UR 2023 : discours de clôture de François Bayrou
Retrouvez ci-dessous le discours de clôture de François Bayrou à l’Université de rentrée 2023.
Seul le prononcé fait foi.
Mes chers amis,
Je suis très heureux.
Je suis très fier de ce que nous avons vécu ensemble pendant trois jours.
Il y avait nos Ministres, députés, sénateurs au féminin et au masculin, nos parlementaires européens, nos candidats, nos militants et les responsables de nos militants, dans un esprit d’engagement, d’enthousiasme.
Je voudrais vous dire ce que vous savez. Notre vitalité, notre santé, notre enthousiasme conquérant, c’est dans notre esprit. Guidel, déjà douze ans, c’est une réponse à ceux qui prédisaient notre disparition. La condition du pluralisme, c’était de sortir de la bipolarisation, afin qu’il y ait au centre de la vie politique française une formation et un socle puissants.
Cela a été un combat mené contre nous, et par nous, et au bout du compte, ce combat, on a le résultat tous ensemble, dans la chaleur de cette salle, nous l’avons gagné. Ce n’est pas le seul. Et c’est un combat précieux.
Cette affirmation-là, qui était celle que nous articulions hier, articulons aujourd’hui et articulerons demain : la clef du pluralisme, de l’acceptation des différences, de la compréhension mutuelle, c’est dans l’existence de ce socle central qui réunit des femmes et des hommes de bonne volonté que nous aurions dû réunir depuis longtemps. C’est un message personnel pour Jean-Yves Le Drian… (rires) Nous avions beaucoup évoqué cette perspective, sans réussir à le faire, et c’est grâce à l’alliance contractée avec Emmanuel Macron que nous avons réussi cette réalisation de la condition du pluralisme d’un centre, que nous avons rendu à la démocratie française le meilleur service que nous pouvions lui rendre.
Il y a un autre service à lui rendre : rejeter le pessimisme qui nous détruit de l’intérieur, le sentiment d’impasse généralisée dans lequel les Français, et notamment les jeunes Français, se trouvent. C’est un crime contre notre peuple. Réfuter cette fatalité qui conduit à un effondrement prochain.
Si nous prenons au sérieux ce qui est en train de se passer, le poison d’un pessimisme généralisé qui conduit à penser que l’humanité n’est pas la solution, mais le problème, il ne faut pas s’étonner des conditions dramatiques et irréparables : l’effondrement de la démocratie française, qui avait tenu bon par rapport au niveau européen. C’est le symptôme du découragement que nous laissons progressivement s'installer. C’est donc là, précisément, notre responsabilité de réinsuffler de l’optimisme, de la volonté, de la détermination, de la résolution, une vision positive de l’avenir qui pour l’instant manque tant. C’est à cela que je souhaite consacrer mon intervention.
Nous avons à relever plusieurs défis. Ce n’est pas par hasard que j’ai été souvent le seul défenseur de la planification dans notre mode de gouvernance. Quand on voit fonctionner les autres, quand on parle avec les dirigeants chinois, dont je ne partage pas l’idéologie ni les méthodes, c’est intéressant de voir ce que pense ce peuple. La Chine va perdre, dans les trente ans qui viennent, l’équivalent de la totalité de la population européenne. S’il y a un tsunami, celui-là en est un. Eux qui avaient choisi la politique de l’enfant unique, ils avaient choisi d’en sortir, mais n’y arrivent pas.
Pour nous, un enfant unique, ça va très bien. Mais quand il n’y a que ça, ni sœur, ni frère, ni oncle, ni tante, ni cousin, il n’y a que ce lien vertical. C’est très difficile à porter au début, mais après, on reproduit ce modèle social. Les autorités chinoises ont du souci à se faire.
