Service national universel : "Il faut refaire un brassage de la population, des jeunes"
François Bayrou, invité au micro de BFM TV, a estimé qu'un "changement profond de la société" était nécessaire. Cette "réforme consiste à créer un service national universel, civique et de sécurité" afin de lutter contre la division de la société française.
Bonsoir François Bayrou.
Bonsoir.
L’actualité a été tragique malheureusement depuis les attentats de Charlie Hebdo, sans remonter jusqu’à Mohamed Merah. La France est confrontée au terrorisme, un terrorisme dont on voit que les acteurs sont de plus en plus jeunes. On se souvient de la jeune fille d’hier qui a été interpelée, âgée d’à peine 16 ans, qui s’est radicalisée, et qui appelait même à commettre un attentat sur un réseau social. Quelle est la solution aujourd’hui pour ces jeunes ? Vous faites partie de celles et ceux qui réclament le retour d’un « service national universel, civique et de sécurité » dites-vous.
Ce défi-là est sans doute un des plus lourds que notre pays ait eu à confronter au travers du temps. Je ne dis pas que la France soit le seul pays atteint mais vous voyez bien à quel point cette inquiétude pèse dans la société française. Face à cette inquiétude, nous sommes pour l’essentiel désarmés. Il y a en réalité deux choses à faire. La première est d’augmenter la prévention et la sécurité. Et la seconde réponse est de faire en sorte que les jeunes français apprennent à vivre ensemble, à se connaître, à se rencontrer et à échanger. Il faut également que la France des adultes et des autorités puisse leur parler. Je suis convaincu depuis longtemps qu’il y a une chose fondamentale à faire : une réforme, un changement de la société profond qui consiste à créer ou recréer un service national universel garçon et fille, civique -il y a beaucoup de tâches à faire dans la société française pour aider les autres- et de sécurité.
Vous préférez dire « service de sécurité » plutôt que « service militaire » ?
Je dis « service de sécurité » car c’est beaucoup plus large que militaire.
Ce sera un appel sous les drapeaux ?
Ce sera un appel national. Chacun désormais vit dans son coin, enfermé dans son petit cercle de quartier, d’origine, de relation sociale. Toute cette facilité qui était offerte autrefois pour que l’on puisse rencontrer d’autres origines sociales, situations, cultures à l’intérieur de la société française et d’autres confessions n’existe plus. Il faut refaire un brassage de la population, des jeunes.
Volontaire ou obligatoire ?
Obligatoire. Universel. Alors évidement si vous êtes malade ou soutien de famille par exemple on devra examiner les choses.
Etudiant on peut examiner les choses également ?
Etudiant, on peut jouer dans le temps mais il faut que tous les jeunes français, quel que soit leur niveau d’étude fassent ce service-là.
Combien de temps ?
Pour moi c’est un semestre, 6 mois. Pourquoi ? La première raison c’est car nous allons leur apprendre des choses comme le secourisme par exemple - que tous les jeunes apprennent à cet âge-là à intervenir dans des situations d’urgence, les gestes qu’il faut faire face à quelqu’un étant dans une situation critique- ou même le code de la route, c’est très difficile pour un certain nombre de jeunes de passer son permis. On va leur apprendre un certain nombre de choses mais ils vont surtout pouvoir donner quelque chose, par exemple, en matière de surveillance, de sécurité. Songez à tous les évènements qui sont annulés en ce moment car il n’y a pas de sécurité possible. Ils vont pouvoir également rendre des services dans les écoles, on a besoin de jeunes pour parler à d’autres jeunes, pour les encadrer lorsqu’ils sont petits.
Mais il existe déjà le service civique, ce volontariat.
Ça existe pour combien ? 5% ? Et encore… Donc non, je pense qu’il faut avoir une approche qui soit universelle pour que ce soit toute une génération. Cela permettra également de repérer les difficultés comme l’illettrisme par exemple, et également des difficultés d’ordre psychologique ou de radicalisation. Ce n’est pas une petite réponse mais quelque chose de très important qui change très profondément la réalité de la société française.
Ne sommes-nous pas dans une espèce de concours, de la part des responsables politiques, de mesures pour lutter contre ce phénomène de radicalisation, de rejet de notre société, de la France ? Chaque famille politique y va de sa proposition, aujourd’hui on a eu même des tests de dépistage au collège avec un psychologue de la part de Geoffroy Didier.
Ma réponse n’est pas une réponse sectorielle dirigée vers des sensibilités religieuses ou des craintes. Non ! C’est une réponse générale à propos de quelque chose qui manque cruellement à la société française, qui manque cruellement depuis l’origine. Quand le service militaire a été supprimé il y a maintenant vingt ans, j’avais dit au Conseil des ministres qu’il fallait le remplacer à tout prix par un service civique. Nous sommes devant un enfermement, un cloisonnement. La société française se coupe en petits groupes qui n’ont plus rien à voir les uns avec les autres. S’il y a un problème ou une crise dans la société française, on en trouve là le plus important, le germe. Il faut absolument que l’on refasse se rencontrer les jeunes français entre eux et les jeunes français avec une certaine idée du pays qu’ils forment ensemble, qu’ils vont devoir bâtir et construire ensemble. Ce n’est pas la réponse à tout mais c’est un vrai début, un vrai changement profond d’attitude.
Vous évoquez le vivre ensemble, la baignade aux Pennes-Mirabeau, organisée par une association de femmes, dans des tenues conformes à l’islam et prévue pour le mois de septembre a choqué et a finalement été interdite, est-ce la bonne décision ?
Je pense qu’il faut parler de ces sujets avec beaucoup de prudence et de précaution. La société française demande tout le temps à prendre feu sur ces sujets. Evidemment vous voyez bien que dans une piscine ce n’est pas acceptable et que les autorités locales doivent prendre dans chaque cas les décisions les plus équilibrées possibles. Tout ce qui est sensationnel demande à flamber. On voit bien le heurt entre deux manières de vivre. Simplement, il faut que tout le monde comprenne que dans la société française c’est la manière de vivre traditionnelle du pays qui doit s’imposer. Il faut, certes, le faire avec équilibre et respect mais il faut le faire en même temps de manière suffisamment ferme pour que tout le monde se sente au fond assuré de l’avenir.
Merci François Bayrou.
Merci à vous.