François Bayrou, invité dans BFM Politique
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Jean-Baptiste Boursier sur BFM TV ce dimanche 15 janvier à 12h00, dans l'émission “BFM Politique”.
Monsieur Bayrou, évidemment, la réforme des retraites va occuper une large partie de nos échanges. Aujourd'hui, je vais commencer avec un élément simple et Philippe Gaudin le rappelait dans son journal, près de sept Français sur dix, nous dit l'Ifop ce matin pour le JDD, sont contre la réforme des retraites. Les Français, Monsieur Bayrou, ils n'en veulent pas ?
La question est, est-ce que l’on peut vivre sans réforme des retraites ? Est-ce qu'on peut continuer sur l'équilibre, enfin le déséquilibre actuel ? Est-ce que c'est vivable ? Est-ce que c'est durable ? Est-ce que c'est tenable ?
Et c'est sur ce point que je crois vraiment qu'on doit faire la démonstration précise, donner des éléments à chacun des citoyens, pour qu'ils se fassent eux-mêmes leur propre opinion.
Donc vous pensez que si on leur explique plus, ils seront moins hostiles ?
Oui, parce qu'ils sont responsables. Moi je crois profondément à une société plus démocratique que j'appelle de coresponsabilité. En France, depuis des années, des siècles, on s'est habitué à ce que ce soit, vieille culture monarchique, le sommet qui décide et la base qui subit.
Comme s'il ne s'agissait pas de citoyens mais de sujets. Alors peut-être suis-je idéaliste mais je veux bien accepter d'être idéaliste, je plaide pour qu'on ait au contraire un travail, un effort de coresponsabilité, pour que chacun des citoyens ait les moyens de se faire une opinion.
Alors, je vais vous donner des chiffres simples qui ont été établis par le Plan dans un rapport que vous avez lu à la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre, et ce rapport est très simple : les retraites, les pensions versées à tous les Français coûtent 345 milliards au système de retraite.
Sur ces 345 milliards, l'Etat en verse, écoutez bien, 143. Alors que les fonctionnaires de l'État représentent à peu près 20 % de tous les salariés. Et vous voyez donc que l'État, ayant 20 % des salariés, verse plus de 40 % des ressources du système de retraite. Alors il y a des versements qui sont absolument légitimes, absolument normaux. Par exemple, si les fonctionnaires sont des salariés qui doivent avoir une retraite, l'Etat verse sa quote-part du système de retraite, ça fait 25 milliards.
Mais Monsieur Bayrou, pardon, mais cet argument ça fait plusieurs semaines, plusieurs mois que le gouvernement le dit sur les plateaux. Ça ne fonctionne pas et les Français continuent à être très majoritairement opposés à cette réforme.
Excusez-moi, je crois que ces arguments n'ont pas été donnés clairement à tous les Français. La preuve, c'est qu'il y a un très grand nombre de citoyens et de responsables qui disent comme un mantra, comme une répétition de chaque minute, qui disent "Mais la réforme est inutile et elle n'est pas urgente, puisque notre système de retraite est équilibré et même certains disent excédentaire".
Mais c'est le rapport du COR, le Conseil d'Orientation des Retraites, qui dit que l'excédent est de deux milliards d'euros...
Pas du tout, l'excédent était de 900 millions dans la précédente livraison du rapport.
Les chiffres que nous avons avancés, qui sont les chiffres mêmes du COR que le Plan a analysés, que personne ne contredit, vous n'avez pas entendu une contestation de ces chiffres. Ces chiffres sont que, au-delà des cotisations légitimes que je décrivais, au-delà des compensations, quand l'État dit aux régimes de retraite, vous allez donner des avantages familiaux, par exemple, c'est normal qu'il compense puisque c'est lui qui décide. Ça, ça représente à peu près 90 milliards et il reste 30 milliards.
30 milliards, les chiffres, les mots, passent si vite qu'on a l'impression que c'est pas beaucoup. 30 milliards, c'est 30 000 millions d'euros chaque année qui sont versés par le contribuable. Pire encore, ou plus grave encore, ou plus déterminant encore, qui sont mis à la charge des générations futures parce qu'on les emprunte.
Donc ce que vous dites Monsieur Bayrou, c'est qu'il faut absolument réformer ? Qu'il y a une urgence et qu'il n'y a pas le choix ?
Oui et qu'il faut aller à peine un peu plus loin que ce que je viens de dire. Contrairement à ce qui est avancé, les régimes ne sont pas équilibrés, l'Etat les subventionne à hauteur de plus de 30 milliards. Et ce que décrivent les rapports que vous indiquez, c'est très simple, c'est que la situation va se détériorer, d'entre 10 et 15 milliards.
Alors Monsieur Bayrou, je pousse votre raisonnement jusqu'au bout du bout du bout. Imaginons, le gouvernement prend le temps de faire la pédagogie des semaines, des mois s'il le faut. Et pourquoi ne pas proposer ça au référendum ensuite ? Pourquoi ne pas dire aux Français qui ne sont pas des sujets mais qui sont bien des citoyens coresponsables ?
