il faut parfois et qu'il est nécessaire de limiter les libertés individuelles lorsqu'il y a des risques pour la société et c'est au juge de le faire. On peut d'ailleurs tout à fait avoir des juges spécialisés. On en a pour le terrorisme. On peut tout à fait avoir des juges que l'on appelle des libertés. Le juge des libertés, il est fait pour cela. Il dit : d'après les informations ou les faits qui sont établis, Monsieur, je juge que vous n'avez pas le droit de faire cela.
Bien, les décisions d’Emmanuel MACRON, très très attendues, annonce quand, François Bayrou ?
J'imagine que nous aurons des réponses la semaine prochaine.
Dimanche ou lundi ? Ne me dites pas que vous ne savez pas.
Vous avez tellement d'invités qui ne rêvent que de raconter ce qu'ils savent et même ce qu'ils ne savent pas que, quand vous en, par hasard.
Non, quand même pas par hasard, c'est moi qui décide ! Vous dites oui ou non après.
Quelqu'un qui considère que respecter le secret ou les informations que l'on peut avoir, c'est bien.
Mais cela ne peut être qu'en début de semaine François Bayrou. Pourquoi ? Parce que le 20, il y a des manifestations gilets jaunes qui sont annoncées avec les gilets jaunes sur les réseaux sociaux qui nous annoncent des rassemblements le samedi 20 donc cela ne peut être que le début de la semaine prochaine.
Je vais vous révéler un grand secret ! Dans une semaine il y a un début, une fin et un milieu. Et donc on peut tout à fait imaginer qu'il y ait en effet l'intervention décisive du Président de la République, car, moi, j'attends et je crois qu'elle doit être décisive. Cette intervention peur tout à fait intervenir disons entre le début et le milieu de la semaine.
Lundi, mardi, j'ai compris.
Vous, vous dites lundi, mardi, je n'ai pas dit cela !
Ce n'est pas le jeudi ni le vendredi dans tous les cas !
Je pense que le Président de la République a deux choses à faire qui sont très importantes.
D'abord, oublions la date. Maintenant, on le sait, c’est début de semaine.
C'est vous qui le dites, ce n'est pas moi.
Mais comment, sous quelle forme ?
Moi, je pense que le Président de la République a deux responsabilités. La première : il doit dire ce que lui, comme Président de la République, ayant participé à presque 100 heures de débat, a ressenti et entendu.
Je pense que suite au dialogue qui s'est noué entre le pays et celui qui en a la charge, il doit apporter une restitution de la part de son principal interlocuteur et une restitution beaucoup plus profonde que les statistiques qui ont été apportées et beaucoup plus chargée de sens. Pour moi, c'est aussi essentiel.
Ensuite, il y a une deuxième mission qui est de dire : Voilà ce que je propose comme décisions ou comme orientations. Voilà ce que moi, dont c'est la mission, je dis aux Français du projet national qui nous unit et dont on a tellement besoin.
Mon intuition à moi, c'est cette double attente-là.
Il va falloir répondre à ce qu'attendent les Français avec des propositions concrètes tout de suite. Il doit y avoir deux, trois propositions très fortes tout de suite qui doivent emporter ?
Toujours, on dit des propositions concrètes ; il en faut sans doute, mais je vais vous dire, l'inquiétude, l'angoisse, l'attente que les Français ont traduites, ce ne sont pas uniquement des petites décisions.
Je ne parle pas de petites décisions.
C'est le sens de l'action du pays : qu'est-ce nous faisons ensemble ?
On est d'accord, cela doit être le cadre général, mais à l'intérieur de ce cadre.
Une amplitude, une ampleur.
À l'intérieur de ce cadre, il faut bien donner tout de suite des réponses.
Je pense qu'il doit y avoir des réponses, mais comprenez bien. Les décisions partielles ne doivent pas dissimuler le sens de l'ensemble.
Comment va-t-il, doit-il, selon vous, faire ses annonces, ce discours ? C'est quoi, c'est un discours à la télévision ?
Je pense qu'il y a, l'importance du moment, une solennité nécessaire. Je n'ai aucune information bien entendu, mais je ne crois pas que ce soit une intervention anodine. Je ne crois pas que cela relève des interventions classiques.
Donc une intervention solennelle.