Je voudrais énumérer cinq défis. Le premier : nous devons remettre la France sur le fil de la production. C‘est le seul moyen non seulement d’être économiquement rigoureux, mais de sauver notre modèle social. Personne ne se rend compte. C’est devenu habituel. Personne ne se rend compte de l’originalité extrême, de la singularité absolue, que la France a construite après le Conseil national de la résistance. Personne ne se rend compte dans nos combats politiques de l’incroyable choix d’un pays qui a décidé de prendre en charge la totalité des services publics, pour la totalité des citoyens, pour la totalité de la vie ! Les autres pays vivent dans un modèle du chacun pour soi : tu paies l’éducation de tes enfants, si tu en as les moyens, tu paies ta retraite, si tu en as les moyens, tu t’assures contre le chômage, si tu en as les moyens, et cela est mis à la charge de chacun. Notre modèle n’est pas celui du chacun pour soi, mais du tous pour un !
Si l’on veut le sauvegarder, il y a deux conditions : être assez nombreux pour que ceux qui cotisent et paient des impôts puissent assumer cette charge ; et que le pays soit suffisamment productif. La France avait décroché depuis si longtemps du modèle de la production. On a accepté les délocalisations, parfois on les a voulues. On s’est éloignés de cette guerre d’influence qui consiste à sauvegarder, répandre les technologies. Cela se traduit hélas dans les résultats de notre commerce extérieur, cruellement, puisque les études du Plan l’ont montré surabondamment ces dernières années : nous étions à 650 millions de déficit sur les légumes essentiels – l’indice dit « ratatouille ». Sur ces principaux légumes, 650 millions de déficit. Vous n’allez pas me dire que la terre et le savoir-faire français ne peuvent pas produire ces légumes-là.
Pour moi, on parle toujours de productions industrielles et du caractère vert de celles-ci, mais pour nous, l’agriculture compte beaucoup, et c’est pourquoi Marc, tu as une charge si importante. Après la guerre en Ukraine, quand on regarde nos marchés, on a une certitude : si s’interrompait l’alimentation des marchés africains de la part de la Russie, on aurait une crise de famine multipliée. Cette menace-là nous oblige à poser le problème. Cela a une conséquence directe, aujourd’hui encourageante : pendant très longtemps, le dilemme, la question de celui qui voulait la souveraineté alimentaire, était impossible à résoudre. Pour garantir la production de votre pays et accepter le risque des fluctuations, il y a une loi : il faut produire plus que ce qu’on consommera. Hier, il y a quelques années encore, c’était impossible à résoudre, parce qu’il fallait stocker. Vous vous souvenez, la Commission européenne commandait à l’époque de grands programmes de stockages. C’est fini. Désormais, s’est ouverte une autre logique : les surplus peuvent servir à l’agro-industrie, à l’agro-chimie, à servir des carburants propres, comme matière première, pour permettre de fabriquer des substituts à des matières plastiques. C’est une nouvelle terriblement optimiste : on a devant nous des chances qui n’existaient pas avant.
J’ai été frappé par une étude du Boston Consulting Group sur les coûts comparatifs et concurrences possibles : désormais, en Europe, la première place en productivité, ce n’est plus l’Allemagne, mais la France. C’est une réussite à mettre à l’actif du gouvernement actuel. Nous, la France, nous étions habitués à nous penser comme inférieurs sur ces domaines-là de la politique économique. Et une pensée cohérente, parfois incomprise, a permis de retrouver le niveau. Nous avons cette cohérence doctrinale, philosophique. C’est le premier défi, un immense effort.
Deuxième défi : notre stratégie de développement durable. Très souvent, il y a des efforts si importants qu’ils découragent souvent. Le premier, c’est la réduction des gaz à effet de serre. Si on veut une politique de réduction continue de l’émission des gaz à effet de serre, pour être les moins émetteurs dans le monde, on sait la clef, défendue envers et contre tous : la capacité de production électrique par le nucléaire français. Si on veut ne plus émettre de gaz à effet de serre, il y a naturellement la production d’énergies renouvelables (hydroélectrique, solaire), mais la caractéristique principale de ces énergies, c’est qu’elles sont intermittentes. Le soleil ne brille pas tout le temps. Quand j’étais jeune député, et que je combattais la privatisation d’EDF, on me disait : « l’électricité, c’est comme la fraise des bois, ça ne se stocke pas et ça ne se transporte pas ». On a un peu progressé sur le transport, pas sur le stockage. Une énergie intermittente ne peut se compenser que par une énergie pilotable. La seule énergie pilotable non-émettrice de gaz à effet de serre, c’est le nucléaire. Et nous sommes parmi les premiers dans le monde à avoir maîtrisé cette énergie-là. Le président de la République a fait un choix volontaire et courageux de maintenir et augmenter notre capacité nucléaire.
