"Je propose le droit à la première expérience professionnelle salariée pour tous les jeunes sortant de formation"

Invité de la matinale de RTL, François Bayrou a formulé des idées nouvelles pour faire avancer le débat politique. L'ensemble de son projet paraîtra sous la forme d'un livre optimiste le 31 janvier prochain.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour. 

Vous avez sans doute écouté les derniers voeux de François Hollande samedi soir à 20 heures. Avez-vous vu un président libéré, déjà ailleurs ou un président « jusqu’au bout » comme il l’a dit ?

C’était des voeux classiques, surtout classiques pour un président qui ne se représente pas et qui donc s’adresse pour la dernière fois en ce 31 décembre aux Français. C’était des voeux graves aussi, parce qu’il est vrai que la situation internationale et nationale n’est pas exactement ce que l’on souhaiterait pour une année facile et heureuse ! De ce point de vue, cette gravité était justifiée.

Les voeux étaient-ils trop classiques pour effectivement une configuration politique très peu banale ?

Tout le monde a en mémoire les derniers voeux de François Mitterrand avec cette phrase incroyable qui était « Je crois aux forces de l’esprit, je ne vous quitterai pas ». Il y avait une très grande émotion et quelque chose qui sortait de l’ordinaire. Les voeux de François Hollande étaient plus classiques.

On sent dans ce « trop classique » une certaine forme de déception. Mais François Hollande remonte dans les sondages. Les Français le regrettent-ils ou saluent-ils sa sagesse d’abdication ?

Je ne suis pas sûr qu’il faille accorder aux sondages une attention trop soutenue parce que comme vous savez, les sondages ont beaucoup de hauts et beaucoup de bas… Moi, je n’ai jamais eu sur François Hollande les jugements agressifs, péjoratifs que l’on entendait. Simplement, j’ai été comme beaucoup de Français déçu qu’il n’exerce pas la plénitude de sa fonction comme cela aurait dû être le cas. Il ressemblait trop au Premier secrétaire du PS et n’était pas assez à la hauteur de l’histoire qui était pourtant en train de s’écrire. 

Il a notamment mis en garde dans ses voeux contre la dispersion de la gauche qui pourrait faire éliminer son camp dès le premier tour. A-t-il raison de faire la leçon à ses amis ?

Je ne sais pas ce que la gauche veut dire aujourd’hui et vous non plus, vous ne le savez pas. La gauche a explosé et elle a explosé sur le fond ! Elle a explosé sur ce que l’on appelle l’idéologie, c’est-à-dire la vision du monde, ce que l’on croyait être la ligne de conduite éternelle de la gauche. Aujourd’hui, on voit que cette ligne de conduite ne marche plus et que de ce point de vue, cela appelle une alternance et une reconstruction. Je n’appartiens pas au camp de la gauche donc ce n’est pas à moi de le dire. Mais tout le monde voit bien que l’on a besoin d’une alternance pour que chacun tire les leçons de ce qui s’est passé et que l’on ait un pouvoir nouveau en France.

Ce qu’il voulait dire, c’est que la dispersion des candidats est un poison en politique. C’est vrai, non ?

Cela dépend. La seule question qui se pose est : vos idées sont-elles défendues dans une échéance aussi importante que celle-là ? Tout le monde parle des élections présidentielles comme s’il s’agissait de paris sportifs. Mais ce n’est pas la question ! Un peuple doit choisir le destin qui va le mener à relever les défis les plus importants. La seule question qui se pose est : prend-t-il le bon chemin ?

François Hollande s’en est pris également à François Fillon, accusé de vouloir brutaliser la société. Vous qui avez dit que son programme était récessif et dangereux, vous êtes d’accord avec lui.

J’ai un débat avec François Fillon, tout le monde le voit bien. Mais ce débat n’est pas « le mien », il n’est pas personnel, c’est une interrogation que beaucoup de Français et de responsables politiques se posent aujourd’hui.

Vous auriez pourtant selon le Canard enchaîné conclu un pacte secret avec François Fillon. Vous vous seriez engagé à le rallier contre des circonscriptions pour le MoDem. Le suspense que vous entretenez, est-ce du cinéma ? 

Est-ce que je peux répondre en une phrase la plus courte possible ? Tout cela, c’est de l’intox ! Évidemment, ce sont des manipulations d’opinion. Il y a eu moins deux personnes qui savent que tout ceci est complètement faux et intégralement bidon comme on dit, c’est François Fillon et moi ! Nous n’avons évidemment jamais eu l’idée de négocier des pactes secrets. Je ne pratique pas ce genre de manœuvre. Quand je pense quelque chose, je le dis ! Quand je fais un choix, ce choix est ouvert. Je ne manoeuvre pas dans des couloirs secrets, je suis un responsable politique devant les Français et pas dans la ruse. 

Avez-vous eu des contacts avec François Fillon depuis votre déjeuner début décembre ?

Non. D’abord, vous dites « déjeuner début décembre », mais nous n’avons pas déjeuné ensemble. Nous nous sommes vus et j’ai rencontré un certain nombre de ses proches mais non je n’ai pas eu de contact depuis avec lui. 

Votre souhait, outre celui de défendre l’intérêt de la France, c’est bien de constituer un groupe centriste à l’Assemblée nationale à l’occasion des élections législatives du mois de juin ?

