🗞 Interview de François Bayrou dans le Journal du Dimanche

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Retrouvez ci-dessous l'entretien accordé par François Bayrou au Journal du Dimanche ce 12 mai 2019.

 

PROPOS RECUEILLIS PAR ANNA CABANA, SARAH PAILLOU ET DAVID REVAULT D’ALLONNES

Comment jugez-vous la campagne européenne de Nathalie Loiseau ?

Maintenant, la mobilisation est gĂ©nĂ©rale. Le PrĂ©sident a donnĂ© la dimension de l’enjeu. Le gouvernement, la majoritĂ© sont entrĂ©s dans la bataille. Le dĂ©fi est sans prĂ©cĂ©dent : des forces considĂ©rables dans le monde ont pour objectif la dissolution de l’Union europĂ©enne. Or il n’y a en Europe aujourd’hui qu’un seul leader qui porte la dynamique d’un vrai projet europĂ©en, c’est Emmanuel Macron. Et il le montre : il a eu le courage, seul contre tous, de s’opposer au pourrissement d’un Brexit illimitĂ©, comme Ă  l’accord commercial avec les États-Unis.

L’électeur français y est-il sensible ?

Oui ! Les Français voient trĂšs bien qui sont ceux qui veulent diviser pour imposer leur loi, de Trump Ă  Poutine en passant par la Chine. Et aussi qui sont leurs complices, les destructeurs de l’intĂ©rieur, les forces antieuropĂ©ennes de chacune de nos nations
 Celles qui ont obtenu le Brexit, que les Anglais vont payer hĂ©las longtemps. Elles sont Ă  l’Ɠuvre partout. Si nous ne nous battons pas passionnĂ©ment, elles gagneront !

La tĂȘte de liste choisie par le PrĂ©sident, Nathalie Loiseau, n’incarne pas exactement la passion


Elle est engagĂ©e. Elle se bat. Ceux et celles qui se battent mĂ©ritent le soutien. C’est ma ligne de conduite.

Arriver devant le Rassemblement national, c’est possible ?

Le PrĂ©sident a fixĂ© cet objectif, et c’est courageux. Il y a un Ă©lĂ©ment intĂ©ressant : sondage aprĂšs sondage, notre Ă©lectorat tient bon, alors mĂȘme que tant de critiques se coalisent contre la majoritĂ© : cela prouve qu’il y a un socle citoyen solide et qui sait ce qu’il veut.

Les sondeurs se demandent si la droite modĂ©rĂ©e votera pour LR ou pour LREM. Qu’en pensez-vous ?

Les sondeurs, et les autres, ne comprennent pas que la question dans cette Ă©lection n’est plus droite, ou gauche, ou centre, ou autre. Il s’agit de savoir si l’Europe, face aux menaces du monde, va se renforcer ou se dissoudre ! Les Ă©lecteurs le comprennent mieux.

Pourquoi dites-vous que le plan présenté aprÚs le grand débat est « révolutionnaire » ?

C’est un projet de refondation de l’État et de la RĂ©publique comme on n’en a pas connu depuis quarante ans. On prend les questions les plus profondes et on les traite : un nouveau rapport entre l’État et la sociĂ©tĂ©, entre Paris et le pays profond, entre les gouvernants et les citoyens, entre l’Administration et les usagers. Si l’on va jusqu’au bout, les acteurs de terrain, les Ă©lus locaux, les entreprises, les associations vont avoir une lĂ©gitimitĂ© nouvelle et la confiance qui va avec. Des services publics rĂ©enracinĂ©s sur le terrain ; la redĂ©finition de la haute fonction publique, de son recrutement et de son organisation ; la lutte systĂ©matique contre les inĂ©galitĂ©s de destin : c’est un plan incroyablement ambitieux.

Et tant pis pour la maßtrise de la dépense publique ?

Pas du tout. Ce n’est pas moi qui vais oublier que l’équilibre des finances est nĂ©cessaire ! Mais l’investissement dans la rĂ©forme de l’État, dans l’éducation ou dans le maintien des services publics, ce sont des Ă©conomies futures.

Faut-il un nouveau gouvernement pour porter ces changements ? Un nouveau Premier ministre ?

La Ve RĂ©publique, ce sont des gouvernements qui durent ! D’autant plus quand ils ont la charge d’un projet aussi dĂ©cisif que celui qui a Ă©tĂ© annoncĂ©.

C’est un engagement plus important qu’à d’autres moments ?

Oui, car la crise est plus importante. Ce n’est pas une crise politique. C’est bien plus profond. C’est une crise de l’État, devenu trop Ă©loignĂ© des gens, par ses mĂ©thodes, par son langage, par ses habitudes, par sa lenteur d’exĂ©cution. Il y a beaucoup de talents dans l’État, et beaucoup de dĂ©vouement. Mais ça ne marche plus. L’État comprend mal le pays et le pays ne comprend plus l’État. Il faut donc reconstruire le lien. Et c’est cela que le PrĂ©sident a annoncĂ©. Le gouvernement, pour sa part, a la charge de construire la maison nouvelle que l’architecte a dessinĂ©e. Pas seulement en obĂ©issant, mais en proposant et en inventant.

Macron a exhorté ses ministres à « se bouger ». Il se sent seul ?

Le PrĂ©sident a assumĂ© seul la dĂ©finition du plan. Et, en vĂ©ritĂ©, lui seul pouvait le faire tant ce projet va Ă  rebours de la culture traditionnelle des milieux de pouvoir. Et c’est pourquoi bien sĂ»r ce sera difficile !

Vous avez des doutes ?

Porter ce projet jusqu’à sa rĂ©alisation, changer l’État, c’est incroyablement exigeant, et ça bouscule un univers d’habitudes et de conformisme. Il y aura beaucoup de freins. Mais le PrĂ©sident s’est forgĂ© une volontĂ©.

Mais l’« architecte » n’a plus la confiance des Français


Vous confondez confiance et popularitĂ©. La popularitĂ©, ça va, ça vient, c’est superficiel. La confiance, c’est plus profond ; c’est l’estime, le sentiment que l’homme vaut la peine, qu’il est fidĂšle Ă  sa mission, mĂȘme quand il dit non. Cela ne s’obtient qu’avec du temps et des Ă©preuves. C’est cela qui se construit. Il a affrontĂ© l’épreuve, en homme conscient des problĂšmes du pays dont il a la charge, sans concession et sans ruse. On voit que cette crise l’a changĂ©, lui a donnĂ© la gravitĂ© et le courage pour saisir au bon niveau l’histoire que nous vivons.

 

 

Retrouvez également l'interview sur le site du Journal du Dimanche.

 

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