📻 François Bayrou, invité de Thomas Legrand sur France Inter 

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François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Thomas Legrand, le samedi 20 juillet de 13h15 à 14h00, sur France Inter, dans l'émission À la hussarde.


 

Retrouvez la retranscription de l'émission :

En cet été 2019, après deux ans d’une observation impliquée et active, François Bayrou, comment définiriez-vous le macronisme ? 

Vous l’avez dit : c’est un mouvement central. Il faut voir ce qu’a été l’histoire des 50 dernières années en France et peut-être même un peu plus longtemps. L’idée qui l’a dirigée, à mon avis une fable, et je me suis beaucoup battu contre cette idée, c’était qu’en réalité, la politique se résumait à l’éternelle lutte d’une droite contre une gauche et depuis très longtemps, presque 20 ans. Il m’était apparu que tout cela était un leurre, que ce n’était simplement pas vrai, qu’il y avait autant de différences entre le parti communiste et Michel Rocard à une certaine époque ou Jacques Delors encore davantage, qu’il y en avait de l’autre côté entre Balladur et l’extrême droite. Et que surtout, c’était au centre de cette vie politique que devaient se rassembler, se rapprocher, tous ceux qui imaginaient que la société française voulait « en même temps » puisque l’expression maintenant est consacrée, de la liberté, de la prospérité, et de la générosité. Et que ces trois attentes-là, ces trois exigences là, elles étaient complémentaires et formaient un seul mouvement. Et que dans ce seul mouvement central pouvaient se reconnaître peut-être la majorité de ceux qu’on appelait la gauche à l’époque, la totalité du centre, et la majorité, en tout cas une partie substantielle de ce qu’on appelait la droite. Donc c’est un dépassement et c’est une résistance – j’allais dire un mensonge – un leurre qui était une lecture pratique, confortable, pour vous, les journalistes, qui consistait à imaginer qu’au fond, on vivrait éternellement dans les vases communicants du PS à l’UMP, au RPR devenu UMP, devenu LR.  

C’était pratique pour nous mais c’était aussi pratique pour la démocratie parce qu’on pouvait choisir. C’est vrai que le choix devenait un peu bizarre parce qu’il y avait des différences entre le centre droit et le centre gauche, ce que vous avez décrit. Mais il faut bien une césure, une confrontation.

Pourquoi une ? 

On peut en avoir deux ou trois, c’est vrai. Là, c’est vrai, on est dans un système un peu tripartite en ce moment avec les écologistes. 

Tri, quatri et après tout, pourquoi pas ? Les familles d’esprit en France, celles qui organisent la vie publique du pays, elles sont beaucoup plus nombreuses que deux. Et heureusement on n’est plus du tout du temps de la photo en noir et blanc ! On a des nuances, on a des couleurs. En tout cas, ce que je sais depuis longtemps, que j’ai défendu envers et contre tout, c’est que cet arc central comme je l’ai dit pendant des années, il était plus cohérent qu’aucun des autres camps. Qu’il était plus juste pour l’avenir du pays qu’aucun des autres camps, et qu’un jour,  il ne manquerait pas de s’imposer. Emmanuel Macron lui-même, il est dans cette vision du monde-là, et c’est pourquoi c’est une volonté de dépassement, et de résistance, aux leurres, aux mensonges qui voudraient organiser la vie politique. 

Donc la vie est faite de nuances et de couleurs. Maintenant les institutions de la Vème République ont été conçues à l’époque du noir et blanc, et ça nous a valu un bipartisme.

Absolument pas. Je sais bien que c’est vous les journalistes qui racontez cela, c’est une vaste blague !