Vous me prenez dans le sens du poil parce que j'ai toujours plaidé pour que cette réforme soit un jour, si on voulait qu'elle soit acceptée sans difficulté, la thèse que j'ai défendue comme citoyen, comme candidat à l'élection présidentielle, à chaque élection présidentielle où j'ai proposé un projet pour les Français, il y avait cette idée qu'au bout du compte, si chaque Français a le sentiment ou la certitude que cette réforme, elle n'est pas faite pour des intérêts du gouvernement, ni pour des intérêts de la majorité, ni pour des intérêts idéologiques, ni pour des intérêts de classe, elle est faite pour sauver le système de retraite. À ce moment-là, oui, il aurait été logique qu'elle soit ainsi proposée au référendum.
Pourquoi le gouvernement n'a pas suivi cette idée ?
D'abord parce que le gouvernement a le droit d'avoir sa propre vision et pas la mienne. Je pense que chacun prend sa responsabilité. Je suis pour une société de coresponsabilité. Alors je trouve que entre le gouvernement qui a la responsabilité de l'exécutif, et qui l'exerce, je crois de la manière la plus sérieuse possible, entre le Président de la République qui donne l'impulsion...
Mais vous lui parlez, on sait que vous échangez avec Monsieur Macron, ça veut dire que vous lui avez suggéré cette idée de proposer un référendum ?
Il y a des années que ce sujet occupe, bien entendu, les conversations et la réflexion des responsables de la majorité. Il demeure que c'est le gouvernement qui prend ses responsabilités. Et si vous interrogez tous les responsables politiques, je me mets de côté, ils disent tous "Mais un référendum, c'est pas sérieux, on est sûr de le perdre". Moi, je ne le crois pas.
Juste sur le référendum, ça pourrait être une porte de sortie si d'aventure il y avait blocage du pays, est-ce que le gouvernement pourrait dire "Écoutez, on vous a entendu, donc on soumet ça au référendum", est-ce que ça peut être une carte que le gouvernement aurait ?
On n'en est pas aux portes de sortie, on n'est même pas à la porte d'entrée. Donc on va avoir un débat parlementaire, on va avoir sûrement des tensions dans le pays, on va voir ces moments de confrontation, après il va y avoir d'autres étapes sur lesquelles on reviendra.
Alors, justement, Monsieur Bayrou, on va s'arrêter là-dessus un moment si vous le permettez, la porte d'entrée, il y a déjà du monde devant. Donc les Français, nous l'avons évoqué, et les syndicats ?
Oui, pour la première fois depuis douze ans, le front syndical est uni malgré les semaines, les mois de concertation. Ça veut dire que ça n'a servi à rien, Même les semaines supplémentaires que vous aviez appelées de vos vœux au mois d'octobre, ça n'a servi à rien, tous les syndicats sont contre ?
Je ne crois pas du tout ça, je crois exactement le contraire, je vais essayer de vous le montrer. Ça a servi à deux choses ou à deux éléments essentiels. À mon sens, ça aurait pu servir à trois choses parce que ces trois ou quatre mois supplémentaires, qu'en effet j'avais proposé et qui ont été décidés, ils ont servi d'abord à des concertations approfondies, les discussions approfondies avec les syndicats sur des sujets essentiels, les carrières longues, la pénibilité. On reviendra sûrement sur ces aspects-là. Et tous les syndicats, sans exception, ont dit que ça avait été utile.
Mais les positions n'ont pas changé.
Attendez, les positions n'ont pas changé sur l'âge. Mais ce projet est un projet qui est beaucoup plus large que l'âge, et il faudra d'ailleurs qu'il le soit dans la réalité.
Laissez-moi aller au bout. J'ai dit trois éléments, un les concertations, les discussions qui ont eu lieu avec des syndicats. Deux, probablement l'élément le plus important. On a évité le risque, incroyable pour moi, insupportable, qui était que les Français aient le sentiment que l'on soit dans une réforme dissimulée, brutale, à la sauvette, par un amendement déposé un soir, qu'on se mettait dans la situation de prendre à revers ou de prendre par surprise l'opinion.
Ça, à mon sens, ça aurait été une rupture de ce contrat de confiance démocratique dont on a besoin. Une troisième chose qui aurait pu être cultivée à cette occasion, c'est de faire cette pédagogie profonde avec les chiffres précis, les données précises, les éléments précis de démographie. Vous trouverez aussi, pour ceux que ça intéresse, le rapport sur la démographie du plan. Je dis à tous ceux que ça intéresse : les rapports sur les chiffres sur les retraites aussi bien que sur la démographie, vous allez sur le site du Haut-Commissariat au Plan, et vous allez avoir tous ces rapports précis.
La question de la pédagogie, on va y revenir. Mais pour reparler des discussions avec les syndicats, notamment pendant ce mois de délai que s'était octroyé le gouvernement, l'exécutif avait tout misé sur la CFDT en disant que malgré un désaccord sur l'âge, Laurent Berger va quand même saluer des avancées. Ce n'est pas le cas, il a redit qu'il n'y aurait pas de deal, qu'est-ce qui n'a pas marché avec la CFDT ?
Il a salué les avancées. Alors un mot sur la démocratie sociale. Moi je considère que le projet de la France, le projet républicain et démocratique du pays, impose un dialogue avec les organisations syndicales et une organisation du pays qui prend en compte ce dialogue-là. Je ne considère pas du tout les syndicats comme des emmerdeurs. Parfois, ils prennent des décisions que je ne peux pas approuver, ce qui s'est passé à Noël avec le blocage des trains et qui a empêché un très grand nombre de gens et de gens seuls d'aller voir leur famille, j'ai trouvé que ça n'était pas juste.
