François Bayrou, invité de Ruth Elkrief sur LCI

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Ruth Elkrief sur LCI ce mardi 14 juin à 20h40.

Seul le prononcé fait foi.

Bonsoir à tous, nous sommes à j-5 avant le second tour des élections législatives et si vous nous rejoignez, nous sommes ensemble depuis 20 h jusqu'à 22 h pour vous faire vivre cette campagne de l'entre deux tours.

Bonsoir François Bayrou et merci d'être notre invité.

Bonsoir.

Vous êtes le Président du Modem, le Maire de Pau, soutien et allié de la première heure d'E. Macron, depuis son élection de 2017.

Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Vous l'avez entendu tout à l'heure, nos chroniqueurs, nos éditorialistes, nos experts de la politique disaient : "Il n'y a pas de campagne. François Bayrou, Édouard Philippe et d'autres personnalités auraient pu faire un meeting, se seraient exprimés".

Vous êtes là sur ce plateau, merci.

On va peut-être faire des meetings aussi.

Vous allez faire des meetings ?

Oui.

Avec Édouard Philippe, Richard Ferrand ?

Richard Ferrand est dans sa circonscription.

Il sera avec nous en direct à 21 h 30 depuis le Finistère.

Je le salue.

Vous allez donc faire un meeting avec Édouard Philippe ?

Oui, et peut-être d'autres, bien sûr.

Dans les jours qui viennent ?

Oui.

D'accord. C'est juste. On est à - 3 jours.

Dans une campagne législative comme celle-ci, qui suit l'élection du Président de la République, l'entre deux tours, cela paraît très bref quand on est journaliste, mais, en réalité, du point de vue de la manière dont réfléchissent les Français, c'est assez long pour que quelque chose se passe.

C'est aussi je crois ce qu'a pensé le Président de la République en intervenant aujourd'hui.

Sur le tarmac, avant de prendre l'avion pour aller en Roumanie, en Moldavie et peut-être à Kiev ‑ on le verra ‑ cette prise de parole est une forme de dramatisation organisée, prévue, bien pensée ou une improvisation, car "c'est la panique et il y a le feu à la maison" ?

Je ne crois pas du tout que ce soit une improvisation.

Il faut mesurer que nous sommes à 15 jours exactement aujourd'hui, à 2 semaines de la fin du mois de juin, fin du mois de juin où la France, le Président de la République française va quitter sa responsabilité de Président du conseil de l'Union européenne, présidence marquée par la guerre, par le déclenchement… stupéfiant du point de vue de l'histoire et de tous ceux qui suivent…

Ce voyage était indispensable entre les deux tours de l'élection législative ?

Peut-être aurait-il pu le faire avant, je n'en sais rien, mais je sais avec certitude qu'il devait faire ce voyage, qui va le conduire à aller très, très près de la guerre.

À Kiev.

C'est ce que vous dites et que je crois logique.

À Kiev, donc.

Il ne pouvait pas quitter le sol français sans avoir dit quelque chose sur les élections législatives, me semble-t-il.

Ce n'était pas prévu et donc organisé à la dernière minute, car en regardant les chiffres, "il y a un peu le feu à la maison" !

Ce n'était pas prévu par vous, mais il peut se faire que des événements non prévus par vous, le soient, cependant, par d'autres.

Tant mieux, mais vous me dites que ce n'est pas une marque de fébrilité ?

Je ne crois pas. Si je ne le croyais pas, je ne vous le dirais pas.

Que se passe-t-il ? Il se passe une chose gravissime, extrêmement lourde de conséquences.

Nous allons voter pour le deuxième tour de l'élection législative, alors que tout le monde a l'air de considérer que c'est un événement secondaire.

Le Président de la République, le premier.

Or, il se trouve, à mes yeux en tout cas, je parle pour moi-même, il se trouve que je n'ai jamais connu d'élections législatives aussi dangereuses que celle-ci, dont les conséquences seront aussi lourdes que celles-ci, car nous sommes devant une situation inédite, sans précédent.

Aujourd'hui, la France, pays leader dans l'Union européenne, qui a joué un rôle majeur dans cette affaire de traitement de la guerre, qui se trouve aux premières loges des événements qui vont se produire, et devant deux crises que nous n'avons jamais connues depuis 50 ans : la première de ces crises, c'est la guerre aux portes de l'Europe et, en fait, en Europe, car l'Ukraine, en fait, c'est l'Europe, la guerre en Europe déclenchée par une superpuissance militaire contre un État qui n'avait pas prévu de se défendre sur ce sujet, la superpuissance se jetant sur l'Ukraine comme une proie.

Quel rapport avec nos législatives ?

Vous allez voir. Laissez-moi dérouler.

Il se trouve que cela entraînera des conséquences absolument considérables, par exemple, en crise économique.

Lorsqu’on quitte un monde où les frontières étaient sûres pour entrer dans un monde où les frontières ne sont plus sûres, à ce moment-là, les incertitudes surgissent absolument de partout et ces incertitudes, vous voyez bien la Finlande et la Suède ont décidé de rejoindre l'OTAN, alors qu'elles étaient neutres, vous voyez que, dans tous les esprits, la possibilité de la guerre est revenue.

Cela va entraîner une crise économique et une crise, par exemple, alimentaire, car il faut savoir que l'Ukraine nourrit une grande partie de la planète : 40 millions d'habitants qui en nourrissent 400 millions et notamment au sud de la Méditerranée, en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne.

En même temps, il y a une deuxième crise : l'inflation, que l'on n'avait pas connue depuis 40 ans à ce degré-là. Les instances économiques prévoient 10 % pour l'Europe, d'inflation au mois de décembre.

Ces deux crises-là, nous sommes menacés de ce que la France doit les affronter en n'ayant plus de majorité ou en ayant une majorité qui est une dérive de la pensée, qui dit n'importe quoi, qui promet n'importe quoi et qui promet du dangereux pour le pays.

Vous parlez de la Nupes ?

Oui, il n'y a que deux majorités possibles aujourd'hui : la majorité autour du Président de la République, et cette majorité, je ne sais pas ‑ comment on peut dire - décousue, dangereuse, qui s'est groupée autour de J-L. Mélenchon.

Ce sont les deux seules majorités possibles et ces deux seules majorités possibles, je ne sais pas si vous voyez ce que c'est. J-L. Mélenchon prévoit de dépenser - accrochez-vous à votre siège !- 250 Md€ chaque année… ! Le chiffre passe très vite, 250 Md€, mais moi, qui suis fan de calcul mental, 250 Md€, c'est 250 000 M€ supplémentaires. On les trouve où, ces 250 000 M€ ?

Certains disent : "On va remettre l'impôt sur la fortune". Soit. Savez-vous combien c'est ? 3 Md€. 250 Md€ et on vous propose de les compenser par 3 Md€ ?!

Tout ceci est une mise en danger du pays !

Il réplique que le programme d'E. Macron n'est pas spécialement économe et qu'il y a aussi beaucoup de dépenses.

Une chose certaine : il ne dépense pas 250 Md€ de plus.

J'étais récemment avec un ami d'ami, boulanger. Cet ami d'ami, boulanger, disait une chose très simple : "Écoutez, Monsieur Bayrou, c'est facile, si on m'oblige à monter le Smic de mes employés à 1 500 € nets, c'est-à-dire à 1 850 € chargés ou approchants et, si, en même temps, on me bloque le prix de la baguette"… C'est ce qui est annoncé.

Blocage des prix et augmentation du Smic, c'est le programme de la Nupes.

"C'est simple, je ferme la boutique".

Chacun peut demander à son voisin commerçant : "Peut-on faire cela, jouer en même temps l'augmentation massive des charges et le blocage des prix ?"

On a fait cela dans l'histoire. Cela a constamment créé des crises ingérables.

Une fois que l'on dit cela, est-ce qu’on laisse faire ? Est-ce que l'on dit que cela n'a pas d'importance ? Je crois que le devoir de tout responsable est de dire, non seulement cela a de l'importance, mais dans les temps que nous vivons aujourd'hui et que nous allons vivre aujourd'hui, c'est, devant le pays, une responsabilité comme il n'y en a pas eu depuis très longtemps et si je ne le pensais pas, Ruth Elkrief, je ne vous le dirais pas.

Je trouverais plein d'autres propositions.

Vous ne seriez pas là.

Tout de même, le message envoyé par les électeurs, dimanche soir ‑ et vous le savez très bien - cela n'est jamais arrivé : Un Président réélu qui, au lieu d'avoir un score amplifié par les législatives, dans la suite de son élection, voit son score minoré.

C'est un message des électeurs qui dit : "On n'est pas d'accord sur tout, peut-être que l'élection présidentielle, on a été obligé de voter E. Macron, mais on n'est plus d'accord".

Il y a de cela, c'est vrai, mais comment pouvez-vous dire que ce n'est jamais arrivé ?

Cela s'est passé en 1988 avec F. Mitterrand. Il est réélu, dans une situation bien meilleure que celle d'E. Macron, car il est réélu alors que, depuis l'Élysée, il est chef de l'opposition.

Son score aux législatives, nous l'avons vérifié. Le PS a un très bon score et c'est, car il n'a pas fait d'alliance avec le Parti Communiste qu'il a moins de députés et une majorité relative à l'Assemblée nationale.

Il a une majorité relative à l'Assemblée.

En score et en pourcentage, à l'élection de 1988, il n'a pas un score inférieur.

Ce n'est pas moi qui vais vous dire que le résultat du premier tour est formidable. Je ne le pense pas.

Je pense qu'il y a, en effet, un message des électeurs et il ne faut pas le négliger, mais c'est un message pour des temps paisibles, pour des temps où nous ne risquons pas les gros accidents.

Or, là, nous les risquons.

Je suis, excusez-moi de dire cela, envahi par ce sentiment de risque. Je vois les crises qui viennent. Je vois le pays fracturé comme il ne l'a jamais été. Cela fait 30 ans que cela dure. 30 ans que d'élection présidentielle en élection présidentielle, on voit que s'aggravent les symptômes de la fracture du pays.

Pourquoi a-t-on eu l'impression qu'il n'y a pas eu de campagne avant le premier tour ? Qu'il n'y a pas de chef de majorité qui a fait campagne.

Pourquoi a-t-on l'impression que, pour le Président de la République, une fois qu'il avait été élu, finalement, tout devait couler de source ?

Je ne suis pas à la place du Président de la République, vous lui poserez la question, mais je pense qu'il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites, quelque chose de vrai, dans le fait, que, au fond, probablement, on a eu l'impression que la victoire aux législatives suivrait mécaniquement la victoire à l'élection présidentielle.

Comme vous le savez, je ne l'ai jamais pensé. J'ai toujours eu le sentiment qu'il n'existe aucune bataille sans qu'on la livre vraiment du fond de ses tripes.

Est-ce que c'était attendre trop longtemps pour nommer un gouvernement ? Est-ce le bon gouvernement ? Ses membres ? Son chef ?

Est-ce un gouvernement de combat pour les crises que vous exposez ?

J'espère bien que c'est un gouvernement de combat.

Je suis absolument certain que tout cela impose une mobilisation générale, dans laquelle nous devons tous faire passer autant que nous le pouvons le sentiment qu'il y a eu des humeurs, de mauvaises humeurs, peut-être des reproches justifiés - tout cela, je veux bien l'entendre -, peut-être une absence de campagne aussi politique que l'on devrait la conduire.

Tout cela, je veux bien l'accepter, mais c'est le destin du pays qui est en train de se jouer aujourd'hui et je n'ai pas souvenir d'une période aussi dangereuse que celle-là.

Mettez-vous, vous aussi, comme le Président tout à l'heure avant de s'envoler un signe "égal" entre M. Le Pen et J-L. Mélenchon, lorsqu'il dit que pas une voix ne doit manquer à la république ?

La république, qu'est-ce que c'est ? Ces deux notions.

La république, ce sont des valeurs. Toutes les personnes qui passent leur temps à semer des haines, des détestations, des violences dans la société, par les mots, par les gestes, par les regards, tous ceux-là manquent aux valeurs de la République.

Il y a une deuxième notion : la République, c'est la vérité. En tout cas, la démocratie, c'est la vérité.

Présenter au pays, s'avancer devant le pays avec des analyses et des promesses qui sont absolument illusoires et nuisibles, c'est manquer à cette valeur-là.

La démocratie exige la vérité entre gouvernants et citoyens. La démocratie, ce sont les cartes qui doivent être sur la table et pas sous la table.

C'est un débat d'idées projet contre projet auquel nous n'avons pas assisté.

Vous, vous dites cela et, moi, je ne dis pas cela.

Un débat projet contre projet, c'est un projet faisable contre un autre projet faisable. Si vous avez un projet faisable contre un projet infaisable, nuisible, dangereux pour l'unité du pays et grave pour ceux qui le soudent et avec, au bout du compte, des désillusions et des crises accentuées, alors vous n'êtes pas dans un projet réaliste et estimable.

Un projet réaliste projet contre projet, cela me va très bien.

C'était les partis des gouvernements du passé, mais, aujourd'hui, les Français ont choisi d'autres représentants.

Oui, c'est un constat, mais je ne suis pas là pour faire un constat de journaliste. Je suis là pour dire que le risque que nous encourons tous, dans chaque famille.

Quand on parle de l'inflation, on croit que c'est abstrait, mais l'inflation, c'est la valse des étiquettes au supermarché et le fait que vous ne pouvez plus emprunter pour acheter une maison, car les prix ne tiennent plus.

En outre, les investisseurs ne viennent plus. Il n'y a plus de création d'entreprises ou beaucoup moins, de création d'emplois ou beaucoup moins.

Ce n'est pas un risque que l'on trouve dans l'atmosphère, ce n'est pas un risque théorique. C'est un risque vital pour chacun d'entre nous.

Vous nous dites finalement, F. Bayrou, que le Président de la République, la majorité, Ensemble, à laquelle vous participez largement, risque de ne pas avoir la majorité absolue ou la majorité du tout la semaine prochaine.

Oui. Bien sûr.

Comment cela se passerait-il ?

J-L. Mélenchon a écrit quelque chose tout à l'heure : "S'il n'y a pas de majorité absolue, en toute hypothèse, il n'aura pas la majorité absolue - parlant d'E. Macron -, soit nous l'emportons, soit il devra passer aux magouilles avec les Républicains maintenus et les anciens de chez les Républicains comme E. Philippe".

Est-ce ainsi que cela va se passer ?

S'il n'y a pas de majorité dans des temps difficiles comme cela, nous sommes partis pour une danse, autrefois, on disait la danse de Saint-Guy, une espèce d'agitation frénétique, de psychologie fragile.

Oui, nous sommes partis pour la gloire, car vous aurez des discussions sur chaque texte. Toute différente est la situation dans laquelle on a un mode de scrutin donnant à chacun sa représentation et, entre les partis, le Président de la République fait une alliance.

C'est la coalition avec la proportionnelle que vous proposez.

Cela, c'est possible, mais, là, vous risquez de vous trouver avec un bloc central…

Minoritaire.

… Qui n'aurait pas la majorité et deux blocs périphériques ou latéraux - extrême-droite, extrême gauche - qui feraient tout pour que le gouvernement échoue.

C'est une situation que nous ne pouvons pas supporter, pour notre pays et pour nos enfants, en tout cas que nous avons le devoir de ne pas supporter.

Peut-être que si cela donne des débats, des discussions de fond, des accords ponctuels, un débat démocratique, alors que certains disent que l'Assemblée est constituée de "godillots", de Playmobil, ce serait mieux ?

Vous ne pensez pas un mot de ce que vous dites.

C'est bien de poser des questions.

C'est mon rôle.

Oui, mais vous savez bien que ce n'est pas cela.

Avez-vous vu le bazar à l'Assemblée avec un groupe de 17 dont le but était, en effet, de semer le bazar, de faire échouer, de retarder. 

Là, nous serons dans une situation complètement différente. Par exemple, tout montre que les Insoumis, comme dit J-L. Mélenchon, auront le deuxième groupe de l'Assemblée.

Or, au deuxième groupe de l'Assemblée il est attaché une prérogative : la Présidence de la Commission des finances.

De loin, cela paraît légitime et sympathique, mais le Président de la Commission des finances a des prérogatives et il peut, par exemple, interrompre une discussion, refuser de siéger à un moment crucial.

On peut avoir des éléments de paralysie de l'Assemblée nationale et déjà l'Assemblée nationale, ce n'est pas d'une efficacité formidable. Nous sommes d'accord.

Je pense qu'il y aurait beaucoup à faire pour que cela aille mieux, décide mieux.

Tout ceci, dans les crises que je décrivais et dans le pays fracturé comme nous le voyons ?!…

Aujourd'hui, vous dites donc à tous ceux qui ont voté pour E. Macron contre M. Le Pen qu'en fait, leur choix d'aujourd'hui qui serait pour la Nupes n'est pas légitime.

Ils ont pourtant apporté leur soutien au moment vital pour défendre la république, de leur point de vue.

Je ne prends pas des formules qui soient excessives. J'essaie de voir quelle est la réalité des enjeux.

La réalité des enjeux, c'est que, dans le monde si dangereux où nous vivons, où nous allons vivre encore davantage, dans ce monde si dangereux, la France ne peut pas se retrouver avec des institutions paralysées.

C'est aussi simple que cela.

Je ne fais de procès ni aux uns, ni aux autres. Je connais J-L. Mélenchon depuis longtemps. Nous avons même sympathisé à différentes reprises dans des débats et des combats.

Aujourd'hui, il est dangereux ?

Oui, les propositions qu'il a décidé de faire… 

C'est simple, un leader politique qui vient sur vos écrans et qui dit "La police tue", je ne sais pas si vous vous rendez compte, un leader politique qui dit je vais supprimer la Bac.

Je suis maire. J-L. Mélenchon ne l'est pas et ne l'a jamais été. Je suis maire d'une ville importante.

Connaissez-vous un maire qui puisse venir sur vos écrans et dire : "On va supprimer la Bac (brigade anti-criminalité)" ?

Je vais vous dire pourquoi. 

Un maire, quand il a des quartiers difficiles - c'est le cas d'un certain nombre d'entre nous -, son premier choix, c'est : "Est-ce que je lutte contre les trafics de drogue ou pas ?". Si oui, cela provoque des vagues d'agressions contre les policiers, contre les pompiers, contre les soignants, des guets-apens, des caillassages.

Or, que faites-vous si vous n'avez pas de Bac ? Quel est votre moyen d'action ?

Il dit : "Je veux désarmer la police".

J'ai armé la police municipale à Pau. Je vais vous dire pourquoi en deux phrases.

J'étais entré dans cette fonction, comme certains de ses amis, en me disant : "Je préfère que la police municipale ait des armes, par exemple les flash-balls ou les tasers", non létales, donc non mortelles, si on s'en sert.

Et puis, un soir de 14 juillet, il y a eu l'attentat de Nice où un camion a pris en enfilade la Promenade des Anglais.

À Pau, nous avons le boulevard des Pyrénées, qui exactement, et pour des raisons historiques, semblable, le symétrique de la Promenade des Anglais.

J'ai dit : "Avec des tasers ou des flash-balls, ils n'arrêteront pas un camion".

J'ai donc armé la police municipale et quand J-L. Mélenchon dit qu'il veut la désarmer, quel signe envoie-t-il ?

Pour moi, c'est un signe de découragement pour les forces de l'ordre et d'encouragement à ceux qui, perpétuellement, veulent les mettre en échec.

Lorsque le gouvernement d'E. Borne a été nommé, on a remarqué qu'il y avait un seul Ministre et un Secrétaire d'État, alors que vous aviez cinq Ministres dans le précédent.

Vous avez regretté un peu cette absence de Ministres.

À demi-mot, mais à plein sens.

Assez clairement.

Dites-vous ce soir : "Demain, finalement, E. Macron, il faudra qu'il compte avec le Modem, il faudra que le Modem soit représenté dans ce gouvernement, dans cette Assemblée nationale, il faudra qu'il compte avec E. Philippe, qu'il gouverne autrement, avec nous, en discutant avec nous et en nous donnant notre juste place".

Je crois avoir déjà dit sur votre plateau que je ne fais jamais de chantage.

Je trouve que le chantage est déshonorant. Je trouve que passer son temps à vouloir vendre quelque chose en échange de quelque chose d'autre, c'est peut-être l'économie de marché, mais ce n'est pas la démocratie comme je la rêve.

En revanche, il est évident qu'il faut un équilibre. Il est évident que la majorité ne réussira pas s'il n'y a pas un engagement plein et entier des trois forces qui la forment, d'inégale importance, mais cependant ayant chacune leur contingent de représentants et chacune leur vision de l'avenir.

Pour moi, je sais qu'il faudra un équilibre de cet ordre, mais il faudra un équilibre de cet ordre si nous avons la majorité.

Si nous n'avons pas la majorité, comme je vous le disais, nous sommes partis pour des aventures que nous regretterons longtemps.

Vous vous êtes rapproché d'E. Philippe ?

Nous n'avons jamais été fâchés, mais disons que nous avons plus partagé de choses ces derniers temps qu'auparavant.

Une forme de déception ?

Ce n'est pas ce que je dirai.

E. Philippe ne faisait pas partie de l'aventure de 2017. L'aventure de 2017 a créé - R. Ferrand va être sur votre plateau dans un moment - de l'amitié et de l'enthousiasme.

Lorsqu'E. Philippe a été nommé, quand il a créé son nouveau parti, certaines personnes expliquaient que c'était pour faire des épreuves de force à l'intérieur.

Je n'ai jamais été pour les épreuves de force à l'intérieur.

En revanche, quand on peut être en partage d'un certain nombre de visions, quand on peut échanger réellement sur la situation, j'ai un point de vue qui est : "Il faut que tout le monde soit à la tâche".

En aucune manière je n'ai jamais accepté de m'antagoniser à l'intérieur d'une majorité.

Nous avons fait, E. Philippe et moi, ce qu'il convenait de faire pour qu'il n'y ait pas d'antagonisme et qu'au contraire, nous puissions nous enrichir mutuellement de nos différences, comme on dit assez souvent, quand on fait de la langue de bois.

Vous êtes redevenus "copains" et vous allez travailler ensemble, peut-être même peser face à E. Macron, en lui disant : "Attention, on aimerait ceci ou cela".

Ce n'est pas du chantage. Ne recommençons pas.

Ce n'est pas "redevenus copains", c'est devenu partenaires, car nous ne nous connaissions pas avant et peut-être nous connaissons-nous mieux maintenant.

Merci beaucoup, F. Bayrou, d'être venu sur ce plateau.

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