1924 - 2024 : 100 ans de combats pour la démocratie
Ce 15 novembre 2024, le Mouvement Démocrate célèbre les 100 ans de la fondation du PDP (Parti Démocrate Populaire), le premier parti démocrate.
Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient.
L'histoire du centre témoigne d'une cohérence sur les grands enjeux. Les valeurs démocrates, à travers le temps, sont sensiblement les mêmes que celles établies dans le programme du Centre des Démocrates Sociaux de 1976, L'Autre solution, les mêmes que celles portées par François Bayrou depuis 2002 : la démocratie - combinaison de liberté et d'égalité - l'esprit de pluralisme, le goût de la délibération, le refus des clivages stériles, la modération. Ces valeurs s'accordent au tempérament centriste : indépendant, pondéré, pragmatique. Et courageux, pour reprendre le titre du récent essai de Jean Birnbaum, Le courage de la nuance (Seuil, 2021). Dans notre histoire, des modérés éclairés comme Benjamin Constant ou Germaine de Staël étaient également des passionnés. Plus qu’un courant, le centrisme est une disposition d’esprit, une propension à rechercher la discussion, l’échange.
1924, pierre de touche de la politique centriste ?
Les précurseurs sont antérieurs : l'épisode fameux du baiser de Lamourette en 1792, et surtout la philosophie de Marc Sangnier. En 1898, ce dernier décide de consacrer sa vie à l'éducation populaire. Dans le cercle d'études sociales, des personnes d'origines très diverses se réunissent : étudiants, bourgeois, ouvriers. En 1901, les instituts populaires se développent. A plus grand échelle, ce sont les meetings, et la création d'une revue, Le Sillon, en 1894. Il s'agit, pour les rédacteurs, d'"aller au vrai avec toute son âme", selon les mots de Platon. Si la revue a son siège boulevard Raspail, le mouvement s'étend à la province. François Bayrou aime à citer la définition que Marc Sangnier donne de la démocratie :
L'organisation sociale qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité civique de chacun.
Les démocrates, ce sont les hommes qui ont la conscience et la responsabilité d'eux-mêmes et qui ont, collectivement, conscience et responsabilité de la cité.
Mais cette année 1924 est marquante pour une raison forte : pendant 20 ans, de 1924 à 1944 - où apparaîtra le MRP (Mouvement Républicain Populaire, parti de résistance et de liberté) - le PDP installera la marque centriste au cœur des institutions républicaines, en affirmant sa singularité : un parti laïque, non confessionnel, mais habité par les questions spirituelles et l'ambition humaniste. La naissance du PDP se situe au croisement des traditions catholique libérale, catholique sociale et démocrate-chrétienne. La question est : quel peut être le rôle des chrétiens dans la vie politique moderne ? Désavoué par le pape Pie X, Marc Sangnier avait créé en 1912 la Ligue de la Jeune République, qui prolonge le Sillon et dont les membres seront nombreux à rejoindre le PDP après-guerre. Des hommes comme Cornilleau, Alfred Bour, Georges Thibout, seront parmi les éléments moteurs de la création du PDP. Le parti, non confessionnel, se fait le défenseur d'une laïcité apaisée qui correspond à la neutralité de l'État. Le PDP, dès 1929, défend "l'actionnariat du travail", c'est-à-dire une participation des salariés à la vie de l'entreprise et un intéressement au bénéfice.
Durant sa phase ascendante (1928-1932), le PDP affermit sa structure, développe des fédérations et entame une action par la presse (ici et là). En 1932, le PDP est à l'initiative d'une loi rendant les allocations familiales universelles.
Le centre, une morne plaine ?
Tout au contraire : du heurt des idées naît la force qui pousse à l’action. On se souvient que Jean Lecanuet, en 1966, aimait à parler de « force de mouvement » pour qualifier le centre, tandis que Valéry Giscard d’Estaing déclarait la même année :
Le centrisme exprime une certaine manière d’appréhender les problèmes, caractérisée par le refus des extrêmes et le choix délibéré de l’action.
On discerne sans difficulté ce qui distingue le centre d’une droite nationaliste et autoritaire ou d’une gauche néo-marxisante : l’attachement à une démocratie de participation et de dialogue qui préserve les valeurs libérales, la décentralisation, la construction européenne qui dépasse les égoïsmes nationaux, un réformisme social conduisant l’état à corriger, au bénéfice des plus faibles, certains effets de la liberté du marché.
Existe-t-il une culture politique centriste ?
Oui, et même des lignes de transmission, transversales. Le centre constitue un creuset, d’où l’intérêt général et la raison peuvent et doivent sortir. Il ne s’agit pas d’adhérer aveuglément au progrès sous toutes ses formes, mais d’exercer un juste discernement.
Ainsi, au Mouvement Démocrate, l’esprit de résistance d’un Georges Bidault, matrice du MRP, a imprimé sa trace. Le catholicisme social de Marc Sangnier constitue aussi un legs précieux. Tout comme la résistance à la tyrannie de la majorité de Tocqueville. Et comme l’esprit européen, transnational et humaniste. Plaçant l’être humain au centre des préoccupations, cet humanisme s’est d’abord développé dans le personnalisme et trouve aujourd’hui son prolongement naturel dans l’inquiétude écologique. Aristide Briand, à la source des idées de laïcité et du rapprochement franco-allemand, ou Robert Schuman, animé par une foi dans l’Europe, sont des figures tutélaires. Car le centre ne vise pas à générer une idéologie ou un corps de doctrine. C’est un tempérament bien trempé, libre, qui résiste aux étiquettes. L'esprit profondément libre et audacieux de Marielle de Sarnez a marqué l'histoire du mouvement. L'aventure européenne, la réflexion sur nos liens avec l'Afrique, ont été au cœur de ses combats. Et de l’UDF au Mouvement Démocrate, c’est aussi et surtout la vision d’un homme, François Bayrou, convaincu que l’intelligence s’aiguise et se développe au contact des autres, véritable force collective.