? François Bayrou, invité de BFM Politique

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de BFM TV et a répondu aux questions de Jean-Baptiste Boursier (BFM TV), David Doukhan (Le Parisien) et Hedwige Chevrillon (BFM Business) ce dimanche 11 juillet à 12h00, dans l'émission "BFM Politique".

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Vous êtes l'invité de BFM Politique pour cette dernière de la saison. Haut-commissaire au Plan et Maire de Pau.

Nous allons nous intéresser à la situation sanitaire. Intervention du Président de la République demain à 20 h, très attendue. 

Vous nous décrirez également le contenu de votre dernière note consacrée à l'agriculture. Je sais que c'est un sujet qui vous tient à cœur, mais avant cela, je voulais vous montrer des images qui ont marquée l'opinion ces dernières heures. Cela s'est passé hier soir au Festival de Cannes. Le comédien Pio Marmaï incarne un chauffeur routier, dans le film "La fracture" qui était projeté.

Voici ce qu'il dit en conférence de presse, en marge de la projection de ce film. Je précise que la phrase que vous allez entendre "passer par les tuyaux" ‑ vous allez comprendre ‑ est reprise de son personnage dans le film. Voici ce qu'il dit :

"Pour une fois, Macron, j'aimerais bien aller chez lui en passant par les chiottes, par les tuyaux, je vais lui péter la gueule, mais, un peu comme tout le monde dans l'absolu. Ce qui est intéressant, c'est de se dire comment est-ce que l'on raconte cette révolte ? Est-ce qu'elle passe par la langue ou par l'acte de violence ? Ou autre….

C'est ce que j'ai essayé de raconter. Quelque part, j'étais sensible à cela, parce que ce n'est pas évident comme trajectoire."

Voilà ce que dit Pio Marmaï : "Macron, j'irais bien par les chiottes, par les tuyaux, pour lui casser la gueule, un peu comme tout le monde".

Je me doutais bien que vous me poseriez la question. J'ai regardé d'un peu près la séquence.

D'abord, on se dit : mais qu'est-ce c'est ? Ce sont des propos de bistrot par quelqu'un qui a un "coup dans l'aile" comme l'on dit.

En réalité, ce n'est pas exactement cela.

Il était interrogé, je crois, par une journaliste qui dit : qu'est-ce que vous diriez au Président de la République, Emmanuel Macron, s'il était en face de vous ?

Il cite cette réplique, qui est celle de son personnage. C'est un vrai camionneur gilet jaune dans le film.

Après, il déroule quatre ou cinq phrases et il finit ‑ c'est plus intéressant ‑ il dit : "si Macron était là, je lui dirais : mon pote, qu'est-ce qui ne va pas dans ce monde ? ou quelque chose comme cela. "Qu'est-ce qui ne va pas là ?".

Je trouve que la fin de la séquence est plus intéressante que le début, mais vous avez entre les mains un instrument formidable qui déclenche des passions. La télé, les réseaux sociaux, cela déclenche des passions, même quand ce n'est pas forcément justifié. Je pense que c'est une phrase qui, isolée, est une phrase insupportable.

Dans le déroulement de sa réponse, il fait parler un gilet jaune et il dit : si Macron était là, je lui dirais qu'est-ce qui ne va pas, mon pote, dans ce monde.

La question : "qu'est-ce qui ne va pas dans ce monde ?", c'est une question pour tout le monde.

On a quasiment 50 minutes pour tenter de répondre, partiellement, à cette question.

Évidemment, c'est un rendez-vous très attendu par les Français, demain à 20 h, Emmanuel Macron prendra la parole. Allocation prévue depuis un moment, mais qui pourrait prendre une tournure différente en raison de l'évolution de la situation sanitaire. 

On sait que vous êtes proche du chef de l'État. Avez-vous des informations sur le contenu de cette intervention, demain ?

Je suis frappé d'amnésie dès que l'on m'interroge sur ce que pense le Président de la République, car c'est sa responsabilité. Il s'exprimera demain soir.

Ma position à moi, c'est qu'il n'y a pas d'autre issue dans cette situation épidémique que la vaccination obligatoire, pour tout le monde.

Et on présente cela comme quelque chose d'attentatoire aux libertés. Chacun des bébés qui naît en France, reçoit 11 vaccinations.

D'ailleurs, l'injection des 11 avait fait débat au moment où Agnès Buzyn l'avait imposée.

Vous voyez bien qu’il n'y a aucun effet négatif ou secondaire.

Vous avez le tétracoque ‑ comme on disait autrefois ‑ diphtérie, tétanos, polio, coqueluche, rougeole, rubéole, qui font des morts et des handicaps pour la vie. Le nombre de jeunes atteints par la polio, qui ne pouvaient plus se déplacer ou qui étaient embrassés pour se déplacer, on a éradiqué cette maladie comme cela.

La vaccination, c'est un traitement naturel de renforcement de l'immunité de chacun.

L'Académie de médecine a dit ce que vous aviez dit la semaine dernière, en préconisant la vaccination obligatoire pour tout le monde à partir de 12 ans, mais je souhaite vous porter la contradiction.

Vous dites les 11 vaccins pour nos enfants, voilà... Ils sont obligatoires. Ce sont des vaccins anciens et le Conseil d'État sera saisi dès mardi, car les vaccins contre la Covid-19 sont des vaccins récents qui, d'ailleurs, sont toujours en phase 4 de test. Ils n'ont, en réalité, qu'une homologation d'urgence qui leur a été accordée par les autorités européennes et françaises.

Il y a ce sujet-là. Lequel sera porté devant le Conseil d'État.

Vous, ancien Garde des Sceaux, le balayez-vous d'un revers de la main ?

