Débat à Vesoul : le statut de l'élu local
Samedi 15 mars, notre secrétaire générale Maud Gatel est venue à Vesoul, avec les forces des Villages démocrates et d'Université 133, pour un débat riche et inventif sur le statut de l'élu local, animé par Olivia Leboyer (Sciences po, U133) : avec René de Nicolay (philosophe, normalien, spécialiste de la démocratie antique), Frédéric Zgainski (ancien député de Gironde, élu local à Cestac, co-animateur du Village Décentralisation), Alexandra Leuliette (membre du Board de l'IED) et notre hôte François Mercier (président du MoDem de la Haute-Saône, conseiller municipal à Vesoul).
Le maire de Vesoul, Alain Chrétien, nous a adressé, en ouverture, un message chaleureux.
Être élu local, c'est une mission passionnante, qui relève de la vocation. Sans statut suffisamment défini, cela peut relever d'un sacerdoce, l'investissement et l'énergie requis étant considérables. Le dernier baromètre sur la confiance du Cevipof (laboratoire de Sciences po) est édifiant : 74% des sondés n'ont pas confiance dans la probité du personnel politique, les mots qui viennent spontanément pour évoquer le politique sont "méfiance", "dégoût", "ennui" ; seuls 23% ont confiance dans les partis. En revanche, les élus locaux, en prise directe avec le quotidien, suscitent encore de la confiance : 61% ont confiance dans le maire, 48% dans les conseillers départementaux, 46% dans les conseillers régionaux (contre 23% dans le président de la République). Renouer avec la confiance, retisser le dialogue est impératif dans une société de plus en plus fracturée.
Avec René de Nicolay, faisons un saut dans le temps pour mieux saisir notre présent : dans l'Antiquité, on était un citoyen avant d'être un individu. L'élu local devait faire montre de vertus essentielles, comme l'honnêteté, l'art de la délibération et du compromis et s'engageait directement au niveau local. C'est le terme romain "municipes" qui a donné "les municipales". La Grèce et Rome offraient deux modèles distincts : les Grecs privilégiaient la proximité et la rotation des élus, qui ne devaient pas concentrer trop de pouvoir, là où Rome sacralisait davantage l'élu, que l'on n'avait pas même le droit de toucher. On voit combien, aujourd'hui, l'ambivalence sur la distance ou la proximité entre élus et citoyens demeure vive.
Secrétaire générale du mouvement, Maud Gatel est aussi élue locale, présidente du groupe "MoDem et Indépendants" au Conseil de Paris. Son souci constant d'améliorer les conditions de vie des Parisiennes et Parisiens la conduisent à pointer les incohérences de l'actuelle équipe municipale : les référendums sont souvent biaisés, simulacres de démocratie participative, avec des questions trop larges et sans paramètres définis. Demander si l'on est pour ou contre plus de végétalisation sans indiquer quelles rues seront concernées et piétonnisées est tout sauf démocratique. Être élu, en particulier dans la minorité, est une mission exigeante. La vigilance, l'attention portée aux dossiers sont chronophages, notamment pour les femmes. Revaloriser les indemnités versées aux élus est une nécessité, repenser les horaires des réunions également. La situation actuelle est proprement scandaleuse.
Les Villages Démocrates ont à cœur de faire émerger des propositions fortes, concertées et nourries par des auditions d'experts : Frédéric Zgainski, co-animateur avec le député de la Loire Emmanuel Mandon du Village Décentralisation, nous expose les réflexions du groupe. Il est impératif de renforcer la parité au sein des conseils municipaux, peut-être en raccourcissant les listes. Le statut de l'élu exige un cadre clair, qui délimite sa latitude d'action et qui lui accorde une protection efficace. Créer un statut de l'élu étudiant est nécessaire, pour attirer aussi du sang neuf. Frédéric Zgainski salue les travaux de Bérengère Couillard, dont il a été le suppléant et d'Elodie Jacquier-Laforge, pour faire avancer la parité dans les communes de moins de 1000 habitants. Les propositions de loi venues du Sénat, et qui seront discutées à l'Assemblée au printemps, vont dans le bon sens : elles visent un véritable statut de l'élu, qui le protège mieux pendant son mandat, tout en l'accompagnant en amont et en aval.
Alexandra Leuliette, membre du Board de l'Institut des Démocrates européens nous montre que la citoyenneté européenne n'est pas une abstraction, mais une réalité vivante et tangible. Les questions qui se posent à un élu local de Gironde sont les mêmes que se pose un élu d'un Land allemand, un élu local belge ou italien. C'est en commun que les avancées doivent être réalisées. Des lacunes flagrantes existent : pour les élus frontaliers qui exerceraient un mandat dans un pays mais travailleraient dans un autre, rien n'est prévu en termes d'indemnisation et d'accompagnement. Alexandra Leuliette revient aussi sur le sujet de la parité, parfois mal compris par les pays nordiques, chez qui cette évolution s'est effectuée naturellement, sans que l'on doive l'imposer par la loi. Pour nous, le résultat compte et les résistances sont telles que l'on ne peut faire l'économie de la parité.
Elu municipal délégué aux travaux à Vesoul, François Mercier nous explique à quel point le découragement peut guetter un élu local. Les agressions, incivilités sont une réalité. La protection des élus doit être assurée. Dans les processus de prise de décision, l'élu de l'opposition doit livrer une bataille d'idées souvent titanesque. François Mercier met l'accent sur la nécessité de la formation des élus, étape cruciale dans l'apprentissage de cette belle mission. Formation une fois élu, mais aussi formation en amont.
Dans la superbe salle de la mairie de Vesoul, un public vésulien mais aussi des élus locaux venus des mouvements voisins, de Besançon et de Belfort. Nombreuses, les questions ont porté sur la nécessité d'être formé en amont à la mission d'élu, sur le temps que l'on y consacre et qui doit être mieux réparti, sur la nécessaire bienveillance dont les conseillers municipaux doivent faire preuve envers des élus novices et venant d'un domaine éloigné du droit, sur la difficulté pour un nouvel élu de se familiariser avec un enchevêtrement de lois et un lexique souvent opaque.
Un immense merci pour cet échange vivant, sans tabou, porté par une immense envie d'améliorer le statut de l'élu local pour mieux faire société.
On a vu Vesoul. Mais on vous prévient. Contrairement à Brel, nous, on ira plus loin : prochaine étape à Toulouse, le 10 avril.