Perrine Goulet : « J’encourage toutes les victimes à porter plainte »

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Dans les colonnes du Parisien, Perrine Goulet, députée de la Nièvre et présidente de la délégation aux droits des enfants à l'Assemblée, revient sur ses priorités ainsi que sur le procès des enfants placés dans des familles sans autorisation entre 2010 et 2017 qui s'ouvre ce lundi 14 octobre au tribunal correctionnel de Châteauroux (Indre).

Comment est-il possible que des familles, pendant plusieurs années, accueillent sans le moindre agrément des enfants de l'Aide sociale à l'enfance, et que personne ne s'en émeuve ?

J'ai du mal à le comprendre. Les départements doivent s'assurer que les personnes accueillant des enfants ont un agrément. Mais il existe une faille. Un département peut confier des mineurs hors de son territoire, sans que le département où se situe l'accueil ne soit informé. Or on sait que les contrôles sont très peu faits à l'intérieur d'un département. À l'extérieur, il n'y en a pas. C'est un vrai point d'alerte.

Il n'existe pas non plus de fichier national des agréments retirés.

Actuellement, on peut avoir un assistant familial qui voit son agrément suspendu dans un département X, mais le département Y ne le sait pas et continue de lui confier des enfants.

L'affaire de Châteauroux n'est pas la première qui soulève un manque de coordination et des manquements de l'ASE. Pourquoi les pouvoirs publics n'agissent-ils pas ?

On agit depuis des années et, avec la délégation aux droits des enfants, nous nous apprêtons à faire de nouvelles propositions d'ici à la fin du mois. Je travaille avec les départements pour voir comment mieux travailler ensemble.

Aujourd'hui, en l'état actuel de la loi, c'est vrai que c'est compliqué. Si les départements ne font pas preuve de volontarisme, on peut aboutir à des dysfonctionnements.

L'ASE du Nord, qui a envoyé les enfants dans des séjours sans agrément, n'est pas citée à comparaître au procès. Trouvez-vous que c'est normal ?

Non. La responsabilité des départements dans ce genre d'affaires est un vrai sujet.

Les juges ont du mal à demander des comptes aux départements, je l'ai vu dans d'autres affaires.

C'est compliqué de mettre une personne morale en examen, il faudrait aller chercher quel professionnel n'a pas travaillé correctement, et on ne le fait pas.

Certaines victimes de l'affaire de Châteauroux réfléchissent à attaquer l'ASE du Nord. Auraient-elles raison de le faire ?

Oui, je les encourage à porter plainte. J'ai déjà conseillé à plusieurs jeunes de se retourner contre les départements.

On ne peut pas sortir des enfants de leurs familles pour les mettre dans des endroits où ils seront à nouveau victimes. Aujourd'hui, tout le monde se plaint mais personne ne va devant la justice, et les départements ont le sentiment qu'ils ne risquent pas grand-chose.

(...)

Est-ce que l'ASE devrait être réformée ?

Oui, il faut réformer l'ASE, c'est une certitude. On ne peut pas continuer comme ça.

Faut-il renationaliser le dispositif ? Pas forcément, car à l'époque de la Ddass, les dysfonctionnements graves existaient aussi. Mais il est vrai également que les départements sont en charge depuis plus de quarante ans, seuls. Ils ne peuvent pas rester tout seuls. Il faut plus de contrôle.

Il faut aussi une prise en charge médicale et psychologique à la hauteur des besoins. Le parcours des mineurs à l'ASE ne doit pas être un traumatisme supplémentaire, qui s'ajoute à ceux qu'ils ont pu connaître avant d'être placés.

La France est-elle en retard par rapport aux autres pays ?

Il y a des endroits où il y a du mieux, il y a aussi, dans notre pays, des départements où cela se passe mieux que dans d'autres.

Soyons clairs, on ne se fait pas réélire parce qu'on s'est bien occupé des enfants de l'ASE. On se fait réélire parce qu'on a fait des routes ou construit un collège... Il y a des départements, y compris riches, qui n'investissent pas assez sur ces sujets.

Quel budget est consacré aujourd'hui à la protection de l'enfance, globalement ?

Le secteur représente environ 10 milliards d'euros par an. C'est considérable, mais cela ne suffit pas.

On sait très bien que des enfants mal accueillis, pas soignés, ne sont pas équilibrés et ne peuvent pas se construire comme il faut. Et cela crée d'autres problèmes pour la société.

Pour vous, en tant que députée, quelles sont les priorités ?

Je veux que chaque enfant puisse bénéficier d'un avocat, je veux qu'on fixe des taux d'encadrement dans les structures d'accueil, et de meilleurs contrôles pour les établissements médico-sociaux.

Toutes les personnes fragiles sont concernées par cette problématique. On commence aujourd'hui à mettre dans des familles d'accueil des personnes âgées, notamment. Je crains que cela ne crée bientôt les mêmes types d'affaires que celles déjà observées dans le champ de la protection de l'enfance.

Lire l'entretien complet dans Le Parisien

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