En l'occurrence les contrôleurs. Ils ont fait ça sans les syndicats.
Oui. Vous voyez bien qu'on dit la même chose, si on avait une démocratie sociale qui fonctionne, ce type de dysfonctionnement ne serait pas arrivé. Mais sur le fond et en règle générale, je considère qu'une organisation syndicale est utile.
À l'intérieur de cette organisation des syndicats, il y a une sensibilité qui est très importante selon moi pour l'avenir du pays, c'est ce qu'on appelle les réformistes.
Ca c'est la CFDT...
Pas seuls. L'UNSA appartient à cette sensibilité. Par moments, et selon les selon les sections, d'autres syndicats peuvent être de cette sensibilité. C'est une sensibilité qui pense qu'on n'est pas obligé de tout résoudre par l'affrontement et le conflit dans un pays.
Là, ils appellent tous à l'affrontement et au conflit et ils appellent tous au blocage. Et ils exhortent les Français à descendre dans la rue. Ils espèrent un million de personnes, comme en 95. Vous vous en souvenez, vous étiez ministre de l'Éducation dans le gouvernement à cette époque. En 95, Juppé avait reculé. Est-ce que vous pensez qu'on va avoir la même situation ?
Non, je pense que la mobilisation, c'est dans l'ordre des choses. Quand vous avez des grands sujets sur lesquels il y a des désaccords, c'est dans l'ordre des choses. Vous avez employé un mot qui n'est pas juste, vous avez dit "Ils appellent tous à bloquer le pays". Ce n'est pas vrai. Personne n'appelle à cela, ils appellent à une journée d'action.
Monsieur Bayrou, les syndicats ne veulent pas bloquer un jour, ils veulent que le mouvement soit durable et ils veulent qu'il dure jusqu'au retrait du texte.
C'est comme ça qu'une société démocratique fonctionne. Est-ce que c'est fondé ? C'est ça la question. Et c'est pourquoi je plaide pour cette pédagogie.
Mais est-ce que vous voyez les mêmes ferments qu'en 95. Je rappelle une nouvelle fois, vous étiez au gouvernement, vous étiez aux affaires. Vous vous souvenez bien de ce qui s'est passé ? Est ce que vous voyez les mêmes éléments ? Est ce que vous présentez les mêmes choses ?
Pas vraiment. Il y a une différence essentielle, c'est qu'en 1995, comme vous vous en souvenez, Jacques Chirac avait été élu sur le thème de la fracture sociale, sur le thème de l'attention à ces difficultés que les gens rencontraient dans leur vie.
Ici, Emmanuel Macron a été élu en affichant clairement qu'il y avait une réforme des retraites indispensable. Et il avait même avancé 65 ans. Ce n'est pas la même chose.
Et puis, comment je peux dire ça, je pense que dans les tréfonds de la société, l'idée que comme on vit plus longtemps, comme il va y avoir moins de gens qui vont travailler en raison de la démographie et que les retraites prennent une part très importante de la production nationale, alors forcément il faudra qu'on trouve un nouvel équilibre, je crois que cette idée a diffusé, même si je le répète, les éléments précis n'ont jamais été donnés à la société, aux citoyens dans leur ensemble.
Rapidement, quand Olivier Véran explique, je cite, que l'exécutif ne se projette pas dans l'idée d'une mobilisation massive, est ce qu'il y a un peu d'excès de confiance du côté du gouvernement ?
Non, je ne suis pas là pour faire le censeur des déclarations des uns et des autres. Mais vous n'avez pas entendu dans ma bouche la même déclaration. Je pense que ce sont de grands sujets parce qu'ils ne touchent pas seulement à des décisions générales. Ils touchent à des décisions qui ont un impact sur la vie de tout le monde.
C'est la raison pour laquelle on peut, je l'ai dit, réfléchir à des améliorations ou à des précisions sur le texte.
Sur les petites retraites. Inquiétudes ce matin, traduites par Aurélien Pradié, député les Républicains. Il en fait d'ailleurs une ligne rouge. Les pensions minimales, la revalorisation des petites retraites. Je précise à ce sujet que 1 200 € bruts, le chiffre qui est donné, ce n'est pas pour tout le monde, c'est pour tout le monde à taux plein. Donc les gens qui n'ont pas le taux plein de cotisations, ils n'auront pas de 1 200 €, il y aura une revalorisation mais elle ne sera pas de l'ordre de 1 200 € brut à la fin. Est-ce que sur les petites retraites, le gouvernement en fait assez, est assez précis, est assez concret ?
Il y a des précisions à apporter : la date, le financement, la prise en compte, la différence, combien représentent en net 1 200 € bruts, ça fait 1150 € à peu près, quelque chose de cet ordre. Ce sont des précisions à apporter. Je crois que la période qui s'ouvre doit être utile de ce point de vue.
Alors, comme vous le savez, elle aurait dû être utile dans un débat à l'Assemblée nationale. Parce que les trois semaines qui vont être prises à l'Assemblée nationale auraient dû donner lieu à des discussions approfondies sur chacun de ces points. Il se trouve qu'une partie des oppositions a décidé de bloquer le débat, de bloquer l'Assemblée nationale. Moi, je trouve que c'est une mauvaise idée. Je vois très bien pourquoi ils le font. Ça s'appelle de la flibuste, du flibustering en anglais.