C’est à dire qu’on peut faire vivre autre chose que le bipartisme dans la Vème République. Je vais vous en apporter la preuve, si vous le voulez bien. On l’a sous les yeux, la preuve ! Il se trouve que le Général de Gaulle, une fois pour toutes, a fait un discours majeur, historique, sur ce que les institutions devraient être. C’est le discours de Bayeux. Que dit le Général de Gaulle ? Peut-être un jour, ferez-vous entendre ce discours à vos auditeurs. Il y a un enregistrement du discours de Bayeux. Il y a un petit oiseau en contre-point qui siffle pendant toute la durée du discours. Et c’est formidable de l’entendre. Alors que dit le Général de Gaulle ? Il dit deux choses : nous allons faire échapper l’exécutif aux combinaisons parlementaires, c’est désormais les Français – à l’époque il imaginait par l’intermédiaire des grands élus locaux - 300 000 - et après il est allé au bout de l’idée par le suffrage universel, c’est le peuple français qui choisira l’exécutif. Il choisira le président de la République. Et le président de la République composera son gouvernement en tenant compte des nuances de l’Assemblée nationale parce qu’à l’époque, c’était le scrutin proportionnel, et on voyait bien qu’il y avait plusieurs familles d’esprit qui seraient représentées à l’Assemblée nationale. 

Sauf qu’on a installé le scrutin…

Oui.

Qui n’est pas dans les institutions d’ailleurs.

Non pas du tout.

On pourrait très bien changer.

J’espère que cela va changer ! Parce qu’il faut que toutes les grandes familles du pays soient représentées dans l’Institution majeure où la vie politique s’exprime et se met en scène. 

(Enregistrement Laurent Berger)

Je vous ai fait écouter cet enregistrement. C’est Laurent Berger, le patron de la CFDT, en juin dernier avec Léa Salamé. Il parle des retraites. Mais peu importe, il n’est pas content. Et cette zone centrale, elle disait normalement qu’on allait agir avec la société. Elle se référait à Mendès France, celui qui a écrit République moderne en 1964 à Michel Rocard, à tous ces gens qui pensent que la démocratie ce n’est pas simplement le jour des élections, c’est aussi tous les jours, avec les corps intermédiaires et notamment avec la CFDT, qui était devenue premier syndicat français : en fait, ça n’a pas été le cas. C’est à dire que l’élément central que vous défendez depuis longtemps, il a agi un peu comme le vieux monde. 

Cela n’a pas été le cas pour l’instant. Parce que vous m’avez interrogé sur le schéma général. Je vous ai répondu sur ce qu’il en était dans le schéma général. Après, est-ce que pour autant on est arrivé à l’application idéale, parfaite, ou en tout cas, la plus juste possible de cette vision ? Non. Il reste beaucoup de scories ou en tout cas d’habitudes prises au sein de l’Etat qui pour l’instant n’ont pas développé, rendu, les choses utiles comme elles devraient l’être. 

Au sein ou à la tête de l’Etat ? Parce qu’il s’agit d’Emmanuel Macron. 

Vous voyez, vous passez sans cesse de macronie à Macron. Je veux bien qu’on parle des deux. Pour moi, c’est extrêmement simple. Il ne peut pas y avoir de réussite de ce vaste mouvement que les Français ont choisi en 2017, confirmé en 2019 alors que tout le monde racontait que c’était un accident et que de toute façon, on reviendrait très vite aux habitudes anciennes, que tout le monde retrouverait sa place… Tout le monde pensait que c’était fini. Et les Français ont confirmé ce choix. Vous voyez bien qu’il ne peut pas y avoir de réussite de ce vaste mouvement s’il ne prend pas en compte l’organisation de la société civile… 

Ce qu’il n’a pas fait ?

Ce qu’il n’a pas assez fait  jusqu’ici.

On connaît votre pensée. On sait que vous avez œuvré auprès d’Emmanuel Macron parce que vous le voyez souvent. On peut rappeler que, s’il est Président, c’est grâce à un coup de pouce à un moment, quand vous vous retirez, ça le fait passer devant et il est Président un peu grâce à vous, donc il vous écoute. Et vous vous servez de votre voix pour essayer d’influencer les choses. Est-ce que il y a eu des discussions alors, après cet épisode des gilets jaunes, après avoir constaté qu’il y avait une violence même contre lui, une incompréhension du pays. Est-ce que vous avez parlé avec lui de cela ? Est-ce qu’il a compris, c’est-à-dire qu’il fallait aller vers les corps intermédiaires ?

