11 novembre, souvenir et mémoire
Le 11ème jour du 11ème mois de l’année 1918, à la 11ème heure, le feu s’est tu. L’armistice signé à 5h15 le matin met un terme à une guerre européenne longue de 4 ans. Près de 19 millions de morts, invalides, mutilés, dont 8 millions de civils. Ces années vont ébranler le système politique et les valeurs d’un continent entier qui pensait être un modèle mais qui a sombré dans la guerre la plus dévastatrice qui fut.
103 ans après la fin de la Première Guerre mondiale, perpétuons le souvenir de ces soldats français morts au combat et des grandes figures de la guerre qui ont su, contre vents et marées, tenir bon dans l’adversité.
Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, évoque cette date si symbolique dans l’Histoire de France.
Comment faire vivre la flamme du souvenir quand tous les témoins ont disparu ?
Les témoins ont certes disparu mais pas leurs voix grâce, notamment au numérique. Les lieux également restent. Ils sont un lien privilégié avec le passé et permettent, l’espace d’un instant, d’abolir le temps.
La transmission de la flamme après la disparition des témoins passe donc par les lieux, mais également par l’innovation mémorielle, numérique mais aussi artistique. Les appels à projets « Commémorer autrement » et « Services numériques innovants » que j’ai lancés permettent de répondre à cette attente, comme l’action de valorisation de nos lieux de mémoire, les visites théâtralisées, les résidences d’artistes, les salles numériques consacrées aux témoins…
Je veux également citer les concours scolaires, bulles de mémoire et les petits artistes de la mémoire, qui permettent également d’explorer de nouvelles manières, de transmettre aux plus jeunes.
La transmission mémorielle est protéiforme. Des vecteurs comme les réseaux sociaux sont source d’opportunités. Ils permettent, en complément du lieu et du témoin, de faire vivre la flamme.
Il a lutté contre le défaitisme ambiant et a soulevé les énergies. Quelles leçons pouvons-nous tirer de l’action et l’œuvre de Georges Clémenceau au cours de cette guerre ?
Une première leçon déjà. Clemenceau, le maire d’arrondissement durant la commune, siégeant à l’extrême gauche de l’hémicycle, anticlérical et radical dans bien des domaines, rassemble quarante ans plus tard les énergie pour permettre à la France de vaincre. Il y a une ligne qui était déjà la sienne durant la commune, le patriotisme, mais il y a également une extraordinaire leçon d’homme d’Etat.
Une seconde leçon, c’est celle que vous évoquez. Clemenceau prend les rênes du pays dans un moment de crise profonde alors que l’allié russe s’effondre et que des mutineries, certes limitées mais symptomatiques, apparaissent. Notre pays, notre peuple, s’il a traversé des crises menaçant jusqu’à son existence, sait le plus souvent en tirer le meilleur. Clemenceau en fut un témoin et un acteur majeur.
Troisième leçon, qu’il ne faut pas oublier, et que je ne n’oublie pas comme ministre en charge des anciens combattants, est que Clemenceau est celui qui formula avec le plus de clarté la dette que notre pays a envers ceux qui risquent et donnent leur vie pour elle.
Quelles commémorations sont prévues et que représentent-elles en 2021 pour les Français ?
La journée nationale commémorative du 11 novembre est dédiée à tous les morts pour la France de tous les conflits, de la guerre de 1870 aux opérations extérieures. C’est donc aussi la fête d’une continuité de notre mémoire nationale. Les anciens tendent la mains à ceux qui, aujourd’hui, luttent contre des groupes terroristes notamment au Sahel en empêchant que, par extension, ces derniers frappent demain le continent européen.
Ce 11 novembre est très particulier car nous avons perdu le dernier compagnon de la libération, Hubert Germain. Après avoir rendu hommage à l’homme, notamment au combattant, aux Invalides, nous rendrons au dernier compagnon de la libération qu’il était. À l’Arc de Triomphe, d’abord, puis au Mont Valérien où il sera inhumé conformément à la volonté du général de Gaulle. Mais la flamme de la résistance et de ses valeurs ne s’éteindra pas pour autant, je suis très confiante sur ce point.
Quelles sont les grandes figures de 14-18 à mettre en avant auprès de jeunes en recherche d’incarnation et d’exemples ?
Les grands chefs qui n’ont jamais ensuite trahi ce pour quoi ils se battaient, Clemenceau le premier, bien sûr. Mais la victoire de 1918 est celle de tous les soldats français et alliés, connus ou anonymes. Nous n’avons pas de panthéons des anonymes alors que beaucoup le mériteraient.
Ce que nous avons, c’est la figure du soldat inconnu. Ce soldat inconnu représente tous ces poilus qui ont tenu le coup dans le bois des Caures, dans des conditions inhumaines sous les ordres du colonel Driant durant les premiers jours de la bataille de Verdun. Il est ces soldats venus de métropole mais également d’Outre-mer pour défendre et libérer le territoire… Tous, à travers lui, méritent leur place dans nos mémoires.