C'est absolument classique, on mobilise tous les artifices et notamment le dépôt de dizaines de milliers d'amendements, et comme il faut cinq minutes par amendement...
Et le gouvernement a décidé de rendre le temps de 50 jours maximum dans un texte budgétaire, et utilisation du 49-3 possible...
Ce n'est pas une décision du gouvernement, c'est la Constitution.
Nous allons marquer une petite pause et on revient en direct dans un instant. Tradition cette année dans l'émission, je montrerais trois photos également au retour de pub, et derrière chaque photo, il y aura une question d'actualité.
BFM Politique avec François Bayrou qui est notre invité ce midi, comme d'habitude à 12h30, Monsieur Bayrou, je vais faire apparaître trois photos. Derrière chaque photo, il y a une question liée à l'actualité. Vous allez voir apparaître le palais de l'Elysée, des trottinettes et le portrait de Noël Le Graët. Quelle première photo choisissez-vous ?
C'est vous qui choisissez.
Ah non, c'est vous ! C'est ça le concept.
Le palais de l'Elysée. Qu'est-ce que vous voulez me demander sur le palais ?
Eh bien, il y a un proche du pouvoir cité dans la presse cette semaine qui estime que vous préparez, je le cite, votre coup pour 2027. Est-ce que vous y pensez toujours, à la présidence de la République ?
S'il y a un seul responsable politique qui ne pense pas à l'élection majeure, on se demande ce qu'il fait dans cet engagement. C'est là comme vous le savez bien, que tout se joue. Est-ce que c'est pour moi, à titre personnel, une obsession de chaque matin ? Non. Est-ce que, cela dit, c'est un engagement écarté ? Non.
J'ai été candidat trop jeune, à certaines époques, à la présidence de la République. On a même failli réaliser ce qui a été réalisé en 2017 avec Emmanuel Macron, on a failli le réaliser en 2007. Je suis pleinement engagé dans la question de l'avenir du pays.
Est-ce que vous avez le bon âge, éventuellement en 2027, vous dites que vous étiez trop jeune ?
Vous savez bien, aujourd'hui, si vous regardez tous les pays du monde sans quasiment aucune exception, tous ont des présidents de la République qui sont ou du même âge ou plus âgés que moi. Lula vient d'être élu au Brésil, il est, comme vous savez, d'une génération un peu antérieure à la mienne.
Ça vous rend optimiste ?
Non, ce n'est pas ça la question. La question est, est-ce que vous avez le sentiment que la vision que vous avez peut être utile à une nouvelle étape du pays, utile dans une fonction, utile dans un engagement. J'ai toujours eu ce sentiment.
Et ça veut dire que s'il y a un trou de souris, vous irez.
Non, je ne parle pas comme ça, parce que ça c'est l'obsession, c'est dire "Mais voyons comment on va faire pour dégager...". Je n'ai pas cette obsession.
Mais vous n'excluez pas d'être à nouveau candidat à la présidence de la République ?
Je n'exclus jamais rien.
Il nous reste deux photos, Monsieur Bayrou, des trottinettes et Noël le Graët.
Dans cet ordre, les trottinettes. Moi je suis comme tout le monde, je trouve ça parfois ou souvent extrêmement agaçant et dangereux.
Alors je vous pose quand même ma question : la maire de Paris, Anne Hidalgo, va organiser une votation sur les trottinettes, donc en libre-service. Elle souhaite, il faut dire les choses elle le dit elle-même, elle souhaite les voir disparaître. Donc vous êtes vous-même le maire d'une ville. Est-ce que vous êtes pour ou contre ces trottinettes en libre service ?
Nous n'en avons pas à Pau. C'est un début de réponse.
Allez, reprenons le fil de nos échanges si vous voulez bien, sur les retraites, cette réforme qui arrive. Parmi les pistes que vous avez avancées, vous dans le débat, il y avait l'augmentation des cotisations patronales. Le gouvernement vous répond clair et net, ça casserait l'emploi.
Oui, je ne crois pas ça du tout. Je vais essayer de vous le montrer. D'abord, c'est un geste qui montrerait qu'on sort du cycle infernal dans lequel on est engagé : des retraites payées par les générations futures. C'est quand même un truc complètement dingue.
Vous vous arrêtez une seconde. Il y a des choses qu'on peut partager avec les générations futures. Si vous construisez une université, un hôpital, des écoles, des réseaux routiers ou ferroviaires, il est légitime de le partager avec les générations futures, c'est-à-dire d'emprunter et qu'on répartisse la charge sur les générations futures parce qu'elles vont s'en servir.
Mais faire payer les retraites d'aujourd'hui par ceux qui sont au début de leur carrière, dans 10 ans, dans 20 ans, et leur mettre cette charge sur le dos, pour moi, c'est moralement inacceptable. Et donc, il faut, il faut sortir de ce cycle. C'est la raison pour laquelle ce que je plaide, c'est qu'on ait un plan de retour progressif à l'équilibre, pas seulement l'effacement des déficits futurs, ce qu'on est en train de faire et c'est déjà pas mal, mais l'effacement des déficits actuels aussi, donc dans un plan progressif.