Deuxième enjeu majeur : il faut réduire la consommation quand on peut, sans perdre en bien-être. Il n’est pas question de mettre la marche arrière. Des technologies existent. C’est très facile, si les esprits changent. Nous vivons debout sur une immense chaudière constamment créatrice, et éternelle, en tous cas à l’échelle humaine. C’est la géothermie : 95% du territoire français est éligible à la géothermie. Les économies sont considérables. Pour chauffer un logement, si vous avez une ressource en géothermie, c’est 80% d’économie d’électricité avec une pompe à chaleur. Pour climatiser, rafraîchir pendant l’été, l’économie est de 90% par rapport à un climatiseur. C’est immédiatement disponible, c’est demain matin. Il faut former les foreurs, il faut financer les foreuses. Cela coute 900 000 euros, ça dure 20 ans. Il n’y en a pas. Dans le sud-ouest, il y a un appareil de forage. Nous, qui avons été les foreurs de la planète ! Et enfin, il faut trouver un appareil de financement. Cela coûte près de 15 000 euros. Il faut le financer car le retour par investissement est certain. Pourquoi on ne le fait pas ? C’est un grand mystère. Le président a créé une installation de géothermie à l’Elysée. Cela permet de faire le pont, dans le temps, entre ce que nous attendons et la situation d’aujourd’hui.
Troisième défi : il faut concevoir la ville différemment. Les maires savent ce dont nous parlons. La loi sur le zéro artificialisation nette impose de voir les villes différemment. La biodiversité, Sarah, avec tout ce que vous envisagez : l’amélioration des biotopes… Il faut créer des conditions de nourrissage des pollinisateurs. J’ai dit à Sarah dans le creux de l’oreille, ce que je vais vous dire publiquement : j’approuve l’incitation à planter des haies. Mais fournissez-nous des plantes ! Si vous vous laissez aller à continuer à ce que vos prédécesseurs ont fait : vanter mais ne pas donner les moyens, c’est comme siffler dans un violon !
Dernier point, plus délicat. Ce n’est pas dans l’air du temps. Bien sûr, il faut continuer tous les efforts que la France conduit pour arriver au standard que nous nous fixons. Mais la France, c’est le millième de l’atmosphère de la planète et le centième de l’émission de gaz à effet de serre. Tous les autres font pire. Tous les autres relancent les centrales à charbon. On prouve que le charbon est la pire de ces énergies ! Avant le pétrole, avant le gaz. Or, toute la planète relance les centrales à charbon, et nous ne faisons rien. Regardez la Grande-Bretagne. Si vous croyez que les sociétés vont accepter de concentrer les efforts sur leurs ressources propres alors que tous les autres renoncent et se servent de ces renoncements pour être des concurrents indépassables, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Mesdames et messieurs les députés européens, monsieur le commissaire européen, mesdames et messieurs le futurs Premiers ministres et présidents de la République présents dans la salle (rires), nous avons une exigence absolue de mener ce combat à l’échelon international parce que cela va s’effondrer. La volonté des peuples vertueux ne résistera pas à l’effondrement économique si les autres font le contraire de ce que nous nous sommes engagés à faire.
