#EditosUE | Comprendre l'Europe, s'en rapprocher
Aujourd'hui, dans ce deuxième édito, nous nous penchons sur un sujet essentiel pour l'avenir de notre pays : la manière dont l'Union européenne favorise les intéractions entre l'agriculture et l'écologie.
Bien que l'agriculture soit souvent critiquée pour son impact sur l'environnement, au sein du Mouvement Démocrate, nous sommes convaincus que l'Union européenne a un rôle crucial à jouer dans la promotion d'une agriculture respectueuse de la biodiversité, tout en assurant une production suffisante pour répondre à nos besoins.
Alors, est-ce que l'agriculture et l'écologie sont vraiment irréconciliables ?
Ne pourrions-nous pas plutôt les unir pour promouvoir une agriculture durable inscrite dans une Europe souveraine ?
Agriculture et écologie : le mariage des possibles ?
La PAC : un tournant écologique
Créée en 1962, la PAC (Politique Agricole Commune) s’est progressivement installée au cœur des politiques publiques européennes, jusqu’à en devenir à notre époque, un dispositif incontournable pour l’agriculture française et européenne. En effet, elle demeure le premier poste de dépenses de l’UE, plus du tiers de son budget global. À l’origine pensée pour assurer la sécurité alimentaire des États-membres, la PAC n’eut de cesse d’évoluer afin de correspondre aux réalités agroécologiques de chaque « époque », elles aussi très fluctuantes dans les impératifs sociétaux.
Le ministre de l’Agriculture et de la souveraineté Alimentaire, Marc Fesneau, formule parfaitement l’importance de la PAC en Europe :
« Liée à la construction européenne depuis les origines, la politique agricole commune (PAC) est un socle commun. La nouvelle PAC répond à une triple ambition, économique, environnementale et sociale. »
Pour rappel, la France est le premier pays européen bénéficiaire de la PAC, pour un montant de 9,5 milliards d’euros en 2022, ce qui représente 56,2 % des subventions totales perçues par notre pays. Notons que le département français qui jouit le plus de ces aides de la PAC est l’Aveyron avec presque 300 millions d’euros de subventions, sur la période allant du mois d’octobre 2021 à celui de 2022.
Ce dispositif de soutien aux agriculteurs européens est construit sur deux piliers qui répondent tous deux à des problématiques, pour certaines encore méconnues du grand public.
La PAC vise à soutenir financièrement les revenus agricoles, en particulier grâce aux aides directes financées par le Fonds européen agricole de garantie (Feaga), qui s'élève à un montant total de 291,1 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Ces aides sont conditionnées au respect de plusieurs critères, notamment environnementaux et de bien-être animal, ce qui marque le tournant écologique opéré par la PAC ces dernières années.
Celle-ci a également pour objectif de maintenir le développement des zones rurales qui font face à un exode de leurs habitants et à des déficits structurels tels que la mauvaise couverture numérique, les déserts médicaux, les territoires enclavés et la dévitalisation économique des villages. Cette politique est financée par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Le Feader, qui est dédié au deuxième pilier de la PAC donc, représente 95,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027 et est principalement destiné à renforcer l’attractivité et l’innovation dans le secteur agricole, ainsi qu’à permettre une meilleure inclusion sociale.
En effet, la PAC s'est engagée dans un processus de "verdisation" qui se traduit par les "bonnes conditions agricoles et environnementales" (BCAE). Ces obligations, lorsqu'elles sont adaptées aux réalités quotidiennes des agriculteurs, permettent de mener la transition écologique du secteur agricole et d'adapter progressivement nos modes de production vers des pratiques plus durables et respectueuses de la biodiversité.
Ce que nous avons défendu
Portés par la France et largement permis par l’implication du ministre de l’Agriculture et premier vice-président du MoDem, Marc Fesneau, les éco régimes sont un nouveau dispositif instauré dans le cadre de la Politique Agricole Commune de l'UE pour la période 2023-2027. Ils visent à encourager les pratiques agricoles respectueuses de l'environnement en rémunérant les agriculteurs pour les services environnementaux qu'ils fournissent.
Concrètement, les éco régimes consistent en une aide financière complémentaire aux paiements directs de la PAC, attribuée aux agriculteurs qui s'engagent à mettre en place des pratiques agricoles bénéfiques pour l'environnement. Ces pratiques peuvent concerner la préservation de la biodiversité, la réduction de l'utilisation d'engrais et de pesticides, la gestion durable de l'eau, la lutte contre l'érosion des sols, etc.
Par exemple, un agriculteur qui s'engage à implanter des bandes fleuries ou des haies sur ses parcelles pour favoriser la biodiversité pourra bénéficier d'une aide financière dans le cadre des éco régimes.
L’enjeu majeur de la nouvelle PAC est de suffisamment prendre en compte les changements induits par le dérèglement climatique tout en n’imposant pas de mesures à la logique décroissante, à l’image de la désormais célèbre directive des jachères.
Par exemple, Marc Fesneau pense « qu’un de ses points forts, qu’il faut souligner, est son soutien au développement de l’agriculture biologique, dont nous souhaitons qu’elle représente 18% de la surface agricole utile certifiée en 2027. »
Si l’impératif écologique figure comme une priorité absolue des politiques publiques agricoles européennes, nous pensons, au Mouvement Démocrate, que celui-ci doit être envisagé dans une conception globale de soutien à la production.