Ce plan progressif, comment peut-on faire pour y arriver ? Premièrement, l'arme principale, c'est le plein emploi. C'est pour ça que le gouvernement a raison de travailler sur ce sujet. Deuxièmement, des progrès de productivité pour le pays, c'est très important aussi, et plus de personnes au travail, et notamment que les seniors ne soient pas éjectés du travail.
Parce que pour l'instant, on n'est pas bon sur le sujet.
On est les derniers, donc très gros travail. Et si une participation modeste des entreprises peut donner aux Français le sentiment de justice sur ces affaires...
Alors pourquoi le gouvernement dit que vous avez tort ?
Mais je vous dis, on a droit à la nuance, on a droit à des différences.
Je vous dis une chose, qu'est-ce que ça représente ? Les retraites, les cotisations des entreprises sur les retraites, c'est 16,5% de la masse salariale. Mais il y a aussi tout ce qui touche à la sécurité sociale. Ce qui veut dire que cette partie, cette augmentation de 1% des cotisations patronales, ça doit représenter entre 0,5 et 0,7% de la masse salariale qui va augmenter cette année de 5%. C'est le dixième de l'augmentation de la masse salariale cette année.
Je ne considère pas que ce soit un attentat contre l'avenir du pays, l'avenir des entreprises, l'économie. Je pense que c'est un des moyens, j'en ai cité quatre ou cinq devant vous, un des moyens de revenir à un équilibre progressif du système de retraite.
En l'état actuel des choses, dans la copie du gouvernement, certains devront travailler 44 ans contre 43 ans pour les autres. Les Républicains demandent à ce que ce soit corrigé dans le texte. Est ce que c'est votre avis aussi ?
C'est le débat parlementaire qui va le dire. C'est intéressant qu'il y ait un débat parlementaire. Il y a encore une idée qui est sans doute intéressante dans ces débats, c'est qu'on ait un point de rendez-vous dans plusieurs années, ce qu'on appelle la clause de revoyure, c'est-à-dire on dit dans quatre ans, on fera le bilan, on verra où on en est.
Mais du coup est-ce que ça ne revient pas à faire faire des réformes tous les cinq ans à la fin ? Que les Français se retrouvent tous les cinq ans inquiets ?
C'est une question très intéressante. Là encore, c'est une idée minoritaire, mais je défends des idées minoritaires assez souvent avec l'idée qu'une idée minoritaire peut se retrouver majoritaire un jour, et que la plupart du temps, si vous voulez devenir majoritaire, il faut commencer minoritaire.
Je pense qu'il faudrait trouver une nouvelle gouvernance de notre système de retraite. Ce n'est pas normal qu'on aille de crise en crise, de crispation en crispation, d'affrontement en affrontement. Je le répète : alors qu'il s'agit d'un sujet d'intérêt général.
Ça veut dire par exemplequ'on aurait un système qui évolue seul, on dirait tous les dix ans...
Je vais prendre un exemple, ce système existe pour les retraites du privé, qui elles sont équilibrées. Je dis ça au passage parce que l'Agirc-Arrco a un conseil d'administration entre les mains des partenaires sociaux. Et là ils n'ont pas fait grève, ils ont pris les décisions nécessaires. Les syndicats ont pris ensemble, avec le patronat, les décisions nécessaires pour que le régime de retraite du privé soit équilibré.
Vous ne trouvez pas que ça met au milieu de la table un modèle qui mérite qu'on s'y arrête une seconde. Vous êtes dans une situation dans laquelle on est incapable de faire une réforme, mais les principaux acteurs de la démocratie sociale, en situation de responsabilité, eux ont fait ces réformes-là.
Sur la question, François Bayrou, de cette réforme, on voit qu'il y a un deal qui est annoncé entre le gouvernement et les Républicains. Ils ont été reçus à plusieurs reprises par Elisabeth Borne. C'est quoi ? C'est la réforme Eric Ciotti, comme le disent Les Républicains ? Est-ce que ça vous agace qu'il y ait cet accord ? Et que tout cela penche clairement à droite ?
Ça, c'est quand vous êtes dans le bocal politique qu'on dit ça...
Vous êtes un peu dans le bocal aussi ? En l'occurrence ça a donné des mesures concrètes dans le texte ?
Plus ou moins, et de plus en plus éloigné du bocal. C'est ça le privilège de l'expérience dont vous parliez à l'instant. Quand vous êtes dans le bocal politique, vous dites "Mais voyons, le gain est pour qui ?", mais vous ne vous rendez pas compte que la société française tout entière se fout de savoir, pardon de la vulgarité de mon expression, se fiche de savoir pour qui est le gain.
Mais vous qui prônez et qui avez prôné le dépassement des clivages, ça ne vous pose pas de problème qu'il y ait un accord entre le gouvernement et la droite sur ce sujet ?
Et pas seulement avec la droite. J'espère que d'autres vont s'y intéresser. Vous dites "Vous avez prôné le dépassement des clivages", on y est. C'est précisément pourquoi je trouve que cette démarche d'intérêt général, qui peut faire discuter avec d'autres, vous croyez pas qu'il y a des membres du Parti socialiste, nombreux, qui pensent la même chose ? La réforme Touraine, réforme du gouvernement socialiste qui avait été votée et qui va être accélérée en partie, cette partie de l'opinion savait bien qu'il fallait faire la réforme.