Je ne balaie rien. Je vois notre pays et l'humanité menacée par un virus, qui a bloqué la vie de l'ensemble des pays, de l'ensemble de l'Europe et d'une grande partie de la planète, qui porte atteinte aux libertés, à la rencontre. 

Je vois ce virus, sa gravité. Je sais une chose de ce virus, c'est qu'il mute. Il a constamment de nouveaux épisodes de mutation. Je vous dis une chose : j'espère de toutes mes forces me tromper, mais ma hantise à moi, c'est qu'une de ses mutations se mette à toucher des enfants et les bébés.

Le jour où vous aurez des enfants qui mouraient du virus, ce jour-là, la société explosera, car seront mis en accusation tous ceux qui n'ont pas pris les décisions nécessaires alors qu’il y a une chose qui crève les yeux, 35 ou 36 millions de Français ont été vaccinés, où sont les effets secondaires ?

Vous dites à Emmanuel Macron : pas de demi-mesure lundi soir, la vaccination obligatoire pour tous ?

Je parle en mon propre nom. Je pense que la seule issue possible, c'est la vaccination obligatoire pour que l'on retrouve, autant que possible, la vie et que l'on se mette en sécurité face à des mutations du virus.

Il y a une loi : plus le virus circule, plus il mute. Et donc, si l'on veut se prémunir contre les mutations les plus dramatiques qui peuvent arriver, alors il faut ralentir la circulation du virus et, pour cela, il n'y a qu'une chose à faire, ou bien laisser infecter tout le monde, et vous aurez, à nouveau, des dizaines de milliers de morts, car nous avons quand même, comme vous savez....

Et des mutations !

Et vous aurez des mutations. Le seul moyen de freiner tout cela, c'est la vaccination. En plus, la vaccination, c'est un formidable progrès français par l'un des Français les plus géniaux de tous les temps qui s'appelle Louis Pasteur.

Même si les Français ont été moins géniaux sur la course au vaccin. 

C'est une question très importante dont nous pourrions peut-être parler ensuite. Comme vous le savez, dans le cadre de mes fonctions relatives au plan, j'ai édité une note sur ce sujet.

Si la vaccination est rendue obligatoire, notamment pour ceux qui travaillent dans les EHPAD, puisqu’on en parle, qu'est-ce l'on fait ? Si quelqu'un refuse de se faire vacciner, le licencie-t-on ? Idem pour les entreprises. Je ne sais pas si vous avez vu l'appel à la vaccination de Geoffroy Roux de Bézieuxle président du MEDEF, ou de Laurent Berger, de la CFDT, en entreprise, vous refusez de vous faire vacciner, que se passe-t-il ? Êtes-vous licencié ? En télétravail d'office ? Comment gérez-vous cela ?

Cela peut aller jusque-là, c'était le cas en Italie.

Regardons les choses en face. Il y a 11 pays d'Afrique, plus le département français de la Guyane, où l'on ne peut pas aller sans être vacciné contre la fièvre jaune. C'est obligatoire.

Si vous êtes représentant de commerce et que vous dites : "je ne veux pas être vacciné", vous ne pouvez plus aller dans ces pays, eh bien oui, vous avez des ennuis professionnels.

Encore une fois, c'est de la non-assistance à personne en danger. 

Vous avez vu cette jeune femme dont le père mort…

Elle s'appelle Johanna et a saisi le Premier ministre pour réparation.

Il avait une infection. Il a attrapé la Covid-19 à l'hôpital et il est mort.

Elle a dit : "si vous aviez été vaccinés, alors mon père ne serait pas mort".

Soyons précis, vaccination obligatoire pour les soignants. On sait que le texte est en préparation. Il sera présenté au Conseil d'État, au Conseil des Ministres, cela semble lancé.

Ma position est plus large que celle-là. Cibler seulement les soignants, ils ont le sentiment de quelque chose qui n'est pas juste. Vous avez les enseignants, c'est la rentrée scolaire dans quelques semaines. Beaucoup de professions sont au contact du public. Ma position à moi est plus large.

On verra ce que dit le Président de la République.

On sait que la piste d'une vaccination obligatoire pour les soignants est très sérieuse puisqu'un texte est en préparation.

Que fait-on dans l'hôpital public ‑ je le précise bien ‑ si un aide-soignant, une infirmière refuse de se faire vacciner ? Qu'est-ce que l'on fait ?

Qu'est-ce vous feriez dans l'hôpital public si un chirurgien refusait de se désinfecter les mains et de mettre des gants pour une opération ? Vous diriez : "écoutez, Monsieur…"… 

Il serait sanctionné.

On dirait seulement : "vous ne pouvez pas exercer votre métier"…

Pour vous, c'est la même chose ?

Vous voyez bien ce que l'on est en train de vivre. Combien de morts a-t-on eus dans les EHPAD ?

Alors la personne en question ne peut plus exercer ?

Elle est suspendue de son travail.

Ce qui peut apporter un cadre plus large à l'aspect coercitif, à l'envers, c'est le Pass sanitaire. Cela fera peut-être partie des annonces d'Emmanuel Macron, demain. En fait, c'est l'incitation forte, c'est la carotte. Dire aux Français : "si vous voulez aller au restaurant, vous vous faites vacciner. Si vous voulez voyager, vous vous faites vacciner, sinon vous n'en avez pas le droit".

C'est un peu le prolongement de ce que nous venons de dire à l'instant. Est-ce une piste qui vous semble pertinente ?

C'est une piste pertinente. J'entends bien et je respecte - car il n'y a pas de raison de faire des polémiques inutiles sur ce sujet - la position de ceux qui doutent.