Je ne raconte jamais les conversations avec le président de la République. Avec celui-là comme avec les précédents. Qu’est-ce qui s’est passé au moment des gilets jaunes ? IL s’est passé une chose d’absolument essentielle : c’est que le président de la République a décidé d’entrer au contact direct des Français dans leurs difficultés, leurs crises, leurs angoisses, et parfois leurs colères. Il a décidé qu’au fond la vérité sortirait de ce face à face (Grand Débat, NDLR). Pourquoi ? Parce que pendant un an, ce qui s’était imposé dans l’esprit des Français - que beaucoup avaient aidé à imposer dans l’esprit des Français - c’est qu’il était arrogant, méprisant, qu’en réalité, il était du côté des plus riches, des plus forts, que c’était cela sa vision du monde, et que d’une certaine manière, la promesse qu’il avait faite en 2017, c’était une promesse mensongère. Or il savait que cela n’était pas vrai, que la vérité de cet homme d’Etat et la vérité personnelle, ça n’était pas cela. C’était, d’une certaine manière, exactement le contraire. 

Ce n’est pas vrai dans son for intérieur, mais est-ce qu’il connaissait… Il n’a jamais été élu comme vous, comme beaucoup d’hommes politiques. C’est une critique récurrente. 

J’ai rencontré beaucoup de responsables politiques, d’hommes politiques, d’hommes d’Etat dans ma vie. J’en ai rencontré deux qui connaissaient la France « politico-charnellement » si vous voyez ce que je veux dire. L’un c’était François Mitterrand, et l’autre, aussi surprenant que cela paraisse, c’est Emmanuel Macron. Je crois pouvoir dire que j’ai une bonne connaissance de la carte électorale française. Il a une connaissance dans le détail, au millimètre près, région par région, sous-région par sous-région pour les avoir traversées comme enfant, comme adolescent, comme jeune homme, et il s’en est imbibé. Il connaît charnellement la Beauce, la Brie, le Jura, il connaît très bien les villes, les maires,… Il a une faculté d’absorption, de compréhension, de connaissance des individus…

Pourtant il n’a pas vu venir les gilets jaunes, personne ne l’a vu. Vous nous décrivez quelqu’un qui connaît mieux que tout le monde mais il n’a pas vu venir cette révolte territoriale. 

« Territoriale » je ne crois pas. Sociale, je crois. Dix-huit mois au sommet du pouvoir quand on est arrivé par surprise, « par effraction », comme il dit, il y a, en effet, tout un temps d’adaptation où l’organisation de l’Etat fait que vous êtes le décideur suprême, ce qui fait qu’autour de vous s’organisent des cercles d’admiration, d’influence. Et hélas oui, il n’a pas tout vu à cette époque-là. Je crois que maintenant il en a vu beaucoup plus parce qu’il a été lui-même l’objet à l’épicentre du tremblement de terre et il a vu ce qu’était sa violence et cela l’a fait renouer avec l’attente de l’élection présidentielle.

Le fait que la violence était catalysée sur lui. C’était ad hominem quand même…

C’était extrêmement fort. Et pour s’en être sorti, il faut qu’il soit extrêmement fort ou en tout cas, extrêmement sincère. Et ces centaines de face à face, on ne peut pas tricher, on ne peut pas échapper à la loupe que représente la caméra de télévision. Le moindre dérapage, la moindre bêtise, le moindre plissement de sourcil qui traduirait qu’on écoute pas ou qu’on n’aime pas, ou qu’on ne sait pas, ou qu’on ne comprend pas, ça serait apparu avec une puissance énorme. C’est pour cela que je suis persuadé que le Grand Débat, on en parlera dans des années encore comme un grand exemple, un exploit de remise en ordre de l’image de quelqu’un. Et cela a été bienvenu, cela a été douloureux, mais bienvenu parce que c’est la réalité qui s’est imposée.  

(Pause musicale – Johnny Hallyday – Le chant des partisans)

Pourquoi ce chant François Bayrou ? 

