🗞 Jacqueline Gourault : "Il y a différentes ruralités, il faut faire du cousu main"
Retrouvez l'interview de Jacqueline Gourault, notre ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, dans le journal Libération d'aujourd'hui.
Propos recueillis par Alain Auffray et Sibylle Vincendon
Ce rapport sur les ruralités, c’est votre réponse aux gilets jaunes ?
Il remonte à bien plus loin. Nous sommes partis de la résolution sur l’agenda rural européen voté par le Parlement européen en 2018 avec l’idée de le mettre en œuvre en France sans attendre sa création au niveau européen. Quand la crise des gilets jaunes a éclaté, nous avions déjà commencé à réfléchir sur le sujet. Evidemment, cette crise a confirmé la nécessité d’une démarche spécifique en direction des territoires ruraux. Ce rapport est aussi une manière d’y répondre.
Quelle a été votre démarche ?
J’ai demandé à cinq élus ruraux de réfléchir à des propositions, en se décentrant autant que possible des questions purement institutionnelles. Il s’agissait plutôt de pousser la réflexion sur l’économique, le social, la culture, les problèmes, les solutions : le quotidien des habitants. Le rapport contient 200 propositions, qui vont être expertisées par le gouvernement d’ici au congrès des maires ruraux qui se tiendra le 21 septembre.
Il y a différentes ruralités. Celle de la proximité d’une grande ville n’a rien à voir avec celle d’un village isolé de la Creuse. Il faut faire du cousu main, être suffisamment souple pour qu’on puisse adapter les réponses à chaque territoire.
De quel rural parle ce travail ?
Il y a différentes ruralités. Celle de la proximité d’une grande ville n’a rien à voir avec celle d’un village isolé de la Creuse. Il faut faire du cousu main, être suffisamment souple pour qu’on puisse adapter les réponses à chaque territoire. Il nous faut une boîte à outils dans laquelle les élus vont puiser pour mener à bien leurs projets. Les rapporteurs ont été très concrets et pragmatiques, avec une vision globale de la vie dans les ruralités, sur le travail, les déplacements, la culture… Ils s’intéressent notamment à ces bourgs de 3 000 à 5 000 habitants qui ont déjà perdu beaucoup de services. Sans ces petites centralités, il n’y a plus rien. Il est fondamental de leur permettre de jouer pleinement leur rôle.
Comment ?
Nous défendons un plan de soutien du commerce et des services en milieu rural. Souvent, les bistrots ont disparu. Le rapport reprend la proposition du groupe SOS, acteur de l’économie sociale et solidaire, qui propose de déployer «1 000 cafés» en zone rurale. Nous voulons aussi soutenir la rénovation de l’habitat existant. L’Etat peut aider les communes dans la restauration de leur centre. Il faut réinvestir les villages, arrêter l’extension de l’habitat et protéger les terres agricoles.
Le très haut débit, c’est comme l’électricité ou le téléphone autrefois. Tout ce dont nous parlons ne se conçoit pas sans couverture en téléphonie mobile et en haut débit. Le numérique est notamment une solution pour permettre aux habitants de travailler près de chez eux.
Le développement du très haut débit n’est-il pas le préalable indispensable à toute réflexion sur le rural ?
C’est la clé de tout. Le très haut débit, c’est comme l’électricité ou le téléphone autrefois. Tout ce dont nous parlons ne se conçoit pas sans couverture en téléphonie mobile et en haut débit. Le numérique est notamment une solution pour permettre aux habitants de travailler près de chez eux. Dans de petits villages, des maires créent des espaces de télétravail et plus largement des nouveaux lieux autour du numérique, qui permettent aux gens de ne pas rester isolés. Ce qui m’a frappée dans cette crise des gilets jaunes, c’est la solitude. Elle est très forte dans la ruralité car il n’y a plus de lieux de rencontre.