Je crois que celui qui s'exprime ce n'est pas Emmanuel MACRON, c'est le Président de la République française.
Le Président de la République française, on le voit bien - on vient de le voir - sur le Brexit à une heure qui est une heure de carrefour et de risque, doit dire avec la charge de sa fonction…
Donc un discours solennel.
En tout cas, je crois qu'il faut de la solennité dans cette réponse.
Un discours solennel à la télévision, c’est du 20 heures, on connaît cela, on a l'habitude.
C'est vous qui le dites, ce n'est pas moi.
D’accord, mais un discours, je ne vois pas quelle autre forme cela peut prendre.
Réfléchissez.
Peut-être je me trompe. Enfin, nous verrons bien. Il faut que ce soit solennel. Là, on est d'accord.
Oui.
Aujourd'hui, vous avez vu les 30 propositions de lois citoyennes, ce ne sont pas les miennes, ce sont celles des auditeurs et des téléspectateurs de RMC, RMC Découverte François Bayrou. Vous les avez trouvées bonne, je le sais, vous me l’avez dit tout à l'heure.
Je les ai trouvées très intéressantes.
Vous m’avez dit : J'en retiens au moins 20 sur 30.
À la lecture j'ai trouvé que, sur ces 30 propositions-là - je ne vais pas les décliner -, oui, au moins les deux-tiers étaient intéressantes.
Si je vous disais : il y a une mesure qu'il faut prendre aujourd'hui.
Non, ce n'est pas une mesure. Je ne prendrai pas une mesure.
Par exemple la réindexation des retraites sur l'inflation ?
En tout cas, la réindexation des retraites jusqu’à un certain seuil, c'est juste. Pourquoi c’est juste ?
Et indispensable ?
Je trouve que c'est juste et nécessaire. Je vais vous dire, les retraites, ce n'est pas une aide sociale. Les retraites, c'est comme on disait autrefois dans le monde syndical : un salaire différé.
Vous travaillez toute votre vie, vous partagez la charge de la solidarité au profit de ceux qui sont à la retraite et vous gagnez ainsi le droit que, au moment où vous entrez à la retraite, on vous apporte la même garantie.
Donc cette garantie, ce lien entre retraite et coût de la vie, l'indexation des retraites sur l'inflation, je trouve que c'est juste, équitable et donc nécessaire.
Le Premier ministre a parlé de baisse d'impôt. Très bien, vous êtes d'accord ou pas ?
Baisse d'impôt et baisse des dépenses publiques parallèlement.
Tout le monde a en tête l'idée qu’en effet que la charge fiscale est très importante. Je prends en compte la nécessité, j'ai écouté le gouvernement et le Premier ministre, mais je ne crois pas qu'un aussi grand mouvement d'inquiétude, de manifestations, d'expressions, d'attentes qui a réuni des centaines de milliers de personnes se résume à une baisse d'impôt promise ; de plus, on en a connu beaucoup de promesses et, d'ailleurs, il est arrivé que l'on modifie quelque peu le taux des impôts ou les populations qui sont atteintes et c’est nécessaire de le faire, je ne sous-estime ni ne néglige. Mais je pense que le problème est beaucoup plus profond que cela.
Ce n'est pas ce qu'a dit le Premier Ministre Édouard Philippe.
Eh bien, permettez que, moi, qui ne suis pas membre du gouvernement, j'exprime une nuance. Je ne crois pas que cela se résume à la baisse des impôts.
Pourquoi est-ce qu’on ne commence pas par la baisse de la dépense publique ?
Ce que je crois profondément, moi, c'est que l'on a besoin d'une réorganisation de l'État, que la réforme de l'État doit venir en premier et cela aura des conséquences sur la dépense publique. Ce jour-là, il sera tout à fait juste et mécanique que l'on baisse les impôts.
Mais vous comprenez, l'inquiétude du pays ne se résume pas à cela. Il y a des insatisfactions sur la fiscalité.
Le Président de la République est au-dessus de cela ?
En même temps, il prend tout en charge, la réalité en charge, mais vous voyez bien que l'horizon, le vôtre, le mien, celui des citoyens, celui des familles celui des plus jeunes, il y en a beaucoup qui ne payent pas l'impôt sur le revenu et vous croyez qu'à, eux, on n'a rien à leur dire ?
