Penser la ville pour demain: auditions de Aude Luquet, Maud Gatel, Mohamed Laqhila, Vincent Chauvet
Mardi 26 avril, Université 133 a auditionné plusieurs élus sur les transformations de la ville. Ou plutôt, des villes : attaché au principe de différenciation, le Mouvement démocrate est attentif à la spécificité des territoires. Penser les villes, c’est réfléchir aux conditions de vie des habitants. Autun, Aix-en-Provence, les villes de la Seine-et-Marne et Paris ont été au cœur de nos débats.
Christophe Bellon, en historien, a retracé les politiques de la ville menées par les centristes, en insistant sur une constante : dès la IIIe République, c’est la question du logement qui a été au cœur de la réflexion centriste. Améliorer la cadre de vie, l’hygiène sociale, dans le respect de l’environnement, tels sont alors les axes. Sous la IVe République, l’action d’un homme a été essentielle : Eugène Claudius Petit, qui participa à 10 gouvernements, et qui fut l’initiateur du projet urbanistique de Firminy-Vert. Très lié à Le Corbusier, il développa une approche du logement responsable, soucieuse de la qualité de vie, avec des habitations en bois, laissant entrer le soleil.
Olivia Leboyer a souligné que le confinement a brutalement renvoyé les citoyens à leur espace de vie. Cette période a démultiplié les inégalités : les logements vétustes, exigus, mal insonorisés, trop chaud, se sont alors révélés dans tout leur inconfort. De même la question des distances s’est posée : à 1km de chez soi, quels commerces et services trouve-t-on ? Nous ne sommes pas égaux. Surtout, la place de la voiture mérite réflexion : n’oublions pas que le rapport à la voiture a été au déclenchement de la crise des gilets jaunes ; aujourd’hui, réfléchir sur les distances entre l’habitation et le lieu de travail, les services, le centre-ville, cela implique d’interroger la place de la voiture et des nouvelles mobilités.
Notre rapporteur, Louis de Redon, maître de conférences en droit de l’environnement et élu municipal à Romorantin, a rappelé que le Mouvement démocrate s’attache aux conditions de vie dignes, au respect de la biodiversité, aux enjeux de la transition écologique. Un modèle de ville durable peut-il être établi ? A quelles conditions ?
L’audition d’Aude Luquet nous a permis d’explorer ces nouvelles mobilités, sur lesquelles la députée de Seine-et-Marne a beaucoup travaillé. Le mouvement des gilets jaunes, en effet, est parti de Melun. Les citoyens doivent pouvoir choisir entre ces mobilités. La question des distances est au cœur des projets d’aménagement du territoire. Aussi le télétravail apparaît-il comme une piste intéressante, qui peut favoriser l’épanouissement personnel. Aude Luquet a mis l’accent sur la question, cruciale, de la temporalité. Dans une journée de travail, perdre 3h dans les transports, est un réel problème.
Maud Gatel, conseillère de Paris, présidente du Mouvement démocrate de Paris, nous a exposé les problématiques de cette ville si singulière. Paris, ce n’est pas la France. Pour un Mouvement démocrate girondin comme le nôtre, cela va sans dire. Mais c’est aussi une ville-lumière fascinante, admirée du monde entier et qui ne ressemble à aucune autre. Y être confiné n’a pas été évident, la difficulté de s’y bien loger est connue. Paris souffre de surdensification. Maud Gatel a développé les idées fortes pour faire respirer Paris : créer des îlots de fraîcheur, en réouvrant la Bièvre. Préférer les parkings en sous-sol. La ville est faite pour être arpentée par le piéton. Maud Gatel a contribué à la belle initiative lancée par l’ambassadeur à l’environnement Yann Wehrling, et le Président du MoDem Finistère David Guillerm, Les Démocrates pour la planète.
Tout ce qui impacte l’environnement existe au niveau local. Ce qui peut sembler le plus évident, c’est ce qui relève vraiment d’une décision des maires : l’urbanisme. Il faut par exemple arrêter l’extension en périphérie des lotissements et des zones commerciales, qui consomment en France, chaque année, l’équivalent d’un département en forêts, champs et espaces naturels. C’est le plus urgent. La ville doit absolument en finir avec le tout minéral. L’évolution climatique le commande. Les canicules vont se multiplier. Nombre de logements sont, par canicule, inhabitables (isolation, rénovation thermique nécessaire). Les arbres ont leur place en ville, mais les arbres plantés.
Le député des Bouches-du-Rhône Mohamed Laqhila n’est plus en lice pour le second tour des municipales à Aix-en-Provence, ville emblématique. Et pourtant, son projet pour la ville ne manquait pas d’audace. Il s’agissait d’articuler les politiques économiques, écologiques, sociales. Et de verdir la ville, en faisant renaître les fontaines, en végétalisant et piétonnisant le Cours Sextus. Sur le plan socio-économique, Mohamed Laqhila porte l’idée de stabiliser la fiscalité des petites et moyennes entreprises. Avec l’idée qu’une ville n’est pas refermée sur elle-même, elle doit être ouverte à la région et au monde.
Vincent Chauvet, jeune maire d’Autun, nous a parlé avec passion de sa ville. Sélectionnée dans le projet gouvernemental « Action cœur de ville », Autun possède un patrimoine historique gallo-romain superbe. C’est aussi une ville à la population vieillissante. Comment régénérer cette ville ? Vincent Chauvet souligne l’importance de la question démographique. Il faut rendre les villes sous-denses, aux loyers faibles, aux logements souvent dégradés, de nouveau attractives. Maintenir les services publics essentiels, comme la maternité, est un combat déterminant. Spécialiste du numérique, le maire fourmille d’idées pour sa ville. Une voiture électrique sans chauffeur a récemment été expérimentée. Des comités de projets pluriannuels de développement urbain travaillent à rendre la ville plus agréable à vivre au quotidien, plus vivante. Décentraliser certaines administrations ou universités vers les villes moyennes serait bienvenu pour les revitaliser.
Les villes de demain, pour demeurer ou redevenir douces à vivres, doivent absolument se développer dans le respect de l’environnement. Les projets d’urbanisme réfléchissent sur la végétalisation, la qualité des matériaux, la hauteur à ne pas dépasser.
Très riche, la discussion s’est poursuivie avec nos participants : le trésorier du Mouvement démocrate Jean-Jacques Jégou,maire du Plessis-Trévise pendant plus de 30 ans, et passionné par sa mission de maire ; Charles Mercier, historien, qui habite Bordeaux ; Blandine Chelini-Pont, historienne, à Aix-en Provence ; Sarah Durelle-Marc, maître de conférences en droit, qui habite les environs de Lille. A l’échelle de la ville : bien sûr, les échelles sont imbriquées. On pense l’environnement à l’échelle internationale, nationale, locale. La ville, c’est le lieu de la proximité, de la vie au quotidien.