Mais vous avez 35 millions de Français aujourd'hui, peut-être plus ‑ je n'ai pas regardé l'actualisation des chiffres ‑ qui disent : "nous, on s'est fait vacciner et on n'aura pas accès aux voyages, aux rencontres. On risque de se retrouver à nouveau bloqués dans notre métier s'il y a, à nouveau, ce renfermement, tout cela parce qu'il y a des personnes qui ne veulent pas se faire vacciner. L'effort que nous avons consenti, les autres ne veulent pas le faire".

C'est la fracture vaccinale.

Eh bien, il faut trouver le moyen de lever "cette fracture" comme l'on dit. C'est, évidemment, le Pass sanitaire et aller vers la vaccination obligatoire. Ce qui est ma position.

Soyons précis sur l'extension du Pass sanitaire. À vos yeux à vous, François Bayrou, il faut le Pass sanitaire pour aller au restaurant, au cinéma, à la salle des sports ? Soyons précis. C'est la vie des personnes.

Il ne se passera pas 3 semaines avant que l'on ait cette obligation, car les restaurateurs ‑ vous vous rendez compte ‑ ils ont cessé de travailler pendant presque 18 mois.

Ils ont été aidés puissamment. Nous sommes le pays du monde qui a le plus aidé ces entreprises et ils le savent bien. Enfin, on ne va pas les condamner à refuser ou à abandonner leur métier, simplement, car des craintes infondées existent.

Je retiens : "il ne se passera pas 3 semaines sans que l'obligation, pour les restaurants, les cinémas, la salle de sport". C'est ce que vous dites ?

Cela crève les yeux. Ma vocation, c'est de regarder le réel Ce n'est pas de faire des fantasmes ou de participer aux luttes de fantasme.

Ce qui m'intéresse, c'est le réel comme il se vit. Le réel, c'est on est obligé de rouvrir la vie, de rouvrir les activités, de rouvrir les stades, les restaurants, ...

Autre partie : les frontières, et puisque vous parlez du réel, l'Espagne, on y va ou pas ?

Vous avez vu Clément Beaune qui dit : non, je vous déconseille d'y aller. Ce qui a provoqué un mini-incident diplomatique, car nos amis espagnols et portugais n'étaient pas du tout contents de cela. 

Quand vous avez des pays où le virus circule activement alors, sauf à être vacciné, il est prudent de ne pas y aller. 

Sauf que ceux-là ont été classés vert par la France.

Il y a des régions en Espagne, comme nous risquons de l'être bientôt, avec une résurgence du virus.

Il y a des pays qui commencent, au sein de l'Union européenne, comme Malte, qui a décidé de fermer ses frontières à ceux qui ne sont pas vaccinés.

C'est un peu déjà la fin du passeport sanitaire européen puisque Malte fait partie de l'UE.

C'est un peu mort-né, non ?

On va droit à tout cela.

La France y va.

Vous êtes à la tête d'un pays. Vous avez la responsabilité d'une société. Vous avez des millions de vies sur les bras dont l'obligation morale est que vous vous en occupiez. De ce point de vue-là, vous prenez les précautions nécessaires.

Il y a des réticences ou des résistances. Les 35 ou 38 millions de personnes vaccinées, il y a 3 mois, elles avaient des réticences. Aujourd'hui, elles se rendent compte que tout ce qu'elles avaient craint, est infondé.

Il y a, à la deuxième injection parfois, et parfois à la première, 48 heures inconfortables où l'on a un peu de fièvre. C'est arrivé à beaucoup d'entre nous, mais ce n'est pas une raison pour choisir de bloquer la vie d'un pays.

Arrêtons-nous un quart de seconde. Comment va-t-on faire pour assumer la solidarité si on ne travaille pas, si on ne peut pas sortir, s'il n'y a pas de vie, si on ne peut pas voyager ?

Les professeurs aussi doivent se faire vacciner ?

Oui, bien sûr. Je pense que beaucoup d'entre eux y pensent.

Débloquer la vie, mais peut-être aussi en faisant attention.

Je crois que vous êtes plutôt rugby que football, mais ce soir, vous regarderez sans doute la finale de la Coupe d'Europe Angleterre-Italie, à Wembley, stade londonien, 65 000 spectateurs sont attendus. 

On sait que le delta est monté en flèche au Royaume-Uni. Est-ce responsable ?

Ce n'est pas très prudent. C'est le moins que l'on puisse dire.

Je suis, comme vous l'avez rappelé, très très attachée au sport. J'aime cela, mais je pense que la vaccination est une précaution nécessaire parce que, quand on crie, quand on hurle dans les tribunes, quand on saute, comme on le voit sur votre écran, évidemment, la circulation du virus s'accélère. Donc, la mutation du virus est favorisée.

Donc, l'UEFA n'a pas été prudente ?

Oui. Je pense que ce ne sont pas des images très rassurantes.

Vous avez parlé des aides puissantes financières de l'État pour les professionnels qui ont beaucoup souffert en France.

Un dispositif a été très utilisé, très efficace, c'est le PGE, le prêt garanti par l'État, sauf que l'échéance arrive. Les entreprises vont devoir commencer à rembourser ce prêt très avantageux.

Elles ont 5 ans.

Oui, mais cela s'approche. Il faut refaire de la trésorerie. Certains ne l'ont pas. Certains ont déjà épuisé le PGE qu'ils ont contracté. Est-ce que vous joignez votre voix à celles qui demandent l'annulation simple de ce PGE ? Ils demandent que l'on efface cette ardoise, que ce soit un cadeau fait par l'État.

Je suis très mal à l'aise chaque fois que l'on commence par un prêt et que l'on demande son effacement.

