"Nous ne pouvons pas faire autrement que d'accueillir les réfugiés"
François Bayrou, président du MoDem, a prôné lundi sur Europe 1 la création de "zones protégées" par les forces internationales dans les pays de départ des migrants, et dénoncé ceux qui, en France, "cherchent à faire croire que nous sommes devant une menace d'invasion".
Jean-Pierre Elkabbach - Bonjour François Bayrou.
François Bayrou - Bonjour.
La ville de Pau et les Palois sont-ils prêts à accueillir des réfugiés, et pas seulement des réfugiés syriens ?
Nous accueillons des réfugiés depuis très longtemps, c’est une des villes qui a fait le plus en terme d’accueil et de générosité. Le jour de la rentrée, j’ai rencontré des classes d’enfants non francophones, à qui nous offrons la découverte de notre langue. Il y a des structures, des logements et des associations pour cet accueil.
Face à certains maires qui refusent – par exemple François Baroin – vous dites « moi, je continue à accueillir les nouveaux réfugiés » ?
On ne doit pas et on ne peut pas faire autrement ! Mais croire que l’on peut simplement, par une décision, intégrer des dizaines ou des centaines de milliers de personnes, évidemment, c’est une illusion. L’intégration ne marche que s’il y a un équilibre dans la population qui fasse qu’on ne crée pas des ghettos et cette volonté de faire que « accueil » aille avec « intégration », pour nous c’est évidemment la clef. Je ne crois pas que la question des réfugiés se résume à l’accueil chez nous dans nos pays et dans toute l’Europe.
Mais les Français sont divisés. Leur pays a trop de chômage pour embaucher, employer, former, intégrer, éduquer des milliers de réfugiés. Faut-il vaincre ces réticences ?
De toute façon, on ne peut pas faire autrement ! Ils meurent et ils fuient la mort qui leur est promise donc nous avons à la fois des devoirs – qui ne sont pas seulement des devoirs moraux - qui sont aussi des engagements que nous avons pris. Probablement, la voie qui est nécessaire aujourd’hui, c’est que l’on aménage et que l’on protège des refuges dans les pays, dans les régions où ils vivent.
Vous voulez dire des centres de rétention ?
Non, je ne dis pas des centres de rétention et je ne dis pas des camps, je dis des refuges, c’est-à-dire des zones qui sont protégées par les forces internationales de manière que ces réfugiés puissent trouver un refuge chez eux ou en tout cas proche de chez eux.
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve invite tous les maires à une réunion samedi à Paris. Alain Juppé ira, est-ce que vous irez, vous ?
Oui, bien sûr.
Pendant le week-end, l’Allemagne a accueilli en héros près de 20 000 réfugiés qui continuent à arriver. Ils affichent tous « merci Merkel », « vive l’Allemagne ». L’Allemagne d’Angela Merkel est-elle toujours le modèle, l’exemple, même si son attitude – on commence à le dire en Allemagne – est provisoire ?
Provisoire, nécessairement, parce que les réfugiés eux-mêmes rêvent de retourner dans leur pays. Ils rêvent de trouver un accueil, une protection, et ensuite de revenir chez eux. C’est le cas de la plupart des réfugiés de la planète lorsqu’ils partent pour cause de guerres, de menaces directes.
Est-ce que l’Allemagne d’Angela Merkel est un modèle ?
En tout cas, Angela Merkel se comporte comme il faut qu’un responsable d’État se comporte.
Les bénéficiaires du droit d’asile en Allemagne pourront ensuite circuler librement à travers toute l’Europe et même s’installer ailleurs. Est-ce une menace ?
Ce n’est pas la France qui, de ce point de vue là, apparaît comme le lieu où il faut s’installer. On le voit à Calais : un très grand nombre de ces immigrés, ce n’est pas en France qu’ils veulent venir mais c’est en Grande-Bretagne qu’ils visent de se rendre. En tout cas, la présentation qui cherche à faire croire que nous sommes devant une menace d’invasion n’est pas juste. Nous devons faire face aux obligations qui sont les nôtres en terme d’asile devant ceux qui fuient, qui sont des réfugiés politiques menacés la guerre, menacés dans leur vie comme on l’a vu avec les Syriens et notamment avec cette photo qui a bouleversé tout le monde - car ce petit garçon aurait pu être le nôtre -.
