Raymond Aron, un penseur du politique par gros temps
Dans les temps bouleversés que nous vivons, lire Raymond Aron (1905-1983) se révèle profitable. Penseur de la liberté, il écrivait dans un contexte géopolitique qui n’est plus le nôtre. Le XXIe siècle ne s’ouvre pas selon ses projections. Mais, plus profondément, son analyse du pluralisme politique, de la raison qui transcende la diversité des systèmes politiques, des cultures, des religions, peut nous aider à penser le politique par gros temps.
Le monde n’est plus bipolaire (Démocratie et Totalitarisme – 1965), mettent au jour les spécificités de la démocratie libérale), mais la méthode de Raymond Aron demeure éclairante pour nous, centristes. Aron est souvent comparé à Jean-Paul Sartre, son ancien ami et condisciple, dans une image un peu figée. Tout à l’inverse, ce sont les nuances qui caractérisent une pensée qui, pour être en demi-teinte, n’en est pas moins ferme. Il ne se revendique d’aucune école, d’aucune doctrine, esprit libre et exigeant. C’est une éthique intellectuelle, un engagement citoyen qu’il formule. Incontestablement, Raymond Aron est un libéral, mais au sens plein du libéralisme du XIXe siècle, inspiré par Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville, John Stuart Mill (dans Les Etapes de la pensée sociologique- 1967 , comme dans les Dix-huit leçons sur la société industrielle -1963, Aron analyse Tocqueville, Marx, Montesquieu, Durkheim et Auguste Comte). Aron est un libéral qui reconnaît la place et le poids décisifs du politique. Aujourd’hui, dans nos démocraties libérales, l’individualisme et le marché appellent, précisément, des institutions légitimes et efficaces.
Au Mouvement Démocrate, nous entretenons des affinités fortes avec la pensée et avec le tempérament de Raymond Aron, qui ne voulait être classé ni à gauche ni à droite et, en toutes choses, privilégiait le pluralisme et la discussion argumentée. Optimiste de caractère, Aron avait foi dans la liberté, dans la raison, dans la capacité de la France et de l’Europe à s’affirmer sur la scène internationale et à être maîtres de leur destin. Dans Les désillusions du progrès (1969), Raymond Aron s’interroge sur les dialectiques de l’égalité et de l’universalité, qui échappent à la technique et demeurent, essentiellement, historiques. Or, l’histoire ne peut être écrite à l’avance, elle est « humaine, dramatique ». Raymond Aron, qui écrivait par des temps troublés, penche vers l’espoir :
Si j’avais à choisir, je me rangerais parmi les optimistes, non sans hésitation ou sans angoisse.