Je ne doute pas que d'ici 5 ans, on aura une réflexion de cet ordre. Je suis très mal à l'aise, car cela veut dire que le doute s'installe dès l'instant que vous signez un prêt et si le doute s'installe, alors, le prix de l'argent explose.

Les taux d'intérêt montent. Que sont les taux d'intérêt ? C'est la traduction, dans la mensualité que l'on vous demande, du risque pris par celui qui vous prête.

Ce qui se passe pour les entreprises, cela se passe au niveau de la France, notamment. Je ne sais pas si vous avez entendu, Éric Woerth, le président de la commission des finances, ancien ministre que vous connaissez bien. Il a dit : l'heure des comptes a sonné. Êtes-vous d'accord avec lui ? Est-ce que ce "quoi qu'il en coûte", il faut quand même y mettre un terme, même s'il se passe une quatrième vague, sinon la réputation de la France sera, exactement ce que vous venez de démontrer, dégradée et les taux d'intérêt vont augmenter, donc la dette va augmenter, etc. ?

Êtes-vous d'accord : "l'heure des comptes a sonné" ?

D'abord, l'heure des comptes sonne tous les jours.

On peut se poser la question, en ce moment !

Comme vous le savez, il y a 20 ans que je plaide pour que l'on fasse, scrupuleusement et prudemment, les comptes, sur ces affaires-là.

J'ai publié, avec le plan, une orientation sur ce sujet précis.

J'ai dit deux choses : la première, la dette que nous avons contractée, pour faire face aux conséquences de cette épidémie, n'est pas une dette comme les autres. Ce n'est pas une dette de mauvaise gestion. 

C'est ce que j'ai appelé : "une dette de guerre". Quand vous êtes à la tête d'un pays et que vous êtes attaqué par des armées hostiles…

D'accord, mais quand est-ce que vous l'arrêtez maintenant ? Si on reprend votre raisonnement, la question, c'est maintenant.

Vous, vous avez compris parce que vous êtes très intelligente !

Merci !

Spécialiste en économie.

Et vous suivez cela, mais ceux qui nous écoutent méritent de l’entendre. C'est une dette de guerre, que l'on a été obligé de contracter. Cette dette-là, on peut en reporter l'échéance dans les années qui viennent. J'ai dit 10 ans à peu près pour que l'on arrive au temps où l'on aura reconstruit l'économie et on pourra commencer à rembourser.

Pourquoi ? Parce que l'on emprunte à 0, en ce moment, comme vous le savez, et parfois même à des taux négatifs.

Mais il y a une deuxième décision ou orientation, à mes yeux qu'il faut prendre, que j'ai appelée : un "Plan Marshall de reconquête de la production".

On va en parler pour l'agriculture, mais pour l'industrie, c'est la même chose. Il y a des secteurs entiers de la production dont nous avons été chassés, exclus par négligence, par nullité, par incapacité de tous ceux qui se sont succédé au pouvoir et qui, au fond, ont considéré que les productions, soit en France, soit en Extrême-Orient, étaient la même chose.

Pour des commerçants, c'est la même chose, mais pour des producteurs, pour des industriels, pour l'emploi, pour les compétences du pays, ce n'est pas la même chose. Donc, je dis qu'il faut ce que j'ai appelé "un Plan Marshall", pas forcément financé par la dette.

Il y a, je crois, d'autres possibilités que la dette pour mobiliser, par exemple, l'épargne de manière garantie et sécurisée pour les Français, mais aussi obligatoire.

Par conséquent, on a besoin ‑ les Américains l'ont fait ‑ de pouvoir faire un report des remboursements jusqu'au moment où l'on aura reconstruit tout cela. C'est tout à fait articulable en raison du fait que nous sommes dépendants d'une grande banque centrale et que nous avons des taux à 0. 

Au sujet de notre endettement et de nos capacités à financer notre modèle social, Emmanuel Macron parle demain. 

Nous attendons tous de savoir ce qu'il va dire au sujet de la réforme des retraites. C'était une promesse, une priorité de son quinquennat, bousculée par la pandémie. Est-ce qu'il doit la maintenir ? 

C'est une obligation. La France n'y échappera pas.

Ceux qui vous racontent que l'on peut éviter la réforme des retraites, ne voient pas le monde comme il est, en tout cas, pas de manière réaliste, comme nous le voyons.

Vous voyez bien tout ce qu'il s'est passé avec l'allongement de la durée de la vie, avec le raccourcissement des années au travail, on sera dans l'obligation de conduire une réforme, j'espère, simple, j'espère, bien équilibrée sur ce sujet.

Mais je ne crois pas, avant l'élection présidentielle, dans la fournaise d'une campagne présidentielle, que l'on puisse conduire sereinement une réforme à son terme. Ce que je crois, c'est que la campagne de l'élection présidentielle sera le lieu, le moment pour que chacun dise ses orientations sur ce sujet.

Vous pensez qu'il va vous écouter sur ce coup, le Président de la République ?!

Je vois la malice de votre question. Je pense qu'il m'écoute plus souvent que vous ne croyez !

Nous verrons.

Et plus souvent que je ne le dis moi-même.

Après tout, ce n'est pas un concours. Le responsable du pays élu, c'est lui. Il a autour de lui et avec lui, des personnalités qui peuvent l'aider à conduire une réflexion, mais la décision au bout du compte. C'est lui qui la prend.

Est-ce qu'elle est prise à l'heure où nous nous parlons ?

Amnésie, vous savez ce truc récurrent, je ne sais pas pourquoi je ne me souviens jamais… !

Essayons de repréciser les choses, François Bayrou. Évidemment, vous dites pas avant l'élection présidentielle, mais est-ce la toute première chose du quinquennat prochain, si jamais Emmanuel Macron est réélu ou quelle que ce soit la personne qui sera élue ?

