Bruno Fuchs : « Il y a une intimidation forte de la part de l’administration Trump »

Propos recueillis par Romain Sanchez
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Une délégation parlementaire française menée par Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin et président de la commission des affaires étrangères, a effectué fin mars une visite diplomatique afin de rencontrer des élus américains à Washington. Après trois jours passés dans le centre névralgique de la vie politique étasunienne, le député partage son analyse au « Nouvel Obs » sur une classe politique inquiète et attentiste. 

Vous étiez présent aux Etats-Unis au moment de la polémique sur la fuite de renseignements au journal « The Atlantic ». Comment ont réagi les gens que vous avez rencontrés ?

Il faut comprendre que les gens – pas les élus, mais la plupart des personnes qu’on a rencontrées – ont peur à Washington.

Il y a une intimidation forte de la part de l’administration Trump qui fait que les gens ont peur, parce que s’ils parlent trop, ils peuvent perdre leur emploi s’ils sont fonctionnaires.

Ils peuvent aussi perdre leurs financements s’ils sont dans un think-tank, un média ou une université. Et donc, ils parlent très peu. Les chefs d’entreprise, qui sont par exemple pénalisés par les droits de douane, on ne les entend pas non plus parce qu’ils s’alignent tous sur Trump, et ne veulent surtout pas se mettre en avant pour ne pas qu’il les prenne en grippe et qu’ils aient à en subir les foudres. C’est très surprenant pour une démocratie aussi ancienne.

Dans quel état se trouvent les démocrates depuis la réélection de Trump ? Pourquoi ne les entendons-nous pas s’opposer fermement à sa politique ?

Ils sont extrêmement inquiets de l’état dans lequel la démocratie évolue aux Etats-Unis. Ils voient bien que le pays leur échappe et que Trump prend des décisions qui ne sont pas conformes à la Constitution ou même à la tradition.

Le deuxième élément, c’est que je ne les sens pas aujourd’hui organisés pour répliquer. Leur idée est un peu d’attendre les élections de mi-mandat, parce qu’ils considèrent qu’il est aujourd’hui trop tôt pour être entendu.

(...)

Franchement, on peut comprendre qu’ils aient du mal à s’organiser, il n’y a pas de voix forte qui parvienne à émerger.

On a l’impression que les démocrates sont vraiment sonnés par la défaite.

Toute la génération de Biden, de Nancy Pelosi, est en train de prendre sa retraite. Il y a donc aussi un problème générationnel et de connexion à leur électorat.

De ce que vous avez pu voir en rencontrant des élus du Parti républicain, comment se positionnent-ils ? Sont-ils tous de fervents soutiens de Donald Trump ?

Je pense qu’il y a en gros, trois grands groupes qui se disputent l’influence de Trump, ce qui explique peut-être le zèle de certains et aussi parfois, les incohérences des décisions d’un jour à un autre.

Il y a tout d’abord un groupe des républicains plus âgés, qu’on appelle les « reaganiens » [en référence à Ronald Reagan, président de 1981 à 1989, NDLR]. Ils sont dans une ligne traditionnelle, atlantiste, pro-européenne. Ils sont pro-Ukrainiens sans discussion et sont assez nombreux. Pour l’instant, ils ne parlent pas beaucoup parce qu’ils pensent que la roue va finir par tourner et que le pouvoir finira par revenir au Congrès où ils réussiront à se faire entendre.

Après, il y a un second groupe, je ne sais pas vraiment comment on pourrait l’appeler, de droite radicale ? Pour ces gens, il n’y a que deux objectifs : l’Amérique et la lutte contre la Chine. Ils veulent renforcer la capacité des Etats-Unis à se défendre (avec leur « Golden Dome », le contrôle sur la frontière mexicaine, etc.) et tout miser en termes de stratégie militaire sur la lutte contre la menace chinoise. Pour eux, tout le reste est secondaire et il faut donc s’en désengager. Ils sont donc assez hostiles à l’Europe.

Enfin, il y a les républicains les plus durs qui sont aujourd’hui assez proches de Trump et qui sont isolationnistes. Ils ne veulent s’occuper que des affaires américaines et se désintéresser de tout ce qui ne concerne pas directement leurs intérêts. Ils ont une vision très clairement de compétition avec tout le monde, et donc de rapport de force.

En tant que président de la commission des Affaires étrangères, que pensez-vous de cette situation ?

C’est inquiétant parce que les réflexes partenariaux n’existent plus, il n’y a pas de visibilité sur ce qu’il va se passer.

On a délibérément des gens qui vous disent « Que le meilleur gagne ». C’est un discours nouveau, qui ne laisse pas de place à l’empathie, à l’affect. Cela change la nature de nos relations.

Une fois que l’on a compris cela, la question qui se pose est donc de savoir comment réagir.

Retrouvez l'entretien complet dans Le Nouvel Obs.

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