Marc Fesneau : "Avec 47 députés, LR ne peut pas imposer sa politique"

Marc Fesneau, président du groupe Les Démocrates et premier vice-président du Mouvement Démocrate, s'est entretenu avec La Tribune Dimanche sur la future composition du gouvernement de Michel Barnier.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Comment jugez-vous les premiers pas de Michel Barnier ?

MARC FESNEAU - Solides. Son image de sérieux n'est pas usurpée. C'est quelqu'un de méthodique qui respecte ses interlocuteurs.

Y aura-t-il des ministres MoDem dans le gouvernement qu'il est en train de constituer ?

La question ne se pose pas ainsi. Elle est plutôt de savoir si Michel Barnier pourra bâtir un gouvernement permettant de travailler dans la durée.

Pour cela, il faut un équilibre gouvernemental qui tienne compte de la réalité de l'Assemblée nationale. Or LR, avec ses 47 députés, est en train de se comporter de la même manière que le Nouveau Front populaire, qui, cet été, estimait qu'il pouvait imposer sa politique même s'il ne disposait que de 193 voix.

En réclamant à Michel Barnier « une vraie politique de droite », Laurent Wauquiez n'est pas plus responsable qu'Olivier Faure qui refuse de rencontrer le Premier ministre.

Cela ne peut pas fonctionner ainsi. Les Républicains doivent être, comme nous tous, lucides et responsables. Ils n'ont pas les moyens de la politique qu'ils appellent de leurs vœux. Si les Français avaient voulu avoir une politique de droite, ils auraient élu 289 députés LR. Force est de constater qu'ils ne l'ont pas fait. Le bloc central, que nous constituons avec Renaissance et Horizons, compte trois fois plus de députés qu'eux. On ne réclame pas pour autant une politique centrale !

Comment appréhendez-vous, dans ce contexte, votre appartenance à la même majorité que Les Républicains ?

La majorité parlementaire construite par Michel Barnier doit être portée par le bloc central et LR, et élargie à la gauche modérée. C'est la base pour que les choses durent. Si ce n'est pas le cas, cela ne marchera pas.

Pour ma part, je ne considère pas que nous sommes dans une coalition. Ce que nous devons bâtir doit ressembler davantage à ce qu'a fait le général de Gaulle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ou Pierre Mendès France en 1954, c'est-à-dire un rassemblement de gens qui assument avoir de vrais désaccords, mais qui se mettent autour d'une même table dans l'intérêt du pays.

Cela impliquera que chacun soit respectueux des autres et mette d'abord en avant des thèmes sur lesquels tout le monde tombe d'accord. Ce n'est pas très utile de mettre d'ores et déjà en avant des sujets dont on sait par avance qu'ils vont fracturer.

Vous pensez aux Républicains et au thème de l'immigration ?

Par exemple. Ce qui est sûr, c'est que nous n'aborderons pas ce sujet en commençant par l'AME [aide médicale d'État]. Dans l'hémicycle de l'Assemblée, même avec les voix du RN, il n'y a pas de majorité pour adopter sa suppression, comme le réclame LR.

Concentrons-nous donc plutôt sur la mise en œuvre des lois qui ont déjà été adoptées en la matière, et réfléchissons aux conséquences de la fin de l'application de Schengen par certains de nos voisins.

Cherchons à être efficaces plutôt qu'à faire des coups d'éclat en maniant des symboles dans le vide !

Je le redis : quand on n'a que 47 députés, on ne peut pas imposer sa politique. Et puis, l'immense majorité des députés LR doivent leur élection au retrait républicain d'un candidat de l'espace central ou de la gauche. Comme nous, ils ne doivent pas l'oublier.

(...)

Quelles sont vos lignes rouges quant à la politique que devra appliquer Michel Barnier ?

Je n'aime pas le terme de lignes rouges. Si tout le monde se met à en poser, on ne va pas y arriver.

Concentrons-nous d'abord sur des sujets utiles pour les Français et consensuels entre les différentes forces politiques : les services publics, les déserts médicaux, l'amélioration de la situation des agriculteurs, le pouvoir d'achat...

Au MoDem, nous souhaitons que Michel Barnier réussisse car sa réussite sera celle du pays dans un contexte très difficile.

Le Premier ministre doit-il faire de la proportionnelle aux législatives une de ses priorités ?

Oui. Il faut la mettre en place très vite.

Si nous avions eu la proportionnelle lors du dernier scrutin, la composition de l'hémicycle aurait peut-être été aussi fragmentée, mais les partis auraient été plus indépendants.

Le PS n'aurait pas dit la même chose puisqu'il n'aurait pas été sous les fourches caudines de Jean-Luc Mélenchon. Sans la proportionnelle, nous entretiendrons notre incapacité à dégager des majorités en étant otages des extrêmes. Cette réforme n'est peut-être pas la priorité de Michel Barnier mais, au sein de l'Assemblée, nous sommes une majorité à estimer qu'il faut la mettre en place vite.

Craignez-vous que, dans ce nouveau contexte politique, le chacun pour soi l'emporte désormais au sein du bloc central ?

D'abord, n'oublions pas ce que nous devons à Emmanuel Macron et ce que nous avons réussi avec lui. Cela n'efface pas certains échecs. Mais personne de la majorité sortante n'aurait été ce qu'il a été sans lui.

Ensuite, même si certains peuvent avoir la présidentielle de 2027 en ligne de mire, nous ne devons pas oublier la part réussie de notre aventure commune depuis sept ans. Et nous avons à notre bilan de vrais succès : la baisse du chômage, la politique de l'apprentissage, le rayonnement de la France à l'étranger, la gestion des crises, la reconquête de souveraineté...

La France est dans une meilleure situation maintenant qu'avant 2017 quand même ! De 2017 à 2024, d'Édouard Philippe à Gabriel Attal, soyons tous capables de dire ce que nous avons fait de bien !

 

Lire l'entretien complet dans La Tribune Dimanche

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