Rien avant ? Pas une mesure d'âge ?

J'ai défendu très souvent l'idée que… Le problème avec une réforme aussi profonde que celle-là, c'est que le seul fait de l'énoncer bloque le pays. Et on a vécu cela tragiquement pendant des mois et des mois et des mois.

Ce que je crois ‑ c'est à titre absolument personnel ‑ c'est que le seul moyen d'éviter qu'une telle réforme ne bloque le pays, c'est de dire aux Français "c'est vous qui trancherez".

Un référendum ?

Par référendum.

"On va faire la réforme la plus juste possible, la mieux équilibrée possible. On vous la soumettra et c'est vous qui trancherez."

La complexité d'une réforme des retraites par référendum : oui / non...

Vous voyez bien que c'est le seul moyen d'éviter le blocage.

Si vous vous faites élire Président de la République…

C'est une sorte de référendum par avance.

Il a déjà eu lieu.

Je crois que cet équilibre-là qui fait que les Français seraient, à la fois, informés et sécurisés puisqu'ils garderaient le dernier mot, c'est un progrès démocratique vers lequel, je crois, on devra aller. 

Je pense, sur le fond, que l'on ne se sert pas assez de l'arme du référendum, car on en fait une espèce de jugement de l'action du Président de la République et s'il perd, il s'en va.

Ce n'est pas du tout comme cela qu'il faut faire. Il faut faire des référendums davantage proches de ce que fait la Suisse, c'est-à-dire : "c'est vous, Français, qui trancherez. Et après tout, vous avez bien le droit de trancher dans un sens ou dans l'autre". J'ai proposé pour les modes de scrutin.

Un mot rapide, et c'est important, sur les jeunes. On sait que les jeunes ont été très touchés par cette crise sanitaire et que le Président de la République réfléchit à une mesure en faveur des jeunes.

Il est hostile à un RSA jeune, mais pas à une garantie universelle qui serait étendue pour faciliter l'insertion des jeunes dans le travail.

Êtes-vous favorable ? Est-ce que vous pensez qu'il faut absolument une mesure, mais une mesure ciblée sur la notion de "il faut s'insérer dans la société" ?

Je pense qu'il n'y a pas de meilleur service à rendre à des jeunes, des jeunes filles ou des jeunes hommes, que de leur offrir l'entrée dans le monde du travail et de les soutenir quand ils entrent dans le monde du travail.

De ce point de vue, je suis favorable à une mesure de soutien et d'ouverture des portes pour le travail.

Vous l'avez vu, les cyberharceleurs de la jeune Mila ont été condamnés à des peines assez légères. Certains ont été relaxés d'ailleurs. La jeune femme s'est, par ailleurs, déplacée à la grande mosquée de Paris, dans un signe d'apaisement.

Est-ce que cette affaire, François Bayrou, n'illustre pas la très grande difficulté à faire vivre la laïcité à la française ?

Je précise que ce qui s'appelait "l'observatoire de la laïcité" a été éteint, remplacé, la semaine qui vient, par "le comité sur la laïcité".

N'a-t-on pas des difficultés en France à faire vivre ce pilier pourtant indispensable à notre démocratie ?

Vous dites "la laïcité à la française". Je pense que le jour viendra où la laïcité sera beaucoup plus universellement prise en compte, car je pense que c'est une proposition de vivre ensemble dont le monde entier a besoin.

Regarder la situation tragique du Liban. On n'en parle pas assez en France. C'est un pays qui est en situation de condamnation à mort, car les luttes religieuses et tribales l'ont déchiré au point que chacun des Libanais pense que peut-être son pays n'a plus d'avenir.

De l'autre côté du spectre, il y a, par exemple, le modèle britannique, le modèle canadien qui n'ont encore rien à voir. C'est une autre forme de laïcité, de coexistence de communautés.

Ce n'est pas le même modèle... Enfin bon.

Qu'est-ce que dit la laïcité ? Elle dit quelque chose d'extrêmement simple. Elle dit : il y a un univers pour la religion et il y a un univers pour la loi civile. Et la loi religieuse ne commande pas la loi civile, pour aucun d'entre nous.

Comme vous le savez, j'ai des convictions religieuses que je ne dissimule pas. Je suis un croyant et même pratiquant, comme l'on dit.

Pour autant, je ne peux pas accepter que ce soient des autorités religieuses qui commandent, en quoi que ce soit, la décision publique, la décision des pouvoirs publics. Quand je suis en situation de pouvoirs publics, je vous assure que je fais respecter cela de la manière la plus absolue. C'est le seul moyen pour vivre ensemble.

Chacun a l’idée qu’il se fait de la loi divine ou supérieure et, parfois, pas de conviction religieuse et même des convictions areligieuses.

Et c'est tout à fait la liberté de chacun, mais nous devons avoir en tête qu'il y a au-dessus de tout cela, notre loi, notre manière de nous respecter les uns, les autres et nous devons être inflexibles sur ce sujet.

Une réflexion sur l'image que vous avez montrée, j'ai trouvé que c'était un beau geste de réconciliation. J'ai trouvé que cette jeune fille reçue à la grande mosquée, après les affrontements et les polémiques qui l'ont tellement exposée, c'était un beau geste français.

Venons-en à votre dernière note. C'est un sujet qui nous concerne tous dans notre pays, l'agriculture, notre agriculture.

Vous avez publié une note conséquente, en tant que Haut-Commissaire au Plan vendredi avant-hier que j'ai compulsée.