Troisième défi et troisième optimisme : il faut que nous planifions l’idée de revenir à l’équilibre des finances publiques. Nous avons partagé vingt années de combat. La situation que nous avons aujourd’hui est inacceptable moralement : la responsabilité des générations qui ont accepté cette offense au bon sens et à la responsabilité de prendre pour eux tous les bénéfices de tous les budgets de fonctionnement et qui laissent la charge à leurs enfants de payer, c’est impossible à accepter. Je suis allé devant le Conseil d’orientation des retraites (COR) pour leur donner des chiffres précis sur un débat que nous avons eu : les messages que l’opinion recevait du COR c’était que les retraites étaient en excédent. Tous les Français l’ont cru, principalement les oppositions. « Il est possible qu’en 2030, il manque quelques milliards », me disent certains. Mais c’est en équilibre parce que l’Etat verse 40 milliards pour l’atteindre ! Et 1 milliard, je le rappelle, c’est 1 000 millions. Le calcul mental est une science majeure, cynique. C’est donc 40 000 millions d’euros qui, tous les ans, sont versés au système de retraite pour atteindre l’équilibre. Ces 40 000 millions d’euros sont, au moins pour un tiers, empruntés. Cette année, 127 milliards ont été empruntés par la France. Emprunter, ça paraît agréable ou facile, mais ceux qui vont rembourser, ce sont les générations qui viennent. Ils vont avoir une triple charge ! Assumer leur propre vie, mais ils vont devoir assumer les pensions de leurs contemporains, et en plus rembourser les pensions de leurs prédécesseurs ! C’est une honte, c’est irresponsable !
J’ai été tellement triste que le Gouvernement ne fasse pas vérité avec les Français là-dessus. Je pense qu’on aurait gagné un référendum sur ce sujet, en expliquant cela, notre vision de la démocratie. Moi je crois que la démocratie consiste à partager la responsabilité. L’argument de dire que « c’était dans le programme, donc on l’applique », cela ne marche plus. Il y a une exigence de participation du citoyen. S’il n’y a pas cette mutation de méthode dans la démocratie qui fait que les gouvernants ne se sentent plus légitimes à décider sans l’opinion… si l’on veut aller contre l’opinion, il y a une arme : le référendum. Sans le soutien de l’opinion, ou la compréhension de l’opinion, vous ne pouvez pas gouverner. C’est la vision que nous défendons contre tout le reste du monde. Il n’y a qu’un moyen de s’en sortir : un plan de long terme de retour à l’équilibre. Cela demande des efforts, entre 5 et 8 milliards d’efforts supplémentaires. Alors les gens comprendront qu’on cherche simplement à sauvegarder l’équilibre des générations qui viennent. Cela ne veut pas dire qu’on emprunte plus ! Mais il faut que la dette serve à l’investissement, pas au fonctionnement. La dette est faite pour créer des capacités nouvelles pour la nation. Hélas, ces dernières années, on s’est endettés pour le fonctionnement, sans investir suffisamment.
Quatrième plan : l’éducation. Il ne faut pas qu’on se trompe. L’éducation en France est dans une crise profondissime. Ayant largement exercé des responsabilités et annoncé ce qui allait se passer, j’avais écrit La décennie des mal-appris. En réalité, ce n’était pas une décennie mais un demi-siècle. 20% des enfants ne savent pas lire et écrire correctement à leur entrée en 6ème. On se dit que la France, qui a été le pays considéré comme le meilleur pays en termes d’éducation primaire… Quand on constate qu’il y a un enfant sur deux qui ne sait pas placer la fraction ½ sur une échelle de 0 à 5, au collège. Comme dit Victor Hugo : « Ces choses-là sont rudes, pour les comprendre il faut avoir fait des études ». La langue, orale, écrite, l’orthographe, alors… Nous sommes devant des responsabilités très importantes.
Quand vous parlez avec des enseignants français de la tenue dans la classe, vous avez le même genre de frayeur : vous ne pouvez pas enseigner sans un cadre minimal, une concentration minimale dans la classe. On ne sait plus traiter ce problème. Je sais le rôle que l’omniprésence des écrans joue. Cela peut être la meilleure et la pire des choses. Quand vous apprenez que les dirigeants de la Silicon Valley ont créé des écoles pour leurs enfants qui sont des écoles SANS écrans, c’est qu’on n’a pas la même capacité d’apprendre selon qu’on les reçoit passivement, ou selon qu’on va les chercher. La lecture, l’écriture, la conversation, permettent d’aller chercher des connaissances, de la compréhension du monde.
