« Guerre des prix dans la grande distribution : il faut signer l'armistice ! »
« Trois députés MoDem refusent la « prise en otage du consommateur », qui pourrait être confronté à une hausse des prix dans les supermarchés » : Richard Ramos, député MoDem du Loiret, secrétaire général adjoint du Mouvement démocrate, Bruno Millienne, député MoDem des Yvelines, et Nicolas Turquois, député MoDem de la Vienne, signent une tribune dans le JDD que vous pouvez retrouver ci-dessous.
« Dans la guerre des prix que se livrent depuis des années les mastodontes de la grande distribution en France, les premières victimes ne sont pas forcément celles que l’on croit. Lorsque certains grands distributeurs prétendent redonner du pouvoir d’achat aux Français par une politique de prix bas toujours plus agressive sur une poignée de produits symboliques, c’est en réalité à un véritable dumping agricole auquel ils se livrent. Le problème, c’est que leurs concurrents se trouvent dans l’obligation de leur emboîter le pas sous peine de fermer boutique et c’est l’ensemble de la filière agricole française qui souffre.
En vendant à perte des produits phares des grandes marques fabriqués par des géants de l'agroalimentaire, autrement dit 'les produits d’appel', les grands distributeurs espèrent attirer le consommateur chez eux plutôt que chez un concurrent. Mais Leclerc, Casino, Carrefour et consorts ne sont pas les Restos du Cœur. Ils doivent bien compenser d’une manière ou d’une autre par des marges plus hautes sur d’autres produits. Et c’est là que les agriculteurs français trinquent.
Les distributeurs ont choisi de tirer un trait sur leurs engagements et de faire preuve d’une débordante imagination pour contourner la loi.
Pour se permettre de vendre le pot de Nutella ou la bouteille de Coca-Cola le moins cher possible, la grande distribution organise leur revente à perte. Elle achète en parallèle à des prix beaucoup trop bas les produits des agriculteurs afin de récupérer la marge sacrifiée sur les produits d’appel. Le monde dans lequel nous voulons vivre n’est pas celui de la disparition de nos paysans, celui d’un plan social silencieux de grande envergure sur l’autel du prix bas de la malbouffe. Les quelques centimes de plus que coûteront les produits d’appel en rayon doivent aller à l’éleveur, au maraîcher, au producteur. Chacun d’entre eux structure notre territoire et génère sept emplois indirects dans notre pays.
Le gouvernement et la majorité parlementaire ont sifflé la fin de cette course folle aux promotions, en promulguant en novembre dernier une loi issue des États généraux de l’alimentation, afin de mieux répartir la valeur sur toute la chaîne de production et surtout en encadrant plus strictement les promotions et la revente à perte sur les denrées alimentaires. Avec un objectif clair et simple : que les agriculteurs puissent vivre décemment du fruit de leur travail.
Mais alors que les négociations commerciales annuelles entre distributeurs, agriculteurs et entreprises de l’agroalimentaire sont en cours, les distributeurs ont choisi de tirer un trait sur leurs engagements et de faire preuve d’une débordante imagination pour contourner la loi : cartes de fidélité, jeux concours, loterie.
Pire encore, leurs centrales d’achat font pression sur les industriels de l’agroalimentaire, pour qu’ils baissent leurs prix afin que la grande distribution puisse conserver ses marges, avec le risque, en bout de chaîne, que les agriculteurs continuent d’être écrasés.
La culture du prix bas forgée par la grande distribution est totalement malsaine et dangereuse.
Quant au consommateur, il serait illusoire de croire qu’il s’en tire mieux. Si l’effet de la vente à perte semble immédiat sur son porte-monnaie, la culture du prix bas forgée par la grande distribution est totalement malsaine et dangereuse. Elle oriente les plus modestes vers la malbouffe, vers toujours plus de sucre, d’additifs et de matières grasses. Ce système vicieux institue en France une alimentation à deux vitesses, entre ceux qui ont les moyens d’acheter des produits de qualité et ceux qui n’ont d’autre choix que de consommer les produits les plus nocifs, car en promotion quasi constante.
Nous le disons avec fermeté : ce sont les pratiques de la grande distribution qui prennent les plus modestes en otage et en font les plus mal-nourris.
Nous refusons cette prise en otage du consommateur.
Nous refusons de laisser mourir nos producteurs.
Nous soutenons une alimentation plus saine, plus durable et, surtout, accessible à tous. Nous voulons un modèle qui apporte au producteur le juste prix de son travail et, en même temps, promeuve une alimentation équilibrée pour chaque Français.
Cela ne sera possible que si la grande distribution accepte de mieux répartir ses marges et de payer aux agriculteurs le juste prix. S’ils continuent sur la voix du contournement, il faudra que nous, parlementaires, en tirions les conséquences, et comme notre groupe l’avait déjà proposé, rendre cette loi plus contraignante en l’assortissant de sanctions plus sévères.
Si certains acteurs ne prennent pas leurs responsabilités, alors nous serons aux côtés des agriculteurs afin que puisse émerger l’idée qu’ils organisent eux-mêmes la distribution de leurs productions, transformées ou non, sur le modèle d’une coopérative nationale dont les vertus sur les prix et la santé de nos concitoyens sonneront le glas de pratiques mortifères.»
Bruno Millienne, député MoDem des Yvelines
Richard Ramos, député MoDem du Loiret, secrétaire général adjoint du Mouvement démocrate
Nicolas Turquois, député MoDem de la Vienne