Par Johnny, parce que c’est étrange et émouvant. Plus émouvant encore parce que c’est étrange. Et que très peu de gens connaissent cette version. Pourquoi le chant des partisans ? Parce que, si on cherche une définition de la France - et après tout c’est le sujet de toutes vos émissions – la France, pour moi, c’est une résistance. C’est même probablement le seul pays dont la vocation soit une résistance. Et naturellement, elle s’est incarnée magnifiquement à cette époque de la guerre, la résistance française. C’est une résistance à quoi ? À l’idée que la loi du monde, c’est la loi du plus fort, et la France, c’est le pays qui doit dire au monde : « La loi du monde, c’est la loi du plus juste. » Nous sommes là pour défendre quelque chose qui est – et vous savez bien que c’est modestement le sens de toute ma vie, de toutes les bagarres que j’ai menées et de tous les engagements qui sont les miens et qui seront les miens – c’est la loi du plus juste. C’est-à-dire que nous, France, face au monde, notre vocation, c’est de dire qu’on ne se rend pas, qu’on ne plie pas, qu’on ne baisse pas les bras.

C’est compliqué parce que tous les Français ont ça dans le sang. Et finalement, en tout cas l’esprit de résistance, il est invoqué par tout le monde et notamment, par ceux qui s’opposent à Emmanuel Macron, qui voudrait justement nous adapter à la mondialisation. Les Gilets Jaunes, ils avaient aussi cette mystique de la résistance, donc c’est compliqué... 

Je comprends très bien. Il faut répondre à cette question. Mais vous voyez que votre formulation déplace la question. Vous dites : « nous adapter à la mondialisation ». Oui, parce que la mondialisation, c’est la vie, c’est ce que nous sommes en train de vivre, la radio que vous utilisez, l’informatique, le numérique, tout cela, c’est la vie. Est-ce que pour autant, la loi de la mondialisation doit être la loi du plus fort ? On a l’impression que personne ne peut opposer un autre modèle. Et c’est ce que Macron a fait, et pas à moitié, quand il s’est opposé à Trump en disant : « Il n’y a aura pas d’accords commerciaux que nous signerons avec les Etats-Unis sortis de l’accord de Paris sur le climat. »

La résistance, finalement, ça pourrait devenir le chant – ça ne peut pas être notre hymne parce qu’on en a déjà un mais ça pourrait devenir le chant national. 

En tout cas, il y a quelque chose de cela. La France est à la recherche inlassable d’un modèle de société qui permette à la fois d’être ouvert sur le monde, et de défendre la loi du plus juste, donc à la fois du réalisme, et cette part d’idéal sans laquelle il n’y a pas de vie politique. 

On va rester sur ce que vous dites en revenant sur le Grand Débat. Ecoutez cela. 

(Paroles du président de la République) 

Donc c’est quand même un mea culpa important, « un manque d’humanité »…

« Un manque d’humanité » dans la manière dont l’organisation du pouvoir fait que les choses sont reçues par les Français. Oui, sûrement. Pourquoi croyez-vous que cet homme a été élu président de la République ? 

Justement, il avait dit qu’il changerait la politique. Alors il a réussi à changer les têtes mais il n’a pas réussi encore à changer la façon de faire de la politique.  

Il a réussi à changer la structure de la politique. Les deux tours jumelles qu’étaient le PS et l’UMP se sont toutes les deux effondrées et ce n’était pas rien comme bouleversement de la politique. On vient de voir en Europe qu’on avait aussi réussi à changer la manière dont l’Europe était gouvernée et l’approche avec des visages nouveaux. Donc tout cela est un immense effort. Mais il est vrai que le pouvoir, l’organisation de l’Etat n’ont pas encore changé, c’est vrai. Et il faudra du temps pour que cela se produise. Or, ce temps, en tout cas ce changement, est vital. C’est pourquoi, cela doit être considéré comme une urgence ou une exigence de chaque instant. 

