François Bayrou : "Ne faisons pas un service public pour donner la mort"
Loris Boichot pour Le FigaroCatholique et héritier du courant démocrate-chrétien, le patron du MoDem fait part au Figaro de ses réticences vis-à-vis du projet de loi qu’Emmanuel Macron souhaite d’ici à l’été. Entretien de François Bayrou dans Le Figaro.
François Bayrou est descendu au fond de la tombe. Dans le cimetière de Bordères, son village des Pyrénées-Atlantiques, les années 1980 viennent de commencer et il pleure son voisin défunt. Une messe vient d’être célébrée en sa mémoire. Une foule, massée au-dessus de la fosse, observe le cercueil y glisser.
En contrebas, le jeune Béarnais s’en saisit pour l’y ensevelir. Ces derniers jours, il a veillé le corps pendant que les femmes l’ont toiletté. Il en a l’habitude: dans les villages pyrénéens, il n’y a pas encore de pompes funèbres. «Mettre en terre des amis, j’ai fait ça avec les mains qui sont là», dit François Bayrou quarante ans plus tard, les paumes ouvertes. Dans cet «autre monde» désormais révolu, explique-t-il, «non seulement la mort faisait partie de la vie, mais la prise en charge de la mort était une obligation civique».
De ces années-là, ce père de six enfants, à la foi catholique intacte, affirme avoir conservé «une autre vision» de la mort. À 71 ans, il la «déteste» toujours - même s’il assure n’en avoir peur que pour ses proches. Il a surtout gardé une idée fixe: «Je ne veux pas être du côté de la mort.»
Ni euthanasie, ni suicide assisté: à l’approche du projet de loi sur la fin de vie qu’Emmanuel Macron a demandé «d’ici à l’été», ce partenaire du chef de l’État pose ses limites. Comme d’autres opposants à un changement de la législation, il vante l’actuelle loi Claeys-Leonetti, suffisante à ses yeux. «Nous avons une loi pour accompagner ce passage vers la mort, mais ne faisons pas un service public pour donner la mort», appuie le président du Mouvement démocrate (MoDem). Le modèle belge, qui autorise l’«euthanasie active», le hante: «Cela heurte une part de ce que nous avons de plus précieux.»
La voix du centriste détonne dans le camp présidentiel. De la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, jusqu’à des figures de l’aile gauche macroniste, nombreux sont ceux qui pressent Emmanuel Macron de faire évoluer la loi.