Encore une fois, ce n'est pas une réforme pour le gain de quelques-uns, c'est une réforme pour tout le monde. Et plus il y a de gens qui participent à une réforme d'intérêt général, plus je trouve que c'est légitime, justifié, et d'une certaine manière rassurant.
Monsieur Bayrou, d'autres sujets occupent évidemment l'actualité. Dans un rapport qui sera publié demain, Claire Hédon, qui est la Défenseure des droits affirme que la réponse des pouvoirs publics n'est pas à la hauteur des atteintes dénoncées dans les EHPAD, et ça dans le sillage du scandale Orpea, il y a une charge assez lourde dans le Journal du Dimanche aujourd'hui, le détail sera donc publié demain. Est-ce que vous partagez son constat ? Est-ce qu'on n'a pas fait assez pour nos aînés ?
Pas vraiment. Je parle comme maire d'une ville importante dans laquelle il y a évidemment des EHPAD et des EHPAD municipaux qui marchent très bien, qui sont à très bas prix et qui sont d'un très haut niveau de service, pour quelque chose comme 50 € par jour. C'est dire que ce sont des prix extrêmement bas.
Je pense qu'il y a des choses formidables qui se font dans les EHPAD, et que la manière de cibler que les médias utilisent, parce que c'est la règle du jeu médiatique, la manière de cibler ces organisations, ces femmes et ces hommes, qui sont associatives parfois, qui sont municipales, qui sont d'intérêt général ne reflète pas la réalité.
Mais qui sont aussi hyper lucratives parfois, et c'est surtout ça le sujet.
Il y a des établissements qui sont aussi très bien dans ces systèmes. Qu'il y ait des excès, alors, il faut s'en prendre à ceux qui laissent faire ces excès, parce qu'il n'est pas possible que ces excès n'aient pas été montrés, signalés. Il faut regarder si on peut indiquer des manières de faire et des manières de vérifier la vie dans ces établissements. Mais ils sont indispensables ces établissements, indispensables.
Il faudra inventer, nous sommes en train de préparer au Plan une étude qui va sortir dans les jours qui viennent, sur le vieillissement de la population. Il faudra préparer d'autres approches que les EHPAD. Il y a beaucoup d'innovations à trouver dans ce système et beaucoup de progrès à faire. Mais je ne veux pas jeter la pierre à l'ensemble des EHPAD sous prétexte de dérives indiscutables et inacceptables.
Autre sujet dramatique cette semaine, le suicide d'un jeune garçon, Lucas. Il avait 13 ans. Il était victime d'homophobie. Il avait déclaré son homosexualité à ses parents. Ses camarades de classe lui en ont fait payer un prix terrible. Il a décidé de mettre fin à ses jours. Le harcèlement scolaire, c'est un fléau. Vous avez été ministre de l'Éducation, je le rappelle. Comment on sort de ça ? Il y a Lucas, 13 ans, je pourrais vous citer Ambre, 11 ans, qui a mis fin à ses jours le jour de Noël. Il y a malheureusement trop, beaucoup trop d'enfants qui décident d'en terminer pour ces raisons.
Le harcèlement scolaire, c'est une des choses les plus dégueulasses qu'on puisse rencontrer. On ne peut lutter que par une alerte perpétuelle et une éducation morale, pardon d'employer des mots qui ne s'utilisent plus.
Depuis des années, je suis obsédé par la question de la solitude. On est une société avec des réseaux sociaux innombrables, où tout le monde semble connecté à tout le monde, et en réalité, probablement jamais la solitude n'a été aussi importante. Et c'est la même solitude à tous les moments de la vie : les personnes âgées, les couples qui explosent, le chômage, l'entrée à l'université, c'est autant d'occasions de solitude. Nous avons monté à Pau un plan anti-solitude depuis déjà cinq ans, où on s'efforce d'aller chercher à leur domicile les personnes.
La solitude de la cour de récréation, c'est la même solitude. Il y avait beaucoup de camarades qui avaient vu, peut-être beaucoup de camarades qui avaient participé. Qui a expliqué à ces enfants que quand on voit, il faut dire ? Est-ce que les médias eux-mêmes le font ? C'est pas pour vous mettre en cause...
Pas sûr que beaucoup d'enfants de 12 ans nous regardent, nous, par exemple.
Ah, ça dépend comment vous le faites, comment les médias en général le font, comment les réseaux sociaux le font.
Il y a une camarade de Lucas qui disait "On n'a pas vu qu'il n'allait pas bien, on a cru qu'il allait mieux et on n'avait pas vu qu'il avait replongé". Ça pose aussi la question du suivi et de l'accompagnement.
Et ces drames, quel que soit l'âge, on retrouve toujours les mêmes remarques. "On croyait qu'il allait mieux", "on croyait qu'elle allait mieux".
Monsieur Bayrou, mais le fait d'avoir fait évoluer la loi en 2022, désormais il y a des peines d'emprisonnement, il y a des amendes qui sont possibles. Je rappelle que pour un enfant, le discernement est considéré comme de toute façon aboli avant treize ans, sauf si on arrive à démontrer l'inverse. Il peut être pénalement responsable mais uniquement dans certaines conditions. Ça plus les numéros verts qui sont mis en place 30 18, 30 19, 30 20. Les gouvernements successifs essaient, mais force est de constater qu'ils échouent pour l'instant.
