Geneviève Darrieussecq : « Je suis favorable à des taxes sur les sucres »
Dans un entretien exclusif livré à La Tribune, Geneviève Darrieussecq, ministre de la Santé et de l'Accès aux soins, explique son projet alors que le budget de la sécurité sociale commence à être examiné par les députés ce lundi 28 octobre en hémicycle.
LA TRIBUNE DIMANCHE - Les arrêts de travail sont dans votre viseur. L'abaissement des indemnités journalières est-il un totem qui ne bougera pas dans les débats ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ - Ma ligne rouge est de protéger les plus fragiles.
Ce budget est celui de la responsabilité dans un contexte national de finances publiques assez dégradées.
Les économies sur les arrêts maladie représentent 600 millions d'euros sur les 4,9 milliards d'euros demandés à l'Assurance maladie. Pour rappel, les personnes en dessous de 1,4 smic de revenus ne seront pas impactées par cette baisse d'indemnités. Et, pour les autres, l'employeur prend en charge dans la plupart des cas. C'est très important pour moi.
Autre mesure controversée : le remboursement des consultations médicales par la Sécurité sociale qui devrait baisser de 70% à 60%. Est-ce intangible ?
Le sujet est sur la table. Personnellement, je pense qu'une baisse de 10%, c'est significatif. Je travaille depuis ma nomination à réduire cet impact. Mais ces 10 points, cela représente un peu plus de 1 milliard d'euros. Je suis ouverte à d'autres options, à condition qu'elles garantissent le même équilibre financier. Je rappelle aussi que la hausse du ticket modérateur n'impacte pas les Français les plus fragiles, c'est-à-dire le quart de nos concitoyens bénéficiant de la C2S, la complémentaire santé solidaire qui prend en charge les consultations médicales.
(...)
Il faut éviter à tout prix que les Français se sentent touchés par les mesures budgétaires ?
Je souhaite que les Français soient le moins mis à contribution possible.
La situation financière du pays nécessite d'avoir le sens des responsabilités. La justice fiscale, je suis pour. Le MoDem, mon parti, l'a toujours défendue. Les plus fragiles doivent être préservés, mais chacun doit être mis à contribution, y compris les mutuelles.
Plusieurs parlementaires plaident pour une loi de programmation annuelle en santé, comme pour les armées, est-ce votre cas ?
J'en appelle à une loi qui allie transformation du système et celle de son financement, à mettre en œuvre sur le temps long. C'est une ambition pour 2025, après le budget. Nous faisons face à un vieillissement de la population et une augmentation des maladies chroniques. La Sécurité sociale prend en charge les frais de maladie davantage qu'il y a dix ans - 80%de prise en charge contre 72%.
Il faut poser le sujet de la viabilité du système à long terme. L'une des clés, c'est la prévention.
À ce propos, des mesures pour taxer le sucre et l'alcool ont été votées par la commission des affaires sociales cette semaine. Y êtes-vous favorable ?
Il faut, avant tout, sensibiliser la population, et l'accompagner. Les industriels ont aussi une responsabilité collective, et j'aimerais qu'ils trouvent des solutions pour changer leurs recettes.
Mais oui, je suis favorable à des taxes sur les sucres transformés.
Attention, il ne s'agit pas de pénaliser les artisans, les pâtissiers, etc., mais pour eux que l'on apprenne dès le plus jeune âge dans les centres d'apprentissage, les CFA, à travailler avec moins de sucres.
Sur l'AME, le gouvernement choisit de revenir à une stabilité de la dépense. Est-ce réaliste ?
Oui. S'il faut fournir des efforts partout, alors là aussi.
L'AME est un dispositif de santé publique qui doit vivre et continuer de vivre. Mais il peut être adapté.
Il y a des solutions : pourquoi ne pas continuer à renforcer le système de demande d'accord préalable avant certaines prises en charge, pour avoir la justification d'un acte médical ? Je rappelle aussi que certains actes médicaux ne sont accessibles qu'aux personnes qui sont en France depuis neuf mois.
Le recollement des oreilles, autorisé dans les soins couverts par l'AME, a fait polémique. Pourrait-il être retiré ?
Ce n'est pas sérieux. Les détracteurs de ce dispositif cherchent des arguments chocs pour manipuler le grand public. C'est irresponsable.
Ce sujet des oreilles recollées est insignifiant, il représente un coût total de 11 660 euros seulement en 2023, et les soins étaient toujours justifiés par des risques d'infection, jamais pour des raisons esthétiques. Certains ont aussi parlé des anneaux gastriques, ce qui représente également des sommes dérisoires au regard du montant global de l'AME, à peine 4 600 euros en un an.
(...)
Vous êtes la huitième ministre de la Santé d'Emmanuel Macron, quel est le sujet qui vous tient le plus à cœur ?
Le Premier ministre veut faire de la santé mentale la grande cause nationale en 2025, et je m'en réjouis.
À titre personnel, je suis très préoccupée par la détérioration de la santé mentale des jeunes. On doit notamment travailler sur l'impact des écrans, s'agissant du temps passé, de l'isolement et des contenus.
Un autre sujet m'importe beaucoup, la santé des femmes. On a déjà avancé sur l'endométriose, nous allons avancer sur la ménopause grâce notamment à la mission que je viens de confier avec le Premier ministre à la députée Stéphanie Rist. Je compte bien obtenir des résultats sur ces deux sujets.
Lire l'entretien complet dans La Tribune