UR 2023 : discours de clôture de Marc Fesneau
Retrouvez ci-dessous le discours de clôture de Marc Fesneau à l’Université de rentrée 2023.
Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le président, cher François,
Monsieur le Commissaire Européen,
Monsieur le Président du groupe UC,
Mesdames et messieurs les vice-présidents,
Madame la secrétaire générale, chère Maud,
Mesdames et messieurs les présidents et responsables de mouvements départementaux,
Messieurs les ministres, cher Philippe, cher Jean-Noