Retour sur l'émission "La Grande confrontation, l'heure des choix"
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Organiser un grand débat entre les chefs de partis, intitulé « L’heure des choix », la veille de la conférence de presse du président de la République, qui doit précisément annoncer ses choix, est un peu insolite. Or, l’exercice n’a pas tourné à vide. Au lieu d’être dans le commentaire, les six protagonistes ont pu expliciter leurs conceptions, souvent divergentes, de notre horizon commun.
Les questions nationales et européennes sont naturellement liées. Le thème de l’Europe a été placé à la fin de l’émission, ce qui a parfois empêché de saisir pleinement à quel point chacun des sujets abordés se conçoit aussi au niveau européen : fiscalité, approfondissement de la démocratie, immigration. Car, pour certains, les choses sont tranchées : chez Marine le Pen, le sujet central de ces élections européennes, c’est la nation, qui constitue notre seule protection. Pour Adrien Quatennens, le jeune député LFI du Nord qui remplaçait ce soir Jean-Luc Mélenchon, le 26 mai doit sonner le glas d’un référendum préparant l’après-Macron. Quant à Laurent Wauquiez, il n’a pas hésité à citer Les Républicains comme la véritable garantie pour faire rayonner la France en Europe. Sur l’Europe, Olivier Faure se déclare en faveur d’une Europe plus sociale et plus écologique.
Face à eux, François Bayrou a rappelé que l’Europe représente un grand projet politique, social, économique. Dans un sourire, il a d’ailleurs remarqué que même ses contempteurs n’avaient pas osé, ce soir, se dire contre l’Europe. On ne peut pas faire sans elle. Mais Stanislas Guérini a relevé que, tout du long du débat, de vieux réflexes partisans avaient resurgi, conduisant à rejeter sur l’autre telle responsabilité. A-t-on trouvé des consensus ? Ou des lignes de fracture entre les positions ?
Sur la question du temps de travail, François Bayrou est en faveur d’un libre choix de départ à la retraite, avec un système de points.
En fonction de son état de santé, de son moral, du montant de sa pension, on prend la décision au moment opportun. La durée de la vie s’allongeant, cette liberté devient indispensable. La question de la dépendance se trouve déjà au cœur de bien des familles.
Les Français devront donc travailler plus et plus longtemps, mais ils auront le droit de choisir. Laurent Wauquiez s’est insurgé avec vigueur contre les régimes spéciaux de retraite, à l’exception des postes régaliens. Olivier Faure a affirmé, de nouveau, son appel à un ISF vert. François Bayrou juge inéquitable certains déséquilibres entre la situation des uns ou des autres : que certains aient 6 mois de référence, là où d’autres ont 25 ans n’est pas normal, et la justice impose de ne pas rester indifférent.
Sur les pensions de reversion, François Bayrou a été catégorique : en son nom, il s’est engagé à ce que l’on n’y touche pas.
Et devant le vibrant plaidoyer de Laurent Wauquiez en faveur d’une baisse d’impôts et d’une baisse corrélative des dépenses publiques, il s’est amusé que, à chaque fois, cette promesse revienne dans les débats, et que ces mêmes formations politiques n’aient cessé, depuis 20 ans, d’alourdir chaque année les impôts des entreprises et des ménages. Sur la rémunération extrêmement élevée de dirigeants comme François-Henri Pinault, François Bayrou n’a pas estimé le montant plus choquant que celui d’un footballeur, mais pense, à l’instar, une fois n’est pas coutume, de Marine le Pen, qu’au-delà d’une certaine somme cela devrait être extrait des charges de l’entreprise.
Comment régénérer la démocratie ? Seul énarque sur le plateau, Laurent Wauquiez a déclaré que la suppression de l’ENA n’était certainement pas une priorité. L’ENA, fondée à l’origine pour produire de la méritocratie, s’est figée dans une mécanique qui ouvre les portes aux hautes fonctions politiques, François Bayrou a rappelé cet effet pervers, à réformer.
Le vrai sujet pour renforcer la démocratie, c’est à ses yeux l’instauration d’une dose significative de proportionnelle. Il serait pour la proportionnelle intégrale, mais 25%, c’est déjà mieux que 0%. Il est en revanche contre la prime à la liste arrivée en tête. Seul Laurent Wauquiez s’est offusqué, y voyant un retour à l’instabilité de la IVe République. François Bayrou lui a fermement fait remarquer que, pour endiguer un pluralisme débridé, la fonction présidentielle représentait justement un garant de poids. Rien à voir avec le système des partis de la IVe République. Quant au référendum, François Bayrou serait favorable à un RIC national, mais certainement pas à un RIC local. Car beaucoup de sujets essentiels sont, au départ, incompris. C’est aussi le rôle du politique de porter ces projets, et d’éclairer ainsi l’opinion.
Sans surprise, le débat sur l’immigration a fait ressortir des tensions. Trop d’immigration selon Laurent Wauquiez. Marine le Pen cite Stephen Smith pour justifier la maîtrise des frontières. Olivier Faure a rappelé qu’il fallait s’attaquer aux causes, comme le réchauffement climatique, son antienne de ce soir. D’abord la guerre et la misère, quand même, lui a lancé François Bayrou. Le plus grave, c’est de voir l’incohérence des passages ou des refoulements d’un pays à l’autre au sein de l’UE.
Et l’Europe doit peser face aux puissances déstabilisatrices qui se frottent les mains devant le Brexit, a affirmé François Bayrou. L’Amérique de Trump, la Russie, la Chine ne doivent pas rester seuls maîtres du jeu. Trump soutient un Salvini, parce qu’il perçoit son désir de faire exploser l’Europe. Notre responsabilité est de faire en sorte que cela ne se produise pas.
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