Harcèlement scolaire et préparation de la présidence française de l'UE : l'interview de Nathalie Elimas au JDD

Nathalie Avy-Elimas

Préparation de la présidence française de l'Union européenne, échanges sur le modèle éducatif finlandais et occasion de comparer les politiques éducatives française et finlandaise et de s'inspirer des pratiques mises en œuvre dans le pays : retrouvez l'interview de Nathalie Elimas, Secrétaire d'État chargée de l'Éducation prioritaire, au JDD.

Quelles sont les raisons qui ont motivé votre visite en Finlande?

Je fais cette visite officielle dans le cadre de la préparation de la PFUE (Présidence française du Conseil de l'Union européenne) pour mettre en regard les politiques éducatives finlandaises et françaises. Je viens notamment observer les pratiques de prévention et de traitement du harcèlement scolaire. La Finlande est un pays précurseur en la matière et nous souhaitons échanger sur la mise en œuvre de leur modèle notamment face à la problématique spécifique que représente le cyber harcèlement. Je profite aussi de ce déplacement pour observer ce qui se fait ici en termes de politiques familiales.

L'objectif de la visite est de s'inspirer de ce qui se fait ici?

Oui, bien sûr. Et c'est ce qui motive mon déplacement. Nous avons déjà mis en place des politiques qui s'inspirent du modèle Kiva parmi d'autres dispositifs. Je pense notamment à notre premier programme "Non au harcèlement" ou, plus récemment, au programme "pHARE". En échangeant avec les interlocuteurs que je rencontre sur place, je me rends compte qu'il y a un certain nombre de similitudes. Ma visite n'est pas terminée mais il y a déjà deux ou trois aspects sur lesquels je voudrais travailler en rentrant en France.

Quels sont ces points précisément?

Comme je vous le disais, je trouve particulièrement intéressante la mise en place de cours qui permettent de développer les compétences sociales et émotionnelles chez les élèves. Tous les quinze jours, il y a par exemple dans les écoles finlandaises un cours sur les compétences sociales et émotionnelles organisé dans les classes élémentaires et dans les petites classes du collège. On parle ici beaucoup de la responsabilisation des enfants. C'est quelque chose qui est moins présent chez nous et qu'il faudrait, je pense, développer au sein du programme "pHARe". Il existe également dans certains établissements finlandais une plateforme en ligne qui permet aux élèves de remplir un questionnaire de manière régulière pour rendre compte de leur bien-être. Cela permet aux professeurs d'identifier assez rapidement des signaux faibles ou plus avérés et de les traiter au plus vite.

La méthode finlandaise a-t-elle, selon vous, fait ses preuves?

Oui, il me semble. On m'a cependant indiqué qu'il y avait plus de recensement de cas de harcèlement depuis qu'elle a été mise en place. Mais c'est lié au fait que l'on a affiné la méthode en développant des plateformes qui ont facilité leur détection. Ce n'est donc finalement pas le sujet. Au contraire, c'est bien de pouvoir identifier ces cas le plus tôt possible pour régler les problèmes avant qu'ils ne deviennent graves.

Et chez nous quelles sont les politiques mises en place?

On a déjà fait beaucoup. Nous avons mis en place le programme NAH (Non au harcèlement) et puis le programme "pHARE" qui a été expérimenté dans six d'académies. Il a été généralisé à l'ensemble du territoire à la rentrée 2021 et sera obligatoire dans toutes les écoles et les établissements scolaires dès la rentrée 2022.

Quels sont les principaux points de ce programme?

Des référents harcèlement qui contribuent à la formation des personnels et au traitement de ces situations sont identifiés dans tous les établissements. D'autre part, des élèves ambassadeurs de la lutte contre le harcèlement sont désignés dans les établissements qui déploient le dispositif. Ils permettent de sensibiliser leurs camarades aux phénomènes de harcèlement, de repérer les signes du harcèlement et de les signaler.

Qu'est ce qui différencie nos deux systèmes?

Le programme Kiva est payant, ce qui n'est pas le cas du programme "pHARE". De ce que je comprends, un certain nombre d'écoles s'étaient engagées en 2006 dans le dispositif. Moins aujourd'hui pour cette raison, même s'ils ont conservé des pratiques. Comme l'éducation ici n'est pas nationale mais à la main des communes, il y a presque finalement autant de modèles qu'il y a de communes.

Certains reprochent au système de trop s'appuyer sur le traitement des cas de harcèlement et pas suffisamment, comme peuvent le faire les Finlandais, sur la prévention. Est-ce un sujet sur lequel nous sommes en retard?

Le programme "pHARE" repose sur différents piliers dont la sensibilisation, la prévention, la formation et le traitement. Nous ne sommes donc pas en décalage avec la politique éducative finlandaise. Il me semble néanmoins intéressant de venir observer ce qui se fait ici pour comprendre ce qui est mis en place, comment cela fonctionne et enrichir notre programme des éléments qui nous semblent pertinents.

Aujourd'hui les formes de harcèlement ont beaucoup évolué avec l'émergence d'Internet. Comment lutter contre le cyberharcèlement?

Il faut travailler en coopération. En 2007, le programme Kiva se concentrait essentiellement sur le harcèlement scolaire. Les choses ont aujourd'hui évolué partout avec le fléau du cyberharcèlement. En France, avec Jean-Michel Blanquer, nous avons rencontré les plateformes et insisté sur notre responsabilité commune. Il faut nous inspirer des modèles disponibles et c'est cela que je suis venue comparer.

Par Gabrielle De Verchère

 

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