Ce n’est même pas une question de groupe ou de circonscriptions, ce n’est pas sous cette forme que je vois les choses ! La France a besoin de centre ! Vous voyez bien que l’offre politique que nous avons aujourd’hui n’est pas satisfaisante. Un grand journaliste politique écrivait récemment qu’entre 25 et 30 % des Français étaient absolument insatisfaits et n’arrivaient pas à trouver leur chemin. Ce qu’il faut, c’est en effet la constitution, la construction ou la reconstruction d’un centre digne de ce nom en France. Et ce centre doit avoir deux caractéristiques : il doit être uni et indépendant, capable de se prononcer par lui-même au lieu de toujours avoir à se précipiter pour être l’allié ou la roue de secours de quelqu’un d’autre. Cette volonté d’indépendance est absolument majeure pour la démocratie française.

Toujours selon le Canard enchaîné, François Fillon préférerait que vous soyez candidat au premier tour pour juguler les centristes de droite tentés par Emmanuel Macron. Cela se tient…

Je vous ai dit que tout cela était de l’intox et ne m’obligez pas à le répéter.

Mais s’il y avait un pacte, vous ne nous le diriez pas.

Non, non, non. Élizabeth Martichoux, arrêtons-nous une seconde ! Quand je dis qu’il n’y a rien de ce type de manoeuvre, que je n’ai pas cela en tête et que je n’y participe pas, je vous dis aussi ouvertement que possible la vérité ! Donc, je vous encourage à ne pas dire « s’il y avait un pacte, vous ne nous en parleriez pas ». Il n’y aura jamais avec moi de manoeuvre de cet ordre. J’ai pris suffisamment de risques dans la vie politique française pour ne pas avoir à faire la preuve que je déteste la duplicité. 

C’est noté. Vous aviez affublé Emmanuel Macron du surnom peu aimable de « hologramme ». Elle résiste un peu quand même cette image, non ?

Nous verrons. Pour l’instant, je n’ai aucune idée du programme ou de la direction qu’Emmanuel Macron défend. Je vois bien une présentation médiatique flatteuse mais je ne vois pas le fond. Donc nous allons voir dans les semaines qui viennent de quelle manière le paysage politique évolue. Pour l’instant, il n’est pas fixé et c’est le moins que l’on puisse dire car on a l’impression que l’univers des surprises n’est pas achevé !

Avez-vous terminé votre livre-programme pendant ces vacances de Noël ?

Oui.

Quand paraît-il ?

Dernier jour de janvier, après la primaire de la gauche.

Est-ce que vous vous prononcerez avant ?

Non, je vais précisément attendre d’avoir exposé ces idées là, c’est dans la première moitié du mois de février que les choses prendront un tour définitif. 

Est-ce qu’il y a une idée qui permettrait justement au candidat élu LR de mettre plus de solidarité - c’est un mot que vous avez utilisé dans vos voeux - dans son programme aux Français ?

Je vais essayer, si vous le voulez bien, de proposer des idées non pas pour les autres mais pour moi ! Le rôle que je veux jouer précisément dans cette période est d’apporter des idées dans le débat politique. Il n’y en a pas beaucoup de nouvelles, on a l’impression très souvent que ce sont déjà des idées que l’on a entendues il y a longtemps. Oui, je veux proposer des idées nouvelles. Je vais en proposer une. Le devoir de formation que nous avons à l'égard des jeunes Français ne s’arrête pas à l’école. Beaucoup de jeunes sortent non diplômés et beaucoup qui ont des diplômes n’ont plus l’ouverture à l’égard du travail. Je propose que l’on crée un droit nouveau qui est le droit à la première expérience professionnelle, c’est-à-dire que la puissance publique se charge - Pôle emploi par exemple - de proposer à tous les jeunes, quand ils sortent de formation, un semestre d’expérience professionnelle salariée.

Est-ce l’État qui prend en charge ?

C’est l’État qui aide à trouver cette première expérience professionnelle - grâce aux énormes crédits de la formation, ces plusieurs dizaines de milliards - que l’on puisse offrir à tous les jeunes afin de leur mettre le pied à l’étrier. Ce serait un droit pour tous les jeunes qui sortent de formation, qu’ils soient diplômés ou qu’ils ne le soient pas, d’avoir une première expérience professionnelle salariée de manière que, quand ils ont ensuite à présenter leur curriculum vitæ, la première ligne soit écrite. Je suis certain que cela peut changer le climat et le moral du pays et de cette génération parce que le principal problème, c’est qu’il y a une question de moral pour le pays !

Donc, c’est l’assurance pour tous les jeunes d’avoir un job de six mois, un CDD, entièrement pris en charge par l’État.

Je n’ai pas dit « entièrement » car il faut que l’entreprise y participe aussi ! Il n’y a pas de raison que l’État soit ainsi un pourvoyeur, mais l’Etat complètera de manière que la charge pour l’entreprise ne soit pas trop importante et que ce soit une vraie première expérience professionnelle.

Donc ce sera une de vos idées dans votre livre-programme qui va paraître fin janvier. Si on retrouvait celle-là et d’autres dans le programme de François Fillon, cela vous satisferait.

Je ne suis pas en train de marchander. Je suis en train de faire vivre le débat national que nous devons avoir et dans lequel chacun doit apporter ses idées et sa vision ! C’est après que l’on regarde de quelle manière le paysage se présente. La seule question est de savoir si les idées que vous portez sont défendues dans le débat présidentiel. Si elles ne le sont pas, vous avez le devoir de les faire entendre.

Merci François Bayrou.

 

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