On a entendu le pape hier, le grand rabbin de France HaÏm Korsia qui appelle à un sursaut civique et humain de la France et de l’Union européenne, il dit « nous avons besoin de justes ». Sans vouloir communautariser, pourquoi pas un message semblable de la part des Français de confession musulmane ?
Moi je suis absolument sûr que les Français de confession musulmane partagent le même sentiment. Comment en serait-il autrement ? Vous savez, l’Islam n’est pas organisé avec des autorités qui ont une parole d’autorité qui s’impose à l’ensemble de la communauté.
Dans sa conférence de presse tout à l’heure, le Président de la République devrait annoncer que maintenant les RAFALE et les MIRAGE 2000 se joindront à la coalition américano-arabe contre Daesh en Syrie. Soutenez-vous cette initiative ?
J’approuve et je soutiens toute mobilisation de la France contre ceux qui sont des barbares, qui non seulement font fi de la vie humaine, torturent, décapitent mais en plus s’attaquent à des œuvres qui sont le patrimoine de l’Humanité.
Il peut donc y avoir un consensus national sur ce sujet précis.
Oui, je pense que l’on peut tout à fait trouver une entente nationale sur ce sujet. Je ne crois pas vraiment que des raids aériens seront la solution qui règlera la question de Daesh d’autant qu’évidemment les moyens de la France sont limités.
On a entendu tout à l’heure Bruno Le Maire avec Thomas Sotto : en dépit de sa demande d’envoyer des soldats français au sol même en nombre limité, cette hypothèse irrationnelle comme dirait Didier François n’est pas encore envisagée. Est-ce qu’il faut y aller au sol ?
En tout cas, nous ne devons évidemment pas y aller seuls, cela ne peut être qu’une mobilisation des armées de la région, avec le soutien des grandes puissances.
Les derniers sondages donnent Alain Juppé, Nicolas Sarkozy au coude-à-coude. Si Nicolas Sarkozy gagne la primaire, est-ce que vous vous présentez en 2017 ?
Je veux d’abord répéter – contrairement à un certain nombre de choses qui sont dites – que je pense qu’Alain Juppé est aujourd’hui celui parmi les réformistes, et parmi ceux qui pensent qu’il n’y a de possibilité pour l’avenir qu’en rassemblant davantage les Français, qui est le mieux placé.
Pensez-vous qu’il peut y avoir des tricheries à la primaire ?
Non, je ne pense pas qu’il peut y avoir de tricheries, je pense que l’on y veillera. Mais je pense que la primaire, comme on le voit aux Etats-Unis, est très souvent le moyen de mobiliser les plus radicaux, les plus agressifs.
Si Nicolas Sarkozy gagne la primaire, vous présentez-vous ?
Si Nicolas Sarkozy gagne la primaire et qu’il est sélectionné par son camp, je reviendrai vous voir et je verrai ce que je fais.
Pour vous, l’important est-il de faire battre François Hollande ou Nicolas Sarkozy ? Au nom de la morale, vous avez toujours encouragé les politiques à dire en public la vérité qu’ils confient en privé. Alors qu’est-ce qui est le plus important : faire battre François Hollande ou Nicolas Sarkozy ?
En privé comme en public, je suis l’un des seuls à dire que si la prochaine élection présidentielle ne sert qu’à trouver une alternance, c’est-à-dire qu’à remettre en place ceux qui étaient auparavant au pouvoir - si c’est seulement ce coup de balancier qui va un coup au Parti socialiste, un coup à l’UMP - je considérerai qu’elle n’a pas rempli ses objectifs. La prochaine élection présidentielle doit avoir comme objectif non seulement d’obtenir une alternance, mais aussi d’obtenir une rupture avec l’impuissance que nous vivons depuis 15 ou 20 ans qui a fait que la France se trouve aujourd’hui dans la situation et qui fait que tant de gens sont dans la désillusion pour ne pas dire dans le désespoir.