Patrick Mignola : « Ce gouvernement est menacé en permanence, il doit donc être encore plus courageux que les autres »

Patrick Mignola

Patrick Mignola, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, a accordé un entretien au Journal de Dimanche où il réfute le procès en immobilisme fait au gouvernement Bayrou.

Le JDD. François Bayrou affirme que nous ne travaillons pas assez. Faut-il supprimer des jours fériés, revenir sur les 35 heures ?

Patrick Mignola. Au lieu de sabrer dans les dépenses, nous nous sommes demandé comment relancer la machine économique. Et la réalité, c’est qu’en France, nous travaillons en moyenne 1 664 heures par an par habitant, contre une moyenne européenne de 1 770 heures selon l’OCDE.

Cela veut dire une chose simple : pour préserver notre modèle social, il faut produire plus.

Un peu plus chaque semaine, un peu plus tout au long de la vie. Mais surtout, il faut que chacun puisse travailler — et que tout le monde travaille.

Où sont, selon vous, les principaux blocages ?

Ils sont clairement identifiés. D’abord, les jeunes entrent trop tard sur le marché du travail. C’est un enjeu de formation, mais aussi de confiance : les employeurs doivent leur donner leur chance plus tôt.

Ensuite, l’emploi des seniors. Si on avait le même taux que l’Allemagne, nos comptes sociaux seraient quasiment à l’équilibre.

Enfin, les femmes. Trop souvent freinées par l’absence de solutions de garde, elles travaillent moins. C’est une inégalité et c’est une perte pour l’économie. On ne dit pas que les Français sont paresseux. On constate simplement que, collectivement, nous ne produisons pas assez.

Pour préserver notre modèle social, il faut remettre le travail au cœur de nos politiques publiques.

Certains vous accusent justement de vouloir gagner du temps en étalant le calendrier…

C’est l’inverse. Nous prenons le risque d’avancer très vite. D’habitude, sur le budget, on esquisse à peine quelques éléments en juillet, et le cadrage est présenté en septembre. Nous posons les constats dès avril. En mai, nous présenterons des propositions. Et dès juillet, les cadrages seront finalisés.

Nous ne ralentissons pas, nous prenons le risque d’accélérer le calendrier.

Mais toute la vie politique risque d’être absorbée par ce chantier budgétaire jusqu’en décembre. Est-ce tenable ?

Cette critique ne résiste pas à l’épreuve des faits. Nous avons débuté avec un bloc budgétaire dès la formation du nouveau gouvernement, puis un bloc agricole – avec des textes attendus par nos agriculteurs depuis un an. Ensuite, un bloc collectivités locales, avec des sujets très concrets pour nos maires comme l’eau ou l’assainissement. Puis un bloc régalien, avec des lois essentielles sur le narcotrafic et la justice des mineurs.

Aujourd’hui, nous sommes dans la phase de simplification administrative et économique. Le mois prochain, ce seront les textes sociétaux : soins palliatifs, fin de vie. Et en juin, les textes sur l’énergie.

Vous revendiquez une méthode « pointilliste » ?

Oui. Certains parlent, à tort, d’immobilisme, mais à la fin du mois de juin, chacun constatera que c’est un tableau cohérent. Texte après texte, le gouvernement et les parlementaires ont travaillé sur des sujets essentiels pour le quotidien des Français et l’avenir de leur pays.

Et puis, il y a les fils rouges du Premier ministre : l’école, avec de premières annonces sur la formation des enseignants, l’hôpital, avec des mesures sur l’accès aux soins à venir dès la semaine prochaine, et enfin la réforme de l’État. C’est le combat de sa vie. Depuis 2007, il affirme que la dette est « la mère de toutes les batailles ».

Le niveau de vie des retraités s’est maintenu, voire a progressé : +5 % en janvier 2024, nouvelle indexation en 2025. Peut-on continuer comme si de rien n’était ?

Il faut demander des efforts à tous les Français, les retraités compris.

Il y a une tendance, depuis des années, à se focaliser uniquement sur les dépenses de l’État. Dans les pays de l’OCDE, les retraites pèsent 10 % du PIB. En France, c’est près de 14 %. On ne peut pas ignorer cet écart. Il faudra naturellement évaluer tous les paramètres, notamment l’indexation.

(...)

Mais il y a quand même un flou qui entretient l’inquiétude…

Ce qui est clair, c’est notre objectif : ramener le déficit à 4,6 % du PIB en 2026. Pour ça, il faudra faire des choix. Mais tout dépendra d’abord d’une chose : est-ce qu’on arrive à faire repartir la machine ? Est-ce qu’on réussit à restaurer la confiance, à produire davantage, à dépasser enfin ces 0,7 % de croissance qui nous plombent ? Parce qu’une croissance à 0,7 %, c’est une forme de violence économique. C’est une France qui s’enlise.

Avant de parler impôt, il faut parler production.

