La Chine, ce pays incontournable et pourtant mal connu
Retrouvez la tribune d'Alice Le Moal, Secrétaire générale adjointe du Mouvement Démocrate, à l'occasion du Nouvel An chinois ce samedi 25 janvier, sur "l'Empire du Milieu".
"Alors que la Chine célèbre la nouvelle année, je saisis cette occasion pour évoquer certains aspects de ce pays, au retour d’un voyage d’études en Chine, conduit par le président du groupe d’amitié France-Chine à l’Assemblée Nationale, Buon Tan.
La Chine fascine, la Chine inquiète, mais la Chine est un acteur mondial incontournable, ainsi ce pays et son peuple gagneraient à être mieux connus, et mieux compris. Sans minimiser toutes les sources d’inquiétude dont la presse internationale et nationale se font régulièrement l’écho (situation au Xinjiang, mise en place du crédit social, qui instaure un contrôle social très fort, entre autres) je souhaite porter à votre connaissance quelques observations que j’ai faites lors de mon séjour et ne peux pas, ne pas avoir une forte pensée pour les victimes du coronavirus apparu à Wuhan, ville dans laquelle vivent nombre de nos ressortissants.
Un pays qui évolue à pas de géants
Ce "pays-civilisation" d’1,4 milliard d’habitants, à l’histoire multi-millénaire, connaît depuis quelques décennies un développement et des changements sans précédent.
La Chine, qui hier importait nos innovations et nos brevets, prend aujourd’hui une avance importante dans de nombreux domaines d’avenir, en particulier dans les nouvelles technologies. J’ai pu visiter des sièges d’entreprises chinoises telles DJI, start-up qui en 10 ans est devenue leader mondial du secteur des drones, et compte aujourd’hui 12 000 salariés, dont la moyenne d’âge est de 27 ans.
De même, Tencent, leader chinois du jeu vidéo et des réseaux sociaux, et propriétaire de l’application Wechat (1 milliard d’utilisateurs) investit désormais, avec d’autres firmes telles Alibaba, dans de nombreux pays dont la France. En 11 ans, Tencent a investi dans plus de 700 sociétés à travers le monde, comme Ubisoft ou Tesla.
Des usages technologiques qui inquiètent
Des nouvelles technologies en plein développement peuvent aussi être utilisées par les autorités afin de mieux contrôler la population chinoise. Cela se traduit notamment par la diffusion partout dans le pays de systèmes de reconnaissance faciale, qui ont franchi un nouveau palier en décembre dernier : désormais, tout Chinois qui souhaite ouvrir une ligne de téléphonie mobile doit se faire scanner le visage.
Ce système se développe à grande vitesse dans tout le pays grâce à la 5G, et constitue une intrusion importante dans la vie privée des citoyens. Ce bond technologique doit nous interroger collectivement sur les choix se présentant à nous aujourd’hui qui engageront les générations futures. Par ailleurs, le projet de la route de la soie, qui vise à relier la Chine et l’Europe par la route et via l’océan Indien, constitue un autre instrument au service de la puissance de la Chine.
Face à la Chine, la nécessité d’une Europe forte
Sur ces sujets et sur les relations sino-européennes, les pays européens peinent à s’unir. La Commission européenne désigne d’ailleurs Pékin à la fois comme un "partenaire stratégique" mais aussi comme "un concurrent économique qui ambitionne d’être au premier plan technologique, et un rival systémique qui promeut d’autres modèles de gouvernance." Elle a rappelé en mars dernier, à l’occasion d’une visite du président Xi Jinping en Europe, qu’une "approche commune de l’UE s’impose dans le domaine de la sécurité des réseaux 5G.". Lors du dernier sommet UE-Chine, les deux parties se sont engagées à renforcer leur partenariat stratégique. Mais, si l’Europe comme la Chine soutiennent le multilatéralisme, il nous faut impérativement peser dans le cadre d’une Europe rassemblée et forte. Il nous faut rester vigilants, en particulier sur la question des ressources et des matières premières.
Des enjeux liés à la grande pauvreté et au vieillissement de la population
Pour autant, l’un des objectifs majeurs affichés par les autorités politiques chinoises reste l’éradication de la grande pauvreté.
En 1980 on comptait 775 millions de pauvres en Chine. Officiellement, chaque année, 10 millions de Chinois sortent de la pauvreté (la définition chinoise de la pauvreté étant de n’avoir accès ni à l’éducation, ni à la santé, ni à un logement décent). Le seuil de pauvreté est situé pour le gouvernement chinois à environ 2300 yuan nets soit 300 euros annuels. L’objectif du gouvernement est d’avoir éradiqué cette pauvreté à la fin de l’année.
Un autre défi majeur pour la Chine de demain réside dans la prise en charge des personnes âgées. Conséquence de la politique de l’enfant unique adoptée en 1970 et abandonnée en 2015, des études démographiques indiquent qu’à l’horizon 2040, plus de 400 millions de personnes auront plus de 60 ans en Chine tandis que 10 à 15% de personnes seront en situation de dépendance. En effet, la majorité des Chinois se retrouve dans l’incapacité de prendre en charge ses parents vieillissants. Le système de maisons de retraite se développe progressivement, bien qu’il soit loin de la culture chinoise au départ. En la matière, une coopération franco-chinoise a vu le jour suite à la visite du président Xi Jinping en France en 2014.
Les relations franco-chinoises, une histoire ancienne
Rappelons que les relations diplomatiques existent depuis 55 ans entre nos deux pays. La France a été le premier pays occidental à reconnaître la Chine populaire, en 1964, avec le général de Gaulle, ce qui permet à la France d’occuper une place particulière aux yeux des Chinois. Les domaines de coopération franco-chinoise sont nombreux : l’un des plus anciens, depuis 35 ans, porte sur le nucléaire, et on peut citer également la certification, l’aéronautique, le domaine spatial, la finance, l’agro-alimentaire. Les coopérations décentralisées entre collectivités chinoises et françaises (villes, régions, départements...) sont nombreuses. Enfin au niveau de la culture (cinéma, musique, jeu vidéo et numérique, échanges d’artistes...) et de l’éducation (formation d’enseignants, coopération universitaire et mobilité étudiante...), les coopérations sont multiples et favorisent la compréhension réciproque entre nos deux peuples. Notons à cet égard que la France et la Chine ont décidé d’organiser en 2021 une année franco-chinoise du tourisme culturel.
Ainsi, que la Chine inquiète ou fascine, elle mérite tout notre intérêt. Même si notre histoire et nos valeurs sont, à bien des égards, différentes, ce pays ne saurait être vu uniquement comme une menace, il doit aussi être considéré comme un partenaire de premier plan dans un monde multipolaire.
Pour cette nouvelle année, je formule le vœu que nos deux peuples progressent dans leur compréhension mutuelle et adresse un salut amical au peuple chinois."