(Pause musicale – Heart and Soul deRoseaux Ft. Olle Nyman)

Définir le macronisme, c’est aussi essayer d’établir, de voir quels sont les nouveaux clivages qui vont animer la vie politique. Vous avez parlé tout à l’heure des deux tours jumelles PS et LR, qui ont organisé notre vie, la vie européenne et construit notre modèle depuis la fin de la guerre, en gros. Qu’est-ce qui va remplacer cela ? Parce qu’il faut quand même des clivages pour pouvoir choisir. C’est le rôle de la démocratie. Et le problème qui est souvent pointé avec votre système, c’est-à-dire tous les centristes réunis, tous les raisonnables réunis, c’est… 

Pourquoi les raisonnables ? On ne parle pas de ça !

Parce que finalement, on peut dire que ceux qui s’opposent, ce sont les extrêmes. Alors est-ce que le choix c’est entre le centre et les extrêmes ?

Il y a beaucoup de choses fausses dans ce que vous avez dit. Alors vous avez dit « depuis la guerre, c’est la droite et la gauche qui ont organisé l’Europe en particulier. Vous vous trompez complètement. Depuis la guerre, c’est l’alliance et le travail en commun, parfois dialectique, c’est à dire en rivalité entre un grand courant du centre qui s’appelait Démocratie chrétienne, et un grand courant du centre gauche qui s’appelait Social-Démocratie, écartant les extrêmes. Ce sont ces deux grands courants et pas du tout LR et le PS ! Eux, c’était en France ! 

C’était l’affichage pendant la campagne mais quand elle gouvernait, quand LR ou le PS gouvernaient, ils gouvernaient beaucoup plus au centre que ce qu’ils affichaient, vous avez raison. 

Ils gouvernaient très mal. Et c’est la raison pour laquelle, on s’est trouvé en 2017 devant cette question majeure : est-ce qu’on change le système de gouvernement ou pas ? Quels sont les clivages parce que pour moi, ce n’est pas deux partis, c’est un pluralisme. Et le premier clivage, c’est celui-là : qui accepte le pluralisme, ou qui veut revenir éternellement au bipartisme ? Alors, vous allez trouver beaucoup de gens qui veulent revenir au bipartisme, simplement, ce sont les Français qui ne veulent pas parce qu’ils ont compris que cette histoire était une escroquerie. 

Et puis les partis qui veulent revenir au bipartisme sont en ce moment très essoufflés…  

Le deuxième grand clivage, c’est le clivage européen. On vient de voir que contrairement à ce que tout le monde racontait, les Français en particulier, étaient attachés à l’Europe. 

Troisièmement, est-ce que l’économie doit être une économie de liberté ou une économie de réglementations qu’on tient fermée. Pour moi, le monde, ce qu’on a sous les yeux, prouve que jamais aucun pays n’a choisi réglementations et frontières fermées, n’a réussi même à éviter la misère. Donc c’est quand même un très grand choix.  

Quatrièmement, le choix de la protection de l’environnement ou de la reconstruction de l’environnement. À Pau, nous allons inaugurer le premier moyen de transport en commun à hydrogène du monde. Je suis très fier qu’on ait fait cela. Vous voyez bien ce que l’hydrogène veut dire : zéro rejet de gaz à effet de serre, rien que de la vapeur d’eau. Et cela permet de recycler de l’électricité. Pour moi, mieux que des batteries, donc  c’est un très grand enjeu. Mais cet enjeu, il se lit dans les espaces verts, dans l’agriculture à laquelle je suis si profondément attaché. Tout cela, c’est un enjeu. 

Et il y a probablement cet autre enjeu qui est de quelle manière la société va pouvoir faire respecter un certain nombre de règles en face des très grandes puissances économiques de la planète. On parle toujours des GAFA, mais il y a beaucoup de multinationales qui voudraient faire leurs propres lois, y compris parfois leur propre monnaie. Comment va-t-on faire pour le commerce ? Le commerce dans les villes ? Est-ce que la digitalisation de tout cela va entraîner la mort du réseau de commerces ? 

