đ°  L'Europe renaĂźtra aussi de lâocĂ©an
à l'occasion de la journée européenne de la mer, retrouvez la tribune publiée dans Libération et cosignée par :
- Catherine Chabaud, navigatrice et candidate sur notre liste Renaissance aux élections européennes,
- Jimmy Pahun, dĂ©putĂ© du Morbihan et navigateur,Â
- et Pierre Karleskind, océanographe, également candidat Renaissance.
On ne parle aujourdâhui de lui que pour Ă©voquer son Ă©lĂ©vation comme consĂ©quence du dĂ©rĂšglement climatique et de la fonte des glaces, pour alerter de son asphyxie par les plastiques dont lâinvasion sâaccĂ©lĂšre ou pour pleurer la disparition des espĂšces qui y vivent. De fait, lâocĂ©an est dans une urgence absolue et pourtant il est lâavenir de la terre. Nous sommes nombreux, scientifiques, acteurs Ă©conomiques, associations Ă©cologiques, personnalitĂ©s politiques, citoyens⊠à le clamer. Signataires de cette tribune, nous entendons porter la voix de lâocĂ©an demain dans les instances de lâUnion europĂ©enne, convaincus que câest aussi de lui que renaĂźtra lâEurope.
Un travail scientifique planĂ©taire de longue haleine, lâa rĂ©cemment prouvĂ©Â : «Le fait de se tourner vers la mer est le plus puissant moteur du dĂ©veloppement Ă©conomique qui soit, la clĂ© de la rĂ©ussite et de la prĂ©dominance», nous rappelle Christian Buchet, historien de la mer et directeur scientifique dâOcĂ©anides (1). Le rĂ©cit contemporain de la relation des civilisations avec lâocĂ©an sâĂ©crit, aujourdâhui encore, au travers des activitĂ©s historiques liĂ©es Ă la mer â commerce, pĂȘche, dĂ©fense â, et il fait parfois peur. Quelques chiffres pour illustrer cet Ă©tat de fait : 90% du commerce mondial transite par la mer (en majoritĂ© par les ports europĂ©ens), 2,6 milliards dâĂȘtres humains dĂ©pendent de lâocĂ©an pour les apports en protĂ©ines, enfin, la mer est aussi un espace de tension sĂ©curitaire avec la montĂ©e en puissance des prĂ©tentions chinoises. Mais câest la dĂ©couverte de nouvelles ressources, qui convainc dâun ocĂ©an avenir de lâhumanitĂ©: ressources biologiques, gĂ©nĂ©tiques, pharmacologiques, minĂ©rales, Ă©nergĂ©tiques⊠Et encore, seulement 5% de ce milieu qui couvre 71% de la surface de la planĂšte auraient Ă©tĂ© explorĂ©s.
A ces ressources, il faut ajouter les services Ă©cosystĂ©miques : lâocĂ©an fournit la moitiĂ© de lâoxygĂšne de lâatmosphĂšre, absorbe 25% du CO2que nous Ă©mettons et Ă©quilibre le climat; les Ă©cosystĂšmes cĂŽtiers mangroves ou rĂ©cifs coralliens, nourrissent les populations et protĂšgent les cĂŽtes. LâhumanitĂ© est donc devant un dĂ©fi abyssal: lâocĂ©an est son avenir, mais Ă la seule condition de mieux le connaĂźtre, de le prĂ©server et de le gĂ©rer durablement.
LâUnion europĂ©enne â et Ă travers elle, la France â a un rĂŽle immense Ă jouer au bĂ©nĂ©fice de ses populations, pour maintes raisons : elle dispose du premier espace maritime au monde (2); grĂące Ă ses rĂ©gions ultrapĂ©riphĂ©riques, elle est prĂ©sente dans les grandes rĂ©gions ocĂ©aniques du globe; la moitiĂ© de sa population habite dĂ©jĂ sur le littoral. Les consciences sâĂ©veillent sur ces enjeux Ă Bruxelles. LâEurope sâest ainsi dotĂ©e dâune Politique maritime intĂ©grĂ©e, a adoptĂ© des directives cadres pour retrouver la bonne santĂ© du milieu marin et planifier lâespace maritime, a dĂ©veloppĂ© Natura 2000 en mer, mis en place des quotas de pĂȘche, vient de sâengager dans la rĂ©duction des plastiques, a marquĂ© son intĂ©rĂȘt pour le dĂ©veloppement dâune Ă©conomie bleue durable (dĂ©jĂ 5 millions dâemplois, 7 millions en 2020), notamment en MĂ©diterranĂ©e. Mais nous voulons quâelle aille plus vite et plus loin, car les EuropĂ©ens ont encore le dos tournĂ© Ă la mer. LâEurope peut apporter la compĂ©tence de ses instituts de recherche ocĂ©anographiques Ă la dĂ©cennie de lâocĂ©an lancĂ©e par les Nations unies (2021-2031) ; elle peut dĂ©cliner la transition Ă©cologique â dont nous faisons notre prioritĂ©Â â dans le transport maritime ou la pĂȘche durable, dĂ©velopper lâĂ©conomie circulaire, et rĂ©duire de maniĂšre drastique toutes les pollutions telluriques qui, Ă dĂ©faut dâĂȘtre traitĂ©es, finissent Ă la mer. Ainsi contribuera-t-elle aux objectifs du dĂ©veloppement durable des Nations unies.
Pour cela, il est nĂ©cessaire de renforcer la gouvernance de la politique maritime de lâUE, en rĂ©affirmant une approche intĂ©grĂ©e reposant sur la prĂ©servation des ocĂ©ans, la croissance bleue et la souverainetĂ© europĂ©enne. LâAgence europĂ©enne de sĂ©curitĂ© maritime pourrait Ă©voluer en une vĂ©ritable Agence europĂ©enne de la mer. Les travaux de lâintergroupe mer et littoral ont montrĂ© lâintĂ©rĂȘt de constituer une commission parlementaire dĂ©diĂ©e Ă la mer. ExpĂ©rimentons la mise en place dâune commission spĂ©ciale «Mare» au sein du Parlement europĂ©en !
Il nous faudra dĂ©velopper une culture maritime de lâEurope, notamment au travers dâun Erasmus mer, valoriser le patrimoine maritime de lâEurope, relancer une Course de lâEurope Ă la voile, comme celle oĂč germa notre identitĂ© de marin europĂ©en il y a trente ans. A travers cette gouvernance renforcĂ©e, LâEurope pourra peser de tout son poids dans la nĂ©gociation sur la prĂ©servation de la biodiversitĂ© en haute mer, Ă travers laquelle nous entendons promouvoir la notion dâun ocĂ©an, bien commun de lâhumanitĂ©. LâUE peut sâappuyer sur sa dimension maritime pour «faire poids» face aux nations qui la prĂ©fĂ©reraient affaiblie. Si, de plus, elle met en Ćuvre un Pacte avec lâAfrique et dĂ©veloppe la dĂ©fense europĂ©enne, comme nous nous y engageons, alors lâEurope fera rĂ©entendre sa voix sur la scĂšne internationale. Nous en sommes convaincus, lâEurope renaĂźtra aussi de lâocĂ©an.
(1) La Grande histoire vue de la mer, Christian Buchet, éd. du cherche Midi.
(2) 25,5 millions de km2Â avant Brexit, 18 millions aprĂšs â Ă comparer Ă ses 4,4 millions de km2Â terrestres.
Catherine Chabaud candidate MoDem de la liste Renaissance, navigatrice , Pierre Karleskind candidat LaRem de la liste Renaissance, océanographe , Jimmy Pahun député MoDem du Morbihan, navigateur