Agenda commercial européen : intervention de Marielle de Sarnez
Intervenant ce jour à l’Assemblée nationale en séance lors de la discussion sur « l’agenda commercial européen » , Marielle de Sarnez, présidente de la commission des Affaires étrangères, a déclaré :
« Le commerce est aujourd’hui élément de pouvoir et de puissance.
Aujourd’hui, nous assistons à la mise en place d’éléments qui, si nous n’y prenons pas garde, pourront dégénérer en guerre commerciale de grande ampleur, et menacer, à terme, l’équilibre du monde.
Même s’il faut prendre en compte l’attitude de la Chine, qui n’ a jamais respecté pleinement ses engagements multilatéraux, en particulier sur la propriété intellectuelle, les États-Unis ont une grande part de responsabilité. Menace sur les exportations chinoises avec un projet de taxation de 25% sur 200 milliards de dollars de produits chinois, taxation sur l’acier et l’aluminium européens, retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, adoption de nouvelles sanctions contre l’aluminium russe, blocage actif de l’Organisation mondiale du commerce. La politique américaine se veut tous azimuts.
Cette action est d’autant plus déstabilisatrice qu’elle s’appuie sur une législation extraterritoriale que les États-Unis peuvent activer partout dans le monde en fonction de leurs intérêts propres et de leurs obsessions de politique étrangère du moment.
L’administration américaine menace pas exemple aujourd’hui de réactiver la loi Helms-Burton qui permettrait aux intérêts américains expropriés il y a soixante ans par le régime castriste d’engager des poursuites contre les entreprises étrangères, européennes, et françaises qui ont investi à Cuba ! Cette décision serait contraire au droit international. Et l’Europe ne devra pas laisser faire.
Cet impérialisme juridique a trop longtemps prospéré. Souvenons-nous des conditions du rachat par General Electric de la branche « turbines » d’Alstom, qui a coïncidé, comme par hasard, avec l’imposition par les autorités américaines d’une amende transactionnelle de 772 millions de dollars.
Face à ces méthodes, il n’est que temps de réagir.
L’Union européenne a la compétence exclusive sur les questions commerciales. Cela peut et doit constituer un facteur d’unité et d’efficacité. Mais à condition de se doter des moyens politiques et juridiques pour répondre, avec fermeté, aux provocations des uns et des autres.
L’Europe pèse 22 % dans l’économie mondiale. Elle doit utiliser cette force pour protéger efficacement les citoyens européens et leurs intérêts commerciaux et politiques.
À l’initiative de la France, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne le mécanisme INSTEX a été mis en place pour permettre de commercer avec l’Iran. C’est un premier pas positif qu’il convient de saluer.
Mais il faudra aller plus loin et se doter des instruments nécessaires pour que l’Europe se fasse enfin respecter !
Car il n’est pas acceptable que les entreprises et les banques européennes craignent davantage du non-respect des lois américaines que du respect de nos propres lois !
Défendre nos intérêts, c’est aussi mieux associer les citoyens et leurs représentants à l’élaboration et au suivi de la politique commerciale.
Défendre nos intérêts, c’est aussi mieux associer les citoyens et leurs représentants à l’élaboration et au suivi de la politique commerciale. C’est le sens de la résolution que nous examinons aujourd’hui et dont je remercie Jacques Maire d’avoir pris l’initiative.
Depuis dix-huit mois, je m’efforce de mettre en place un nouveau fonctionnement avec le Gouvernement à la commission des Affaires étrangères, sur des questions telles que la qualité des études d’impact ou la consultation des parlementaires de façon régulière avant les conseils européens des ministres du commerce.
Je remercie Jean-Baptiste Lemoyne de son implication personnelle. Il reste de grands progrès à faire en particulier à la Commission européenne. J’espère que nous serons entendus aussi bien à Paris qu’à Bruxelles. »
Paris, le 18 février 2019 - Seul le prononcé fait foi.