Université 133 : Le sens du travail - Les nouveaux métiers
Mercredi 15 février, notre troisième rendez-vous du cycle « Le sens du travail » portait sur les nouveaux métiers, avec pour invités Patrick Mignola (vice-président et porte-parole du Mouvement démocrate), Bertrand Le Guern (chef d’entreprise), Jean-Noël Barrot (notre ministre délégué auprès du ministre de l’Economie, chargé de la Transition numérique et des télécommunications, qui est également le fondateur d’Université 133), Edwige Kacenelenbogen (docteur en science politique, lauréate du prix Raymond Aron, enseignante en écoles de commerce), Muriel Touaty (partner education and innovation chez OnePoint) et Sylvie Brunet (députée européenne, membre de la commission des affaires économiques et sociales, et de la commission sur les droits des femmes), pour une table-ronde animée par Olivia Leboyer.
Que sait-on des métiers de demain ? Nous ignorons très largement en quoi ils consisteront précisément, quand ils apparaitront ou encore et quelle sera leur durée de vie. Le monde du travail est en mutation accélérée, chamboulant toute notion de temporalité. Le règne de la technologie est-il associé à des promesses de liberté ? Entraîne-t-il des risques ? Comment concevoir au mieux, sur les plans de l’éducation, de la formation tout au long de la vie, notre rapport au travail dans un fort contexte d’incertitude ?
En préambule, Patrick Mignola rappelle qu'à horizon de 10 à 15 ans, on estime que c'est 80% des types de métiers actuels qui auront disparu. Si cette perspective vertigineuse peut être vécue comme anxiogène par ses mutations rapides, notre Vice-Président considère également qu'il s'agit d'une chance formidable, mais à condition de réussir à s'y préparer en anticipant l'avenir.
La chercheuse Edwige Kacenelenbogen remarque que le niveau d’angoisse lié à l'omniprésence des technologies dans nos vies est frappant. Cette anxiété plane sur nos futurs emplois, tout en ayant des incidences directes sur notre santé mentale, sur notre capacité d’attention, sur notre vie privée, sur notre capacité à vivre dans le réel. Quatre grandes influences sont susceptibles de transformer les métiers d’ici 5 à 10 ans : les innovations technologiques, la rareté des ressources naturelles ou le changement climatique, les évolutions démographiques, l’urbanisation rapide. S’y ajoutent deux forces transversales, l’une plutôt politique qui oscille entre individualisme et collectivisme, l’autre plus économique, qui oscille entre concentration (règne du Big Business) et fragmentation (éclatement potentiels des grands business et apparition d’une myriade de réseaux de collaboration).
Plusieurs scénarios sont donc possibles à partir de ce schéma, dont le plus probable est celui de la fragmentation couplée à l’individualisme. Ce scénario est déjà effectif en Chine, à Beijing, dans la Silicon Valley Chinoise, où des milliers d’entreprises spécialisées en Biotech, robotique et software se développent à vitesse à grand V. Si ce scénario se généralise, cela pose la question des compétences : la durée de vie des compétences utiles ou pertinentes se réduit, laissant craindre la disparition de beaucoup d'emplois.
Le ministre Jean-Noël Barrot nous explique que les nouvelles technologies, formidables moyens, peuvent en effet donner le meilleur ou comporter certains dangers. Ce monde du travail en mutation de plus en plus rapide peut générer trois attitudes différentes : le regret nostalgique de l’ancien monde, la politique de l’autruche, ou bien le souci de concilier le progrès technologique et la justice sociale.
Jean-Noël Barrot nous donne l’exemple de Vierzon, où le déclin de l’industrie locale a cédé la place à une belle synergie entre deux ingénieurs originaires de la ville, pour créer la société Ledger, particulièrement dynamique, ce qui a permis de recréer un bassin de formation et d'emploi. Cette collectivité de Vierzon revient de loin, et cette histoire montre que les opportunités issues des technologies nouvelles peuvent réparer des vagues de désindustrialisation dans des territoires que l’on pense perdus. Là encore, à condition que les politiques publiques orientent ces opportunités vers plus de justice territoriale et sociale.
Pour Muriel Touaty de OnePoint, libérer les talents est essentiel. Être attentif au bien-être de ses salariés, à leur désir de sens dans le travail. Aussi est-il nécessaire que l’entreprise forme ses employés, les pousse à se perfectionner et à déployer leurs potentialités, à tous les échelons. De nouveaux métiers nécessitent de repenser en profondeur le champ de l’éducation et de la formation. Une autre exigence que les entreprises doivent prendre en compte : l’égalité salariale entre hommes et femmes.
La députée européenne Sylvie Brunet avait participé sur la mise en place de la réforme de l’apprentissage, qui conduit désormais à compter près de 900 000 apprentis chaque année, et dont l'impact a permis de réduire notablement le chômage des jeunes. La question des nouveaux métiers lui est donc familière. Il est essentiel de ne pas oublier le souci social, humaniste, d'autant plus dans une période où les européens témoignent d'exigences renforcées sur la qualité de leur emploi, l'équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle, mais aussi un besoin de confiance au travail.
Notre Ministre rebondit sur la question de la formation pour appeler à passer d'une logique de diplômes vers une logique de compétences. Ainsi, sans passer plusieurs années à obtenir de nouveaux diplômes, on peut permettre à des personnes de passer vers un métier d'avenir en gagnant quelques compétences sans les reformer entièrement. Ce sont les notioins dites d'upskilling et de reskilling.
Sur de nombreux métiers, des efforts de formation sont indispensables aussi bien pour répondre aux besoins actuels que ceux à venir. Ces exemples témoignent ainsi de l'importance de renforcer les liens entre le milieu éducatif et les entreprises, ainsi que le monde politique, pour anticiper les évolutions.
Nombreuses, les questions de la salle touchent de nombreux domaines : l’éducation, la formation, la médecine, le PIB, les métiers liés au handicap, l’importance de l’artisanat et de la création, manifestant des inquiétudes ou de l’optimisme. Une chose est sûre : la créativité et la sensibilité humaine demeureront toujours des valeurs ajoutées.