Tous ces grands sujets, ils ne peuvent plus s’incarner par les vieux partis. Il faut qu’il y ait une sorte de redistribution politique pour qu’on ait le choix non plus entre deux grandes tendances mais une sorte de panel où on ferait des coalitions avec des recherches de compromis ?

Avec la chance que nous avons en France, le peuple des citoyens français choisit le chef de l’Etat, c’est-à-dire celui qui va constituer autour de lui des ententes, des coalitions. Et c’est cela le génie que De Gaulle a eu. Le président de la République, c’est l’homme de la nation et on lui confie pendant la durée de son mandat, l’organisation de la vie publique. C’est pourquoi quand les gens disent – et vous parfois aussi – « alors il n’y a plus que le choix entre ce grand courant central et les extrêmes », ce n’est pas vrai du tout. Parce que l’élection majeure, c’est l’élection présidentielle et on élit une femme ou un homme.

Pour le moment, on risque de tomber sur un élément central. 

Tant mieux ! Cela veut dire que c’est ce que le pays veut et attend. Vous m’avez vu mener cette bagarre parfois comme Don Quichotte, contre toutes les puissances médiatiques et politiques alliées sur cette idée. Moi je voyais bien, j’avais les yeux ouverts sur cette question, que les Français au fond attendaient cela. Et on pourrait le prouver. Le succès qui a failli être celui de J. Delors, c’était ça. Le succès qu’a eu J. Chirac en 1995 avec la fracture sociale, c’était ça. Au fond, il y a tout le temps eu cette attente dans la vie politique française. Simplement, maintenant, elle s’est exprimée. Et après, à l’élection présidentielle, on voit des concurrences entre des visions différentes et des personnalités différentes et on choisit. Donc on n’est pas condamné à l’impuissance comme tant d’autres pays le sont. 

Dernier point. Vous avez dit dans la phrase que les deux partis sont morts. Je ne crois pas cela. Je crois qu’ils se reconstitueront. Mais non pas comme le monopole du pouvoir qu’ils avaient avant. C’est vrai qu’il y a une droite, un socialisme, ou ce qu’on appelle tel. 

On est plus ému par le massacre des chouans ou par le massacre du mur des fédérés. 

Non.

On peut être les deux ?

Il se trouve que moi, ce sont les massacres qui m’émeuvent. Et que je ne fais pas de différence entre l’écrasement des uns, des femmes, des enfants, des familles, des pères de familles, chez les uns ou chez les autres. 

Vous ne vous sentez pas d’une filiation de lignée plutôt à droite ou plutôt à gauche ? 

Non, je me sens profondément d’une filiation de la grande lignée du centre français, c’est-à-dire les seuls qui, quand il y a eu les accords de Munich, ont dit : ceci va nous conduire à la catastrophe. Et il y a ce mot extraordinaire de leur responsable de l’époque, de leur éditorialiste de l’époque qui s’appelait Georges Bidault. Il fait son éditorial dans le journal de ma famille politique qui s’appelait L’Aube. Et il finit par cette phrase formidable qui est : « Lorsqu’il s’agit de dire non, le meilleur moment, c’est le premier. » 

(Pause musicale Vive le roi de  Didier Barbelivien)

On a bien compris que ce n’est pas une chanson monarchiste, pas royaliste, c’est une chanson qui dit le ras-le-bol de la politique, de l’inefficacité. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

La France a été profondément marquée, de fait, par la révolution de 1789 parce qu’à cette idée qui était l’idée des siècles précédents selon laquelle le pouvoir venait d’en haut, de Dieu et de l’hérédité, à cette idée, les peuples ont  dit que ce n’est pas vrai. Le premier peuple qui a dit cela dans l’histoire moderne, c’est le tout petit peuple béarnais qui a créé une démocratie avec une constitution écrite il y a 1000 ans, dans laquelle tout est la représentation du peuple, le droit de veto des citoyens sur les décisions du souverain, et il est impossible d’avoir un souverain s’il n’est pas accepté par le peuple. 

Merci François Bayrou d’avoir passé cette heure avec nous. 

 

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