On constate qu’en 2020 notre production agricole a diminué de moins 1,8 % selon l'INSEE et vous, en fait, vous dites : « Il faut que l'on réussisse dans les années à venir à ne pas abandonner toute notion de productivisme mais, en même temps, faire une agriculture qui est favorable à l'environnement. »

On a l'impression que c'est la quadrature du cercle.

Par quels moyens concrets pensez-vous arriver à cet objectif ?

Ce n'est pas la quadrature du cercle, c'est une nécessité nationale.

Le point où nous en sommes comme vous dites : la production a baissé, la France qui était le grand pays agricole de toute l'Europe, le plus exportateur, est aujourd'hui doublée par l'Allemagne et par les Pays-Bas.

Si l'on considérait sur la table, uniquement ce qu'il y a dans l’assiette - et pas ce qu'il y a dans les verres puisque nous sommes très gros exportateurs de vins et de spiritueux - nous sommes déficitaires.

Dans le même temps, il y a un paradoxe absolument incroyable, c'est que, dans le monde, sur la planète, la demande alimentaire devient telle que les prix explosent.

Il y a des pays entiers où des augmentations de 40, 50,70 % par exemple des céréales font que les gens n'ont plus l'argent pour se nourrir.

Vous dites dans votre note que le fait que l'on soit déficitaire, c'est digne d'un pays en développement, vous l’exprimez peut-être différemment, sur certains produits.

Sur un certain nombre de produits.

J'ai pris l'exemple, c'est anecdotique, en tout cas c'est souriant, nous sommes les premiers producteurs de pommes de terre mais nous importants nous sommes déficitaires en ce qui concerne les chips et en flocons de purée.

Est-ce raisonnable ? Est-ce un pays équilibré ?

On nous a appris au lycée que l'économie des pays en voie développement, c'était : je produis des matières premières et j'importe des produits manufacturés, élaborés, transformés.

En agriculture, on est exactement, pour les pommes de terre, dans ce genre de déséquilibre.

Donc je crois que, si vous mettez d'un côté la réalité, la situation de la France, grand pays agricole, la demande de produits agricoles dans le monde, alors on se dit : ce n'est pas possible que nous ne répondions pas à cette demande en produisant comme nous l'avons fait beaucoup dans les décennies passées et, en même temps, si j'ose dire, mais c'est absolument justifié.

Il y a une autre demande mondiale, elle aussi en tout cas des pays en développement et elle va devenir une demande mondiale, c'est qu'on a besoin de productions qui respectent les équilibres écologiques, et notamment qui respectent les équilibres climatiques.

Est-ce possible ? Oui c'est possible.

C'est possible, on a des progrès considérables à faire en termes d’agronomie, d'apprendre le respect des sols par exemple, vous avez des productions de maïs, si, à l'issue des moissons, vers le mois d'octobre, vous ressemez des légumineuses à la place du maïs, alors vous avez un double effet kiss cool si j'ose dire, d'une certaine manière, au bout de cette naissance, vous aurez capté du CO², vous aurez fait des pièges à CO², vous enrichirez les sols et vous aurez des vers de terre et des bactéries qui se développeront.

Un dernier mot à ce sujet, j'entends ce que vous dites, moi aussi j'ai lu votre note, je voudrais que vous précisiez ce qu'il en est pour les agriculteurs, car, là on a l'impression que l'on parle théoriquement, on a l'impression qu'il n'y a pas d'humains dans ces termes, qu'il n'y a pas de gens sur les tracteurs qui sont en train de bêcher et qui se suicident en très grand nombre.

Je sais que c'est le cas, mais je voudrais que vous précisiez.

Franchement, c'est un de monde que j'aime, où j'ai mes racines, où j'ai grandi, où je vis et c'est parce que je pense aux agriculteurs, au moins autant que les autres, que je dis : ils ont été blessés les deux dernières décennies par l'accusation implicite qu'eux, qui étaient les amis de la nature et ceux qui la comprenaient le mieux, ils étaient accusés d’en être les ennemis.

Cela a été, pour les agriculteurs, quelque chose de extrêmement douloureux, donc comme le monde a besoin de produits agricoles en quantité et en qualité, alors nous, nous devons être l’agriculture, en Europe et dans le monde capable de produire tout en respectant de très hauts standards d'environnement, à une condition, qui est entre les mains des pouvoirs publics, c'est que l'on n'impose pas aux agriculteurs français ou européens des normes dont on accepte que les autres, les concurrents, ne les respectent pas.

Et, là, on a un problème politique majeur et je sais que le gouvernement y travaille et que c'est sa préoccupation.

Si nous ne faisons pas respecter cet équilibre et cette équité au service des agriculteurs pour qu’ils retrouvent des revenus, c'est évident, le respect par tout le monde de leur profession et le fait qu'ils se sentent de nouveau à l'avant-garde de l'efficacité de l'agriculture et de son inscription dans le respect de la nature, ce qu'ils ont toujours fait.

Par ailleurs je précise, c'est important, les notes du Haut-Commissariat sont disponibles sur Internet. Ceux qui veulent les lire peuvent les trouver.

Revenons sur les régionales.

Les résultats qui n'ont pas été bons pour le parti du Président de la République, la République en Marche, un parti qui ne trouve pas son ancrage, Gérald Darmanin, par exemple, a déclaré qu'à En Marche il faudrait faire un peu moins de visio et plus de bistrot.

Vous, vous êtes le patron du Modem. Votre parti à vous a de l’ancrage même si Marc Fesneau n'a pas cartonné non plus…

Il a fait 17 %, c’est-à-dire le meilleur score réalisé par une liste de la majorité.

Il pensait pouvoir gagner la région.

Enfin, bon. Faut-il que ce parti se rénove complètement, change ses pratiques ? Je parle de la République En Marche ?

