Christophe Grudler : "Le nucléaire est la seule énergie de masse, pilotable et décarbonée."
Christophe Grudler, Député européen, s'exprime sur l'accord conclu au Parlement Européen sur la mise en place d'une taxonomie verte européenne. Interview.
En quoi consiste l’accord qui a été conclu sur la taxonomie verte européenne ?
Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’Union européenne a lancé le Pacte Vert européen, un paquet de mesures qui concerne tous les secteurs économiques. Néanmoins, cette transition a un coût, et les États membres ne peuvent pas seulement se contenter d’argent public.
Tout l’enjeu pour l’UE est donc d’attirer les investissements et de les diriger vers des activités durables.
C’est pour cela que l’Union européenne a édifié une « Taxonomie », qui recense toutes les activités qui contribuent à améliorer la durabilité de notre économie, afin de mieux guider les investissements privés et donc permettre la décarbonation de l’Europe. On a récemment beaucoup entendu parler de cette taxonomie, car aux côtés des énergies renouvelables, la Commission a prévu d’intégrer de manière transitoire et sous conditions strictes le nucléaire et le gaz naturel.
Concernant le gaz naturel, il ne s’agit pas ici de le labelliser comme une énergie « verte », mais plutôt comme une énergie de transition, qui peut servir à certains pays pour arrêter le charbon, qui lui est encore plus polluant.
Quel intérêt pour le nucléaire dans la transition énergétique ? Pourquoi est-il important selon vous d’intégrer le nucléaire dans cette taxonomie européenne ?
Le nucléaire est une énergie décarbonée : il produit seulement 4g de CO2 par kWh sur l’ensemble du cycle de vie. C'est donc très proche, par exemple, de l’énergie éolienne (14 gCO2/kWh).
C’est pour cela que dès 2018, la Commission européenne soulignait la nécessité d’avoir au moins 15% de nucléaire dans le mix énergétique, pour atteindre nos objectifs climatiques d’ici 2050.
Plusieurs scénarios comme ceux publiés par RTE confirment le rôle essentiel du nucléaire dans la transition énergétique pour respecter nos ambitions climatiques, car il permet de compenser l’intermittence des énergies renouvelables quand cela est nécessaire.
Grâce à la taxonomie, les entreprises européennes du secteur nucléaire pourront continuer à être financées, et ne pas être marginalisées. Ces investissements permettront aussi de travailler sur la problématique des déchets, afin de trouver des solutions durables pour les retraiter.
Quel est l'impact de cette taxonomie sur les objectifs environnementaux ?
Il faut bien avoir conscience qu’en Europe, chaque pays possède un mix énergétique différent. Si en France notre électricité provient majoritairement du nucléaire, ce n’est pas le cas de tous les pays. Dans l’est de l’Europe, il y a une forte dépendance au charbon par exemple.
Labelliser le gaz et le nucléaire permettra à ces États d’abandonner plus rapidement le charbon au profit d’énergies moins polluantes !
Le but, rappelons-le, est de réduire de 55% nos émissions de CO2 d’ici 2030. Il ne faut pas perdre de temps, chaque progrès est bon à prendre !
Pourquoi ce sujet devrait-il dépasser les clivages politiques selon vous ?
Avec la guerre en Ukraine, nous avons véritablement pris conscience de notre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, mais aussi au niveau technologique. Être autant dépendant d’un pays n’est pas dans notre intérêt ni dans l’intérêt stratégique de l’UE. Nous devons être en mesure de garantir une sécurité d’approvisionnement en énergie.
Aujourd’hui, nous pouvons faire un constat : le nucléaire est la seule énergie de masse, pilotable et décarbonée qui assure une stabilité de l’offre d’électricité. Ce constat doit, je crois, pouvoir dépasser les clivages politiques.
L’acte délégué a été monopolisé par les débats dogmatiques sur le nucléaire, et cela est très dommage. La vraie question est comment produire une énergie moins émettrice de CO2, tout en devenant plus autonome énergétiquement. Et là, aux côtés des renouvelables, le nucléaire est une des solutions les plus pertinentes, et nous devons l’utiliser, c’est ma conviction !