François Bayrou a ciblé le mille-feuille territorial et les doublons administratifs, faut-il s’attendre à des annonces concrètes au-delà du constat ?

Oui, il ne s’agit plus de temporiser. Les « contrats de Cahors » négociés en 2017 sur une trajectoire de réduction des dépenses des collectivités avaient été critiqués, mais ils ont permis de fixer un cap clair aux collectivités. Aujourd’hui, ils font consensus. Mieux : les élus locaux sont nombreux à réclamer une nouvelle version de cet outil, pour avoir de la visibilité sur trois à cinq ans. Cela doit permettre de réduire le poids de la dépense publique. Pas la stabiliser. La réduire.

Emmanuel Macron promettait en 2017 de supprimer 200 000 postes dans la fonction publique. À l’inverse, 150 000 ont été créés. François Bayrou va-t-il geler les embauches, voire ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ?

Soyons clairs : il faut réduire le nombre de fonctionnaires dans la durée. Le Premier ministre l’a rappelé. Mais la réponse ne doit pas être brutale ni uniforme. On ne peut pas plaquer une règle aveugle sur tous les ministères.

Chaque administration a été invitée à faire une revue de ses missions, sous la responsabilité de Laurent Marcangeli. L’administration sait très bien faire ce travail. Elle sait ce qui est utile, ce qui l’est moins, ce qui peut être simplifié ou mutualisé. Personnellement, je pense qu’on a trop de personnel dans les administrations centrales et pas assez sur le terrain. Certaines administrations garderont le même niveau d’effectifs. D’autres devront peut-être baisser de 5, voire 10 %.

L’objectif, ce n’est pas « faire moins » mais « faire mieux » avec moins de dépenses. Ce qui implique moins d’emplois publics. Mais mieux répartis, et plus utiles.

(...)

Le calendrier parlementaire semble chargé. Pouvez-vous confirmer qu’il n’y aura pas de session extraordinaire ?

Ce n’est pas encore arbitré. Deux options sont envisageables : une session extraordinaire en juillet, ou en septembre. Il ne s’agit pas de lâcheté, mais de lucidité. Quand vous gouvernez sans majorité évidente à l’Assemblée, ouvrir une session extraordinaire, c’est aussi une opportunité, pour certains, de replonger le pays dans l’instabilité. Cela dit, la peur n’éloigne pas le danger.

Ce gouvernement est menacé en permanence, il doit donc être encore plus courageux que les autres.

Où en est la réforme du mode de scrutin législatif ? Le Rassemblement national en fait une condition pour ne pas censurer le gouvernement.

Le Premier ministre souhaite aller vers la proportionnelle aux législatives. À la rentrée du 28 avril, il engagera une consultation de tous les partis, avec les groupes parlementaires.

Tout le monde ou presque est d’accord sur le principe : il faut plus de proportionnelle. Reste à déterminer la forme : régionale ? départementale ? mixte ? Nous aurons ce débat.

Si cette réforme arrive en même temps que l’examen du budget 2026, est-ce que l’une pourrait aider à faire passer l’autre ?

(Sourire.) Nous prendrons tous les risques « en même temps ».

Sur la sécurité, l’immigration, les prisons, beaucoup attendent un nouveau texte fort. Est-ce prévu pour cette année ?

La sécurité, ce n’est pas seulement des lois. C’est aussi une action quotidienne. Gérald Darmanin et Bruno Retailleau sont à la manœuvre, et ils le font bien. Et quand la loi doit évoluer, nous sommes au rendez-vous : nous venons de le faire avec les textes sur le narcotrafic et la justice des mineurs.

Un grand rendez-vous nous attend : la transposition du Pacte européen sur la migration et l’asile.

Il a été adopté après des mois de débats intenses à Bruxelles, il faut maintenant l’intégrer dans notre droit, le Parlement en débattra.

La fille de François Bayrou s’exprime dans un livre à paraître sur Bétharram. Cela ne risque-t-il pas de le fragiliser ?

Ils en ont parlé ensemble. Sa fille a toujours défendu la libération de la parole, l’écoute des victimes. François Bayrou a été l’un des premiers à les rencontrer. Il le fera encore.

Une commission d’enquête parlementaire est en cours. Elle travaille sérieusement, en commençant par entendre les victimes – pas seulement de Bétharram. Le Premier ministre sera bientôt auditionné. Il est respectueux de cette démarche, et même impatient de s’exprimer. Mais il faut que cette commission reste fidèle à sa mission : comprendre pourquoi, depuis trente ans, les violences dans l’Éducation nationale – publique comme privée – ont pu perdurer. Il ne s’agit pas seulement de parler de François Bayrou. Il faut aussi interroger les ministres de l’Éducation qui lui ont succédé depuis 1997. Sinon, ce ne sera plus une commission d’enquête. Ce sera une tentative de mise en accusation politique.

Lire l'entretien complet dans Le Journal de Dimanche.

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