Moi, je crois, et j’accepte d’être pris pour un idéaliste, qu’à l’école, on peut redresser la situation en cinq années pour retrouver le niveau. Il faut partir d’un paradoxe : on connaît tous un professeur formidable, qui nous a parfois sauvé, mais personne ne les repère pour s’inspirer de leurs méthodes. Je propose que ce soit sur cela qu’on fonde la reconstruction, refondation de notre école, en repérant ceux qui réussissent à faire progresser leur classe, quel que soit son niveau. Repérons-le et allons étudier, chez chacun, sa stratégie pédagogique pour la répandre au plus grand nombre. Ce n’est pas du sommet que viendra la réponse, mais du repérage modeste, école par école. Cela s’appelait autrefois les cahiers pédagogiques, qu’on se partageait.
Il faut que nous prenions en compte une règle : apprendre à nager avant de plonger. Ce n’est pas possible de laisser entrer en 6ème des élèves qui ne savent pas lire. On va de classe en classe, mais au bout du collège, ils seront marginalisés, éjectés. Je n’arrive pas à accepter l’idée de ne pas offrir la capacité à ces enfants de reconstruire les fondamentaux. C’est l’œuvre la plus sociale que nous devrions envisager de faire. Si vous ne lui donnez pas cela, c’est de la non-assistance à enfant en danger !
Une autre chose à faire : respecter les enseignants. Il n’y a rien qui m’agace plus que ceux qui disent que les enseignants ne travaillent pas assez, parlent de leurs horaires de travail… Moi, je ressens cela comme une offense, comme quelque chose d’insultant. On ne demande jamais quel est le temps de travail effectif d’un journaliste qui vient faire 20 mn à la télévision. On ne pense pas qu’un magistrat ne travaille pas assez parce qu’on n'en décompterait que le travail durant une audience. Les enseignants sont victimes de cette persécution. Que ceux qui pensent cela viennent 15 jours pendant une classe avec la préparation des cours, avec les horaires effectifs de cours, avec les heures de correction des copies, avec les conseils de classe, avec les heures de réunions avec les parents… Et là, nous serons prêts à écouter leurs arguments. On a du mal à recruter et les enseignants s’en vont, ils ne se sentent pas encouragés ni soutenus. Nous ne devrions pas accepter ce mouvement.
Cinquième défi : la refondation de notre démocratie et action publique. Ce n’est pas le plus mince des défis. Nous pourrions aussi prendre la santé, le logement, la sécurité… tous dépendent de l’action publique. L’action publique ne fonctionne pas bien. Je veux dire un constat : le président de la République, depuis son élection, c’est la question qui le travaille le plus. Les richesses, les capacités, les possibilités d’innovation sont sur le terrain, pourquoi est-ce qu’en haut, on ne les entend jamais ? C’était cela, le Grand débat. Allons voir sur le terrain pour débloquer les choses. Il y a un potentiel formidable. Si nous débloquons l’action publique, il faut aussi débloquer la démocratie.
Cette exigence de changement a fait l’objet de multiples promesses. Il faut passer à la réalisation. Quelque chose s’est passé : le président de la République a réuni à Saint-Denis les responsables de partis politiques. C’était extraordinaire comme moment. Ils se sont découverts entre eux, ils ne se connaissaient pas, ils se sont écoutés. Comme le président de la République sait faire, il a fait un marathon de douze heures. Quand vous êtes douze heures dans la même pièce, vous êtes obligé de les écouter. Des gens totalement opposés en venaient à dire des choses assez semblables et à découvrir dans les yeux de l’autre que leur thèse n’était pas si favorable qu’ils imaginaient qu’elle le fût. Quand un parti d’extrême gauche plaidait pour un référendum et l’abaissement du nombre de signatures, et que l’extrême droite prônait la même chose… Désormais, on est certains qu’il y aura une suite. Quand sur les questions essentielles, la loi électorale, la proportionnelle, les lois des collectivités locales, le référendum, le président de la République convoque les chefs de parti et dit que c’est dans notre périmètre, on va s’en occuper.