Si vous croyez que la vie est facile et qu'il est facile de décider que les comportements terribles, on va les changer parce qu'on aura changé un texte. C'est beaucoup plus profond que ça, et c'est pourquoi je parle d'éducation morale.
Donc ça doit se passer à l'école, cette éducation morale ?
Dans la famille. Sur les écrans, ils passent leur vie sur les écrans. Au lieu de pousser, comme on le dit, des publicités pour tout un tas de choses qui les ciblent. Si on avait une action publique, les publicitaires pourraient y participer, les médias pourraient y participer, les réseaux sociaux pourraient y participer en disant que quand on voit, on dit. Parce que au bout du compte, il y a le pire de ce qui peut arriver en tout cas.
Je trouve que d'une certaine manière, dire il faut faire un texte de plus, c'est se débarrasser du sujet.
Nous allons rester à l'école d'une autre manière. On a vu cette semaine revenir le débat autour de l'uniforme obligatoire à l'école. Une proposition de loi Rassemblement national a été rejetée jeudi. La première dame, Brigitte Macron, a surpris en s'y déclarant favorable dans les colonnes du Parisien. Vous avez plusieurs fois dit que vous y étiez favorable, notamment en 2006. Est-ce que c'est toujours le cas ? Est-ce que vous êtes favorable à l'uniforme obligatoire à l'école ?
Je peux vous faire une confidence. Toute ma vie, j'ai rêvé de créer une école. Je ne l'ai pas fait parce que j'étais ce que c'était un peu lourd et que ma famille, parfois, pense que j'en fais déjà assez sur des tas de sujets, et que d'une certaine manière, c'est à leurs dépens. J'aurais mis un uniforme dans cette école. Mais l'uniforme, ce n'est pas une tradition française, il y a des gens qui disent qu'autrefois il y avait des uniformes, ce n'est pas vrai.
Il y avait une blouse, ce qui n'est pas tout à fait un uniforme.
Mais dans les outre-mer, il y a les uniformes obligatoires.
Oui, parce que la tradition anglo-saxonne est formidable. J'ai des souvenirs précis dans les bidonvilles de Mumbai, de voir des gamins pieds nus, en uniforme, des petites filles et des petits garçons d'école primaire. C'est un signe d'appartenance et de valorisation.
Mais je ne pense pas qu'on puisse l'imposer du sommet. Je pense que les conseils d'école doivent s'en saisir. C'est à eux de discuter. On verra des expériences. En tout cas, ça veut dire quelque chose de très important. Au-delà du sujet de l'uniforme, c'est le débat sur l'uniforme, et le débat sur l'uniforme, il dit quelque chose, c'est qu'il y a un besoin d'ordre dans la société. Il y a un besoin de reprendre le contrôle.
Dans ce débat, certains, au sein de la majorité y étaient favorables, se sont dits favorables justement au port de l'uniforme, mais pourtant ils n'ont pas voté la proposition de loi du Rassemblement national. Est ce que c'est pas un peu hypocrite, Marine Le Pen dit que c'est la preuve de leur sectarisme.
Oui, c'est des jeux parlementaires. Comme vous avez vu, je n'ai pas l'intention d'entrer là dedans, mais je pense que ça dit quelque chose d'une attente profonde de la société dans laquelle on est.
Je vais vous dire une chose de plus sur l'uniforme. Ce qui me plaît, d'ailleurs vous avez dit que je m'étais prononcé autrefois sur le sujet, ce qui est insupportable c'est la tyrannie des marques. Et la tyrannie des marques précisément chez les enfants qui sont dans des familles qui n'ont pas les moyens.
Je connais des exemples où ils martyrisent leurs parents, leurs mères, ce sont parfois des mères seules, pour trouver une reconnaissance qui passe par les marques. Et là encore, la question de la reconnaissance qui ne passe pas par l'argent est une question vitale de la société dans laquelle on est.
Monsieur Bayrou, Adrien Quatennens est revenu à l'Assemblée nationale. Au mois de décembre, vous dénonciez ce que vous aviez appelé une chasse à l'homme.
Non, j'ai dit que je ne participais pas aux chasses à l'homme.
Qu'est-ce que vous dites aujourd'hui ? Est-ce que vous êtes à l'aise avec l'idée que Adrien Quatennens, je le rappelle, qui a été condamné pour avoir giflé son épouse, revienne sur les bancs de l'Assemblée nationale ?
C'est sa conduite avec laquelle je ne suis pas à l'aise. Ce genre d'explosions, je ne suis pas à l'aise avec. Simplement focaliser tout le débat autour de ça, alors...
Est-ce qu'il a sa place sur les bancs de l'Assemblée ?
Est-ce que la loi lui donne sa place sur les bancs de l'Assemblée ?
Oui, rien ne le pousse à démissionner.
Et donc, de ce point de vue, on peut avoir des discussions de préférence, mais du point de vue de la loi, il a le droit de siéger.
Justement du point de vue de la loi, le groupe Renaissance et Aurore Bergé souhaitent déposer une proposition de loi visant à créer une peine d'inéligibilité pour les élus reconnus coupables de certaines violences notamment intrafamiliales.
Elle existe.
Non, en l'état, non.
Le juge a toujours le droit s'il a à juger de comportements extrêmement lourds. Je ne sais pas si, dans ce cas, c'est prévu, mais le juge a toujours le droit d'ajouter une peine d'inéligibilité.
