Tik Tok, bras armé de la déstabilisation électorale en Roumanie par Frédéric Petit
Alors que le candidat d’extrême droite pro-russe, Călin Georgescu, est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle le 24 novembre dernier, Frédéric Petit, député des Français d'Allemagne, Europe centrale et Balkans nous explique dans ce billet d'humeur à quoi il doit sa percée : au réseau social Tik Tok et aux puissances étrangères qui l’ont appuyé dans sa montée dans les algorithmes.
La Roumanie compte 18 millions d'électeurs, 9 millions de votants et 9 millions d'utilisateurs de TikTok ! La place prépondérante de ce réseau social dans le débat public roumain n'est plus à prouver et il ne s'agit pas ici de dénoncer le fait que des politiques gagnent en notoriété à travers ce réseau social. Qu'un inconnu sorte vainqueur d'une élection ne m'inquiète pas. Bien au contraire, le renouvellement des élus et des idées est un gage de vitalité démocratique.
Cependant, que des puissances étrangères s'immiscent dans des élections en faisant « tourner » les fermes à trolls, en gonflant le nombre d'abonnés d'un candidat pour qu'il monte dans les algorithmes et soit présent sur tous les écrans des utilisateurs, représente un réel danger pour nos démocraties et le libre arbitre des citoyens.
Ces réseaux et ces « blitz-campagnes » électorales sont sources de fragilités démocratiques. Ils brouillent et embrouillent la conscience des citoyens, alors que la démocratie repose avant tout sur des citoyens éclairés et responsables. Or, on ne débat pas avec son écran dans la pénombre !
Il est désormais avéré que Tik Tok n'a pas respecté ses engagements vis-à-vis de la loi roumaine et européenne et a pleinement participé à faire progresser un message de défiance envers l'État et les institutions démocratiques roumaines ainsi qu'un discours très favorable à l'impérialisme moscovite. C'est la première fois qu'un pays semble réagir à une telle dérive, sans se payer de grands mots. L'ampleur du choc et du décalage a peut-être provoqué pour la première fois un réveil. Celui des institutions d'abord : la réaction de l'autorité des médias roumaine ne s'est pas faite attendre. Elle a officiellement dénoncé l'ingérence, par réseau social interposé. Celui de certains citoyens ensuite : de nombreux électeurs ont décidé d'aller contredire Georgescu directement sur Tik Tok, à l'issue du premier tour.
Nous devons réagir non seulement aux ingérences étrangères mais également face à l'abrutissement que cette communication politique impose pendant les campagnes. Des élections libres et équitables, clef de voute de l'engagement citoyen, ne doivent pas devenir le marigot trouble de passions égoïstes, flattées par des démagogues. C'est désormais le talon d'Achille de nos démocraties. Veillons-y !
Frédéric Petit