La loi électorale et la proportionnelle : ce n’est pas possible qu’il y ait en France une loi qui fait que le suffrage d’un très grand nombre d’électeurs n’est pas pris en compte. Tous les électeurs doivent être représentés. La loi électorale juste, c’est l’obligation de travailler ensemble. Nous sommes défenseurs d’une recréation de la loi électorale : la proportionnelle départementale, ou un autre système adaptable, le système allemand, on vote dans des circonscriptions. L’objection à la proportionnelle oppose qu’il s’agit de la IVème République. En France, De Gaulle avait pensé un moyen pour échapper à la division : l’élection du président de la République par suffrage universel. C’est lui qui a la charge de ménager les opinions différentes.
Si nous avions eu la proportionnelle, des forces politiques se seraient présentées chacune sous ses couleurs, sans alliance, cela aurait conforté la certitude qu’elles doivent travailler ensemble.
Ce n’est pas possible qu’on conserve la loi électorale de Paris, Lyon et Marseille : les maires des trois plus grandes villes de France ne sont pas élus au suffrage universel ! Je souhaiterais aussi qu’on traite des régions, aucun électeur ne connaît ses conseillers régionaux, cela pose un problème.
Nous allons aborder des élections européennes très importantes, dans un climat inédit dans la politique française. Avant, quand on y allait, c’était avec une réticence générale des concurrents, des europhobes et eurosceptiques tenaient le haut du pavé. Nous, engagés pour l’Europe, avions du mal à défendre nos idées. C’est fini. Si l’on regarde le choc climatique que nous avons devant nous, l’inflation, le manquement de Poutine à l’intangibilité des frontières, la fracture ouverte au sein de la société américaine, la remise en cause de la Chine, des principes-mêmes du commerce mondial, avec le protectionnisme, les tremblements de terre politiques du continent africain, tout cela n’a qu’une réponse possible : l’existence, la puissance, la solidarité de l’Europe. Pour la première fois, nous serons sans aucun complexe à défendre ce modèle ! Ceux qui sont eurosceptiques, qu’ils aillent voir Madame Meloni ! Il ne s’est pas passé une année sans qu’elle se tourne vers l’Europe, constatant son impuissance. Je les invite à aller voir les partisans du Brexit : c’est la crise économique, du niveau de vie, de l’emploi, et une immigration multipliée par deux depuis la sortie de la Grande-Bretagne.
Nous avons désormais toutes les raisons et certitudes pour défendre cette construction en cours qui est le seul recours pour un peuple.
Voilà ce que je suis certain que nous allons défendre dans les mois qui viennent. Le plus profond de notre engagement, pas seulement politique, du fond de ce que nous sommes, de ce qu’est la France. Un engagement du projet français, de l’âme française. La France qui est une communauté de destins. Notre identité n’est pas dans le passé. Elle est un peu dans l’histoire de chacun, mais n’est pas une histoire de race, de couleur de peau, c’est une histoire de projet de retour à nous-mêmes, qui nous porte au-delà de nos angoisses. On va les vaincre ! Parce qu’on a en nous tout le ressort nécessaire.
Dans le triptyque liberté-égalité-fraternité, on peut défendre la liberté, en se moquant de l'égalité. On peut aussi défendre l’égalité, en se moquant de la liberté. C’est la bipolarisation. Nous, nous sommes du côté de la fraternité parce que la fraternité ne peut pas se concevoir sans égalité et sans liberté. C’est pourquoi nous sommes la clef de voûte de l’engagement des citoyens au service de la France, dans cette famille politique.
Il est de notre devoir de le transmettre à la société française.
Dans les semaines qui viennent, nous allons vivre une épreuve injuste à bien des égards et scandaleuse pour une famille politique qui a fait de la moralisation de la vie publique un de ses mantras. A ceux qui parmi nous vont devoir affronter cette épreuve : il n’est pas vrai que nous ayons en quoi que ce soit participé au moindre détournement dont nous sommes accusés, sur des accusations qui se sont effondrées les unes après les autres par l’enquête elle-même. Ce n’est pas vrai. Et quand vous êtes certains que ce n’est pas vrai, un procès finalement, c’est un moment de libération.
Quand ce sera dur, et si c’est dur, je penserai à vous. Et cela va être dur.
Merci beaucoup.