Moi, je suis absolument persuadé que les questions qui sont posées par le pays sont des questions qui touchent au plus profond, à nos raisons de vivre.
Qu'est-ce on a affaire ensemble ? Qu'est-ce que France quand on a un projet pour les Français et un projet pour le monde ? Qu'est-ce qu’on a à dire ?
Au fond, quel modèle de société portons-nous ?
C'est cela la question posée.
Vous savez ce que j'ai entendu le plus souvent parmi les gilets jaunes, puisque, vous le savez, à Pau, nous avons fait cinq réunions de six heures chacune pour le Grand débat avec tous ceux qui voulaient y participer ?
Qu’est-ce que j'ai entendu le plus souvent, ce n'est pas les impôts, il n'y a presque pas eu d'expressions sauf sur l'ISF naturellement car c'est un symbole ?
J'ai entendu : Monsieur Bayrou, ce n'est pas juste.
Le besoin d'équité, le besoin d'être assuré que notre règle commune, c'est la justice, cela, je l'ai entendu le plus souvent possible.
Hier matin j'avais Christian Estrosi qui proposait : les droits de succession, on doit prévoir une exonération sur la résidence principale.
Oui ? Non ?
On peut prendre chapitre par chapitre ou décision par décision. Ce n'est pas cela qui va répondre aux questions centrales.
ADP, 218 parlementaires, concession 70 ans, qui s'opposent à cette privatisation qui ont enclenché une procédure référendaire.
Parlementaire, vous auriez signé ?
C'est assez drôle. Vous vous souvenez qu'au moment de la privatisation des autoroutes, j'ai été tout seul, individuellement, à aller jusqu'au Conseil d'État contester la décision qui avait été prise et la manière dont elle avait été prise.
Pourquoi ? Parce que les autoroutes, c'était payé, l'investissement était achevé, et c'était donc désormais une machine à revenu qu'on allait donner au privé à un prix tel qu'il s'est trouvé que les sociétés qui l'ont acheté, le lendemain sont sorties de la cote pour ne plus jamais avoir à révéler leurs profits.
Et donc je n'ai rien oublié de tout cela c'est un combat que j'ai mené solitairement et aucun de ceux qui s'expriment aujourd'hui n'est venu soutenir ce combat.
C’est vrai.
Est-ce que la situation d'ADP est la même ? Non. Il y a des arguments dans la situation d’ADP qui permettent de réfléchir différemment. Je ne dis ce pas que la conclusion soit absolument évidente, le débat est nécessaire et, je vais tout vous dire, je ne crois pas que ce soit une décision vitale pour la France.
Vous l’auriez signé ou pas, ce texte parlementaire ?
Je ne crois pas, non, mais s'il y a un référendum, aucune difficulté.
C'est-à-dire aucune difficulté ? Vous votez pour ou contre ?
Vous voulez que l'on regarde ensemble.
Vous me dites un référendum. Vous votez pour ou contre.
S'il y a un référendum, je ne suis pas gêné par son organisation. Maintenant, je réponds aux différences.
Qu'est-ce qui se passe autour d'ADP pour que la décision de ma part ne soit pas la même que celle pour les autoroutes ?
Premièrement, ADP, cela rapporte très peu à l'état. Presque rien : 174 M€ par an, c'est-à-dire, à l'échelle du budget de l'État, très peu de choses.
Deuxièmement, ADP, sur les 144 aéroports classés pour la satisfaction des clients, Roissy si je ne me trompe pas, je parle de mémoire, est classé 128èmeet Orly 138ème.
Est-ce que cela va pour la France d'avoir des aéroports classés tout à fait en queue de classement ? Ma réponse est non.
Et si l'on veut changer cela alors, il faut d'énormes investissements.
Est-ce que l'État peut assumer d'énormes investissements ? J'ai beaucoup de doutes et donc la situation d'ADP où L’état garderait la sécurité, les tarifs, c'est une situation qui me choque moins que la privatisation des autoroutes.
Le viaduc de Millau est privatisé, cela n'empêche pas les usagers de l'emprunter.
Donc c'est une décision à peser, mais, pour moi, ce n'est pas du même ordre que la privatisation des autoroutes.
Merci François Bayrou d'être venus nous voir ce matin à RMC BFM TV