Moi, je parle de la majorité. Je pense que, dans les résultats de ces élections, il y a eu deux messages : un message à l'endroit de la démocratie française, peut-être les médias, vous y êtes aussi, mais de tous ceux qui sont les acteurs de la démocratie française, et notamment les acteurs institutionnels, les pouvoirs successifs.

Les gens ont dit quelque chose de simple je crois. Ils disent : votre truc, là, régionales, départementales, on n'y comprend rien.

Et même si je faisais une interrogation écrite sur ce plateau, je ne suis pas sûr que j'obtiendrais par exemple sur les modes d'élection, sur la loi électorale, des explications sur ces sujets-là, et vous savez qu'il y en a deux.

On risque de perdre les téléspectateurs, mais on fera ce quizz après l'émission !

Les électeurs disent : Il y a des scrutins de liste, on ne connaît personne. Par ailleurs, il y a des tickets mixtes avec quatre personnes sur le ticket, et ce n'est pas la même loi électorale et on ne sait pas ce qui se passe.

On ne sait pas quelle est la différence entre les départements et les régions.

Cela, c’est le premier message : on n’y comprend rien, si vous ne simplifiez pas cela, nous, on décroche.

Je ne crois pas que cette absence de vote soit un désintérêt, je pense que c'est une abstention de sécession.

C'est : on ne veut plus que vous nous preniez comme otage d'élections auxquelles on ne comprend rien et qui ne changent pas le monde.

Cela, c'est le premier message.

Deuxième message : il y a un message à l’endroit des forces de la majorité. Il ne faut pas faire semblant de se cacher derrière son petit doigt.

Il y a un message de… Ce n'est pas identifié pour les électeurs, il n'y a même pas d'étiquette commune. Sur les bulletins, il n'y avait pas une étiquette qui permette de reconnaître les moutons dans sa bergerie.

On ne sait pas qui est qui, on évitait dans la plupart soigneusement de dire quelle était l'orientation de ces listes. Je pense que c'est une erreur.

Je pense qu'il faut reconstruire une identité.

Il faut regrouper ?

Je pense que cette identité doit être fondée en effet sur des rassemblements, une manière de vivre-ensemble plus large.

Cela fait des mois que l'on en entend parler de cela, la maison commune.

Quand allez-vous le faire ?

Vous aurez observé que, si c'était facile, probablement, cela aurait été fait plus vite.

Là, il me semble qu'il y a besoin, et c'est pourquoi je parle de ce grand courant démocrate à la française, d’un grand parti démocrate à la française qu'il faut construire en respectant ce que chacun est et en respectant ce que chacun a : comme le verbe être et le verbe avoir.

Je pense que si ces deux précautions sont remplies, alors on peut avancer.

Il faudra le faire à la rentrée.

Une petite question pour vous, François Bayrou, puisque vous êtes chef de parti.

Est-ce que, pour vous la primaire est la meilleure façon de départager les candidats d'un parti et très accessoirement quels conseils vous donneriez à Xavier Bertrand ?

D'abord sur la primaire, est-ce le moyen le plus efficace ?

C'est le pire.

J'ai ma réponse !

Ce n'est pas que je sois du côté des uns ou des autres, c'est le pire, mais parfois il est inévitable.

Là, est-ce qu’il est inévitable ?

Je n'en sais rien. Vous pouvez m’accuser de beaucoup de choses, mais pas d’être membre des Républicains.

Vous pouvez avoir un avis.

Toute ma vie politique a été construite autour d'un pilier, c'est que, la vie politique, c'est un pluralisme.

Il y a une gauche, plusieurs gauches, il y a des écologistes, il y a une droite, l'extrême-droite, et il y a un centre.

Et, toute ma vie politique, j'ai refusé la confusion entre centre et droite.

Quand on vous dit : candidat de la droite et du centre avec des traits d'union entre les deux, c'est une escroquerie parce que, si vous êtes d'un côté, alors vous n'êtes pas centre. Je suis pour l’autonomie du centre, du grand courant Démocrate et républicain qu’on est en train de construire.

Si vous considérez que l'on ne peut pas être du centre de la droite, est-ce qu’Emmanuel Macron est à droite, du coup ?

Non ; Emmanuel Macron est la figure de proue de ce grand courant en Europe, pas seulement en France et le Parti démocrate est au pouvoir aux États-Unis et quand vous regardez Joe Biden, les propos qu'il tient et les décisions qu'il prend son exactement à l'équilibre de ce courant central qui mérite d'être identifié et enraciné.

J'ai toujours plaidé cela.

Vous vous souvenez que je venais à Toulouse un jour il y a longtemps pour dire : vous dites que l'on pense tous la même chose ; si on pense tous la même c’est que l'on ne pense plus rien.

Je crois à l'identité et à l'autonomie du grand courant central et ; en effet, je dis depuis le début que, les primaires, cela ne me paraissait pas la meilleure solution. Parfois, il n'y en a pas d'autres.

François Bayrou, je vais vous obliger à vous remémorer un souvenir désagréable. En 2017, vous êtes garde des Sceaux et vous prenez la décision de démissionner.

Non.

De quitter le gouvernement parce que, dans cette conférence de presse, vous dites : il y a des soupçons qui pèsent - c'est le sujet des attachés parlementaires, parlement européen et Modem - il y a des soupçons qui pèsent et qui vont gêner l'action du gouvernement.

Il y a une loi très importante : Moralisation de la de vie publique et vous dites : Dans ces conditions, il faut quitter ce gouvernement.