Décroissance agricole : la fausse bonne idée
La France est un acteur majeur de la sécurité alimentaire mondiale, en tant que deuxième exportateur de produits agricoles au monde, après les États-Unis. En 2020, la France a exporté plus de 18 millions de tonnes de céréales, soit environ 40 % de sa production totale. Cependant, une réduction de la production agricole française pourrait avoir des conséquences graves sur la sécurité alimentaire dans les pays importateurs, en particulier ceux de l'Union européenne. En effet, une diminution de la production céréalière française pourrait entraîner des pénuries alimentaires et une augmentation des prix, ce qui aurait des répercussions sur la stabilité économique et politique de ces pays.
Le déséquilibre alimentaire céréalier provoqué par l'invasion militaire russe en Ukraine illustre bien les conséquences potentielles d'une réduction de la production agricole. En effet, la destruction des installations agricoles en Ukraine a entraîné une diminution de la production de blé, de maïs et d'orge, ce qui a eu des répercussions sur les marchés mondiaux. Selon la Banque mondiale, les prix des céréales ont augmenté de 20 % en moyenne en 2020, en partie à cause de cette situation.
En outre, la décroissance agricole n'est pas compatible avec la transition écologique. Bien que la réduction de l'utilisation d'engrais et de pesticides soit bénéfique pour l'environnement, cela peut entraîner une baisse des rendements et une augmentation des pertes de récoltes. Si l’on s’appuie sur l’étude menée par l'INRAE, une réduction de l'utilisation d'engrais azotés en France pourrait entraîner une diminution de la production de blé de 10 à 20 %, ce qui nécessiterait une augmentation de la surface cultivée de 5 à 10 % pour compenser cette perte de rendement.
Or, cette augmentation des surfaces cultivées en volume nuit considérablement à la biodiversité et ne favorise donc pas notre balance commerciale. Il est donc nécessaire de trouver des solutions pour concilier la production agricole et la transition écologique. Une des solutions possibles est l'agroécologie, qui vise à produire de manière durable en utilisant des méthodes respectueuses de l'environnement.
Selon une étude menée par l'IDDRI cette fois-ci, la mise en place d'une agriculture agroécologique en Europe permettrait de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole d'ici 2050, tout en maintenant la production alimentaire.
Concrètement, Marc Fesneau précise comment l’agroécologie est transposable de la littérature scientifique à la réalité agricole :
« On devra avoir des cultures intermédiaires qui fixent l’azote et on pourra produire des légumineuses, sans produits phytosanitaires. Donc on peut trouver une trajectoire qui permette de produire et de respecter un certain nombre de conditions environnementales. »
Cela signifie que certains types de légumineuses (pois, haricot, fève, etc.) sont capables, grâce à une symbiose avec des bactéries, de fixer l’azote de l’air dans le sol sans utiliser d’engrais azotés, ce qui constitue un intérêt environnemental et économique majeur.
Enfin, la décroissance agricole aurait des conséquences désastreuses sur les revenus des agriculteurs français. Selon une étude menée par l'Institut de l'élevage, une réduction de 10 % du cheptel bovin français entraînerait une perte de revenu annuelle de 1,3 milliard d'euros pour les éleveurs, soit environ 12 % de leur revenu total. Cette situation serait dramatique pour les agriculteurs, qui sont déjà confrontés à de nombreuses difficultés économiques et sociales. Il est donc essentiel de soutenir les agriculteurs dans leur transition vers des pratiques plus durables, en leur fournissant des formations et des aides financières adaptées.
La conciliation dans les faits
« Économie et protection de l’environnement sont compatibles », affirme Marc Fesneau.
L'agriculture et l'écologie sont deux enjeux majeurs de notre époque, qui peuvent sembler difficiles à concilier. Pourtant, au quotidien, cette conciliation prouve que ces deux domaines peuvent coexister de manière harmonieuse.
Tout d'abord, il est important de souligner que les agriculteurs sont les premiers témoins des effets du dérèglement climatique, et qu'ils ont donc tout intérêt à adopter des pratiques plus respectueuses de l'environnement.
En favorisant la réimplantation d'espaces de biodiversité, tels que des haies, des mares ou des bosquets, les agriculteurs peuvent contribuer à la préservation de la faune et de la flore locales. La permaculture est également une solution intéressante, permettant de cultiver des légumes et des fruits en respectant les cycles naturels de la terre.
Cependant, pour que ces pratiques écologiques se développent, il est nécessaire de soutenir les agriculteurs dans leur transition.
Contrairement aux idées reçues, la transition écologique ne se traduit pas nécessairement par une baisse de la production, comme nous l’avons déjà démontré quelques lignes auparavant. En polluant moins les sols, on gagne en biodiversité et donc en richesse organique dans les sols, ce qui permet d'améliorer les productions et de les rendre plus durables.
Ce que nous défendons
Nous croyons résolument en une PAC adaptée et façonnée en fonction des défis de notre époque. Cet outil permettra à la France et à l’Europe de se doter des moyens nécessaires pour poursuivre la transition écologique du secteur agricole.
Pour atteindre cet objectif, le Mouvement Démocrate, aligné sur la position du ministre de l’Agriculture et de la souveraineté Alimentaire, propose d’entreprendre une vaste simplification et « mise à jour » des critères conditionnant le versement des « aides directes » que nous avons déjà évoquées. Ce fut le cas à de nombreuses reprises comme dans les années 1970 où les états-membres se sont aperçus qu’elle favorisait la surproduction.
De ce fait, au regard des demandes des agriculteurs pour une meilleure visibilité sur le fonctionnement de la PAC ainsi que des changements climatiques devenus réguliers, les aides directes de la PAC doivent se conditionner à des critères, non pas basés sur la superficie des terres, mais élaborés en fonction d’enjeux clairement identifiés : diminution de l’utilisation de pesticides, gestion éco-responsable de l’eau ou encore protection et préservation des sous-sols, etc.