Mais là, l'idée c'est l'automaticité. Si vous êtes condamné pour ce type de violences intrafamiliales, vous ne pourrez plus être élu. Est-ce que vous êtes favorable à ce type de proposition ?
Je n'aime pas trop les règles générales comme ça, qui sont qui sont lancées en pâture. Je trouve que le discernement du juge est une garantie de liberté pour les citoyens. Je n'aime pas l'automaticité des sanctions, et d'ailleurs à mon avis, elles ne sont pas constitutionnelles.
En parlant d'automaticité des sanctions, Monsieur Bayrou, on en revient au projet de loi immigration. On a beaucoup parlé des retraites, c'est un autre texte très important qui va arriver au 1ᵉʳ février. Et dans ce texte, entre autres, Gérald Darmanin prône le retour de la double peine. Est-ce que c'est quelque chose que vous soutenez, auquel vous êtes favorable ?
On va avoir le débat. Je n'y suis pas opposé.
Ça ne veut pas dire "Je soutiens pleinement", ça.
Oui, je n'ai pas dit que je soutenais pleinement. Il prône dans quelles conditions ? Pour quelle peine ? J'ai besoin de regarder ça, mais vous voyez bien que sur des sujets aussi difficiles que ceux-là, la situation où les conséquences directes de peines qui ne sont pas appliquées, de décisions qui ne sont pas respectées, et qui font que régulièrement, en première page de vos journaux, on retrouve un crime, un attentat, des choses insupportables par des individus, des personnes qui auraient dû être écartées, c'est insupportable pour la société.
C'est insupportable, mais c'est aussi incompréhensible. Et je poursuis l'exemple que vous donniez un instant. L'agresseur de la gare du Nord, c'est très récent, cet homme est Libyen. Il est visé par une OQTF, une obligation de quitter le territoire français, sauf qu'il est Libyen. De fait, il ne peut pas être renvoyé en Libye de par la situation de son pays. Or, l'OQTF est tout de même prononcée. Il y a un problème ?
Oui, comme vous dites. Alors, est ce qu'il est légitime de ne pas renvoyer des gens simplement parce que leur pays est dans un état de désordre absolu ? C'est une question qu'on a le droit de poser ouvertement.
Je trouve que la situation actuelle n'est pas supportable pour un très grand nombre de Français qui disent "Mais enfin, comment c'est possible ?". On se souvient du drame dans le nord.. Oui, on a raison de poser ce genre de question.
Une phrase de plus. Si on est d'accord pour dire que la situation actuelle n'est pas acceptable, alors il ne faut pas l'accepter.
Une question Monsieur Bayrou, sur un des combats politiques de votre vie, à savoir la proportionnelle. Jeudi, le Rassemblement national a proposé là encore l'instauration de la proportionnelle intégrale. Tous les députés de la majorité, les députés MoDem de votre groupe s'y sont opposés. Comment est ce qu'on peut comprendre cela ?
Parce que ça ne peut pas se faire comme ça.
Non c'est parce que ça vient du Rassemblement national ?
C'est parce que mes amis savent que j'ai toujours plaidé contre une démarche subreptice sur ces sujets, à l'emporte pièce. On va déposer un texte par surprise, il va être adopté, j'ai toujours été contre.
Ça ne peut venir que d'un débat approfondi sur la démocratie que nous voulons. Je suis pour que notre démocratie intègre systématiquement le pluralisme. Jusqu'à maintenant, sauf lors de la dernière élection, le pluralisme était banni de nos institutions. Ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas comme ça qu'on avancera.
Et le RN le propose, et vous votez contre ?
On aura l'occasion, je l'espère, d'avoir le débat transpartisan que le Président de la République a promis, dont il va, si je suis bien informé, proposer le cadre dans les semaines qui viennent.
Vous aimeriez, après les retraites, que le chantier des institutions soit engagé, et que, par exemple, la proportionnelle intégrale soit mise en œuvre, qui a un certain nombre de réformes ? Stéphane Séjourné parlait de la question du septennat. Est-ce que vous aimeriez que ce soit le prochain chantier après la réforme des retraites ?
Alors, le septennat, je serai contre pour des raisons que je vous expliquerai quand vous m'interrogez sur ce sujet. Mais le pluralisme dans nos institutions avec la spécificité française, notre chance, c'est qu'on a un Président de la République qui permet que ça marche, et on peut avoir un Parlement qui garantisse le pluralisme.
On peut avoir les deux, simplement il faut tout réapprendre. Par exemple, je suis de ceux, là encore minoritaires, qui pensent qu'il faut changer le mode de fonctionnement de l'Assemblée nationale. Alors on me dit que c'est impossible, on me dit toujours que c'est impossible, pour l'instant en tout cas, mais je suis pour qu'on n'ait plus cette galopade dans les couloirs pour aller voter ou ne pas voter sans avoir participé au débat. Je sais pour que, comme au Parlement européen, on puisse examiner plusieurs textes en même temps et qu'on vote toujours en présence, toujours en scrutin public, sur tous les textes et tous les amendements.
Et puis je suis pour qu'on sorte de cette ambiance de corrida dans laquelle on vit depuis presque un an à l'Assemblée nationale, et qui est une manière de dévaloriser l'institution à laquelle on appartient.
Merci beaucoup Monsieur Bayrou, Merci d'avoir été l'invité de BFMTV ce midi.