Je ne comprends pas bien et peut-être pourrez-vous m’expliquer, quelle est la différence avec la situation qui est celle de M. Éric Dupond-Moretti aujourd'hui ? Il fait l'objet d'une enquête de la Cour de Justice de la République, qui est convoqué le 16 juillet prochain en vue d'une mise en examen et dont on nous explique que, quoi qu'il arrive, il ne démissionnera pas.

Quelle est la différence, François Bayrou ?

La différence, c'est l'idée que chacun se fait de son engagement.

Je précise. Nous n'avons pas démissionné, simplement nous avons dit au Président de la République, j'ai dit, Marielle de Sarnez a dit et Mme Goulard aussi, nous avons dit au Président de la République que nous ne participerions pas au gouvernement qu'il allait former.

Enfin, vous avez quitté le gouvernement.

J'ai quitté en effet ces fonctions qui étaient passionnantes, pour lesquelles j'avais des idées, pour une raison simple, j'ai pensé, moi, je ne dis pas que les autres doivent penser la même chose, que je ne pourrais pas exercer sereinement mes fonctions avec cette pression, ce perpétuel soupçon avec la sortie d'informations. Je m'empresse de dire que, dans notre cas, et je le maintiens aujourd'hui devant vous, toutes ces accusations sont fausses et que nous aurons l'occasion, j'espère, un jour, de le prouver.

L'instruction est toujours en cours ?

Oui je n'en ai pas de nouvelles depuis 18 mois.

Pourquoi est-ce que M. Dupond-Moretti pourrait exercer sereinement le poste de ministre de la Justice alors qu’il est lui aussi sous le coup d'une enquête ? Pour des accusations assez lourdes.

C'est à lui et au Président de la République qu'il convient d'en décider.

Moi, j'ai décidé pour moi-même pour mon propre cas, j'ai décidé avec détermination, je l'ai dit au Président de la République dès que l'enquête a commencé à sortir, mais le Président de la République et le garde des Sceaux peuvent avoir un autre jugement - je comprends très bien ce qu'ils ont en tête - c'est : on ne peut pas laisser des juges décider de la formation d'un gouvernement parce que c'est d'une certaine manière trop facile.

Vous lancez des accusations, des enquêtes, des mises en examen et faisant fi de la présomption d'innocence, eh bien vous vous trouvez obligés de quitter le gouvernement.

François Fillon par exemple a eu raison de se maintenir, candidat à l’élection présidentielle en 2017, quand il a été mis en examen.

La situation de François Fillon est aujourd'hui éclairée par…

Par la suite, il a été condamné, mais pendant la campagne présidentielle on est sur une mise en examen. Il est présumé innocent.

Il n'était membre de l'exécutif.

Non, mais il s’est maintenu candidat.

Chacun juge pour lui-même.

Si Éric Dupond-Moretti est mis en examen vendredi, est-ce que, selon vous, il pourra rester à son poste ?

Est-ce que vous pensez qu'il y a une revanche des juges ?

Je crois qu'il y a eu beaucoup de déclarations hostiles quand M. Dupond-Moretti a été nommé, et cela éclaire d'une certaine manière l'ambiance.

Mais c'est à lui de décider, c'est au Président de la République de décider.

Cela nous ramène potentiellement au désintérêt des Français pour une partie de la chose politique, avec, au-delà du fond que vous venez d'évoquer avec justesse, il y a des déclarations qui sont faites par des gens qui arrivent au pouvoir, qui réclament d'être des modèles, qui réclament d'autres modèles de société, ce qui était le cas d’Emmanuel Macron.

J’ai voté la moralisation de la vie publique.

Pour les citoyens, lorsqu'ils assistent ensuite à cela, cela crée forcément un minimum de défiance. A minima, c'est une défiance.

Vous avez raison, mais il faut aller plus loin, car la défiance aujourd'hui porte au moins autant sur la justice que sur l'attitude de ces justiciables particuliers que sont les membres du gouvernement.

Moi, je pense qu'il y a une ambiguïté et la justice, ou certains de ceux qui la commentent, la vivent ou la souhaitent comme un contre-pouvoir.

Pour moi, la justice, ce n'est pas un contre-pouvoir ; la justice, c'est une autorité impartiale. Elle n'est pas là pour dézinguer les pouvoirs, pour les fragiliser, pour montrer que ce sont des colosses aux pieds d'argile, ils le sont, l'univers médiatico-réseaux sociaux, sortie de documents déformés, c'est un piège perpétuel.

Ils sont en effet fragiles, mais la justice devrait être là pour assurer l’impartialité, et notamment pour différencier ce qui est grave de ce qui ne l'est pas.

Un dernier mot sur la date de l'élection présidentielle.

On en a beaucoup parlé. Est-ce que vous pensez que c'est a priori sur la table, mais on le sait selon d'excellentes informations de notre confrère David Doukhan, ce ne serait pas forcément les 10 et 24 avril. En tous les cas, c’est ce que nous avons entendu.

Est-ce que cette date vous paraît, en fonction des ponts du 1er mai, des vacances, etc. comme la meilleure des dates, ou la pire des dates pour reprendre votre propos.

On a le choix entre 10 et 24 avril et 17 et 1er mai.

Vous voulez savoir le fond de ce que je pense ?

Oui.

Je m'en fiche.

Ah bon !…. (rires)

Cela n'empêchera pas l'immense construction dramatique qu'est toujours une élection présidentielle, quelle que soit la date.

On a toujours les mêmes coups de théâtre, les mêmes bouleversements, pour une fonction qui en effet mérite que l'attention du pays se porte sur elle.

Je reconnais que, le 1er mai, les gens ont l'habitude de partir, cela fait un très long week-end, mais sur le fond, cela ne changera rien.

Merci beaucoup François Bayrou d'avoir été notre invité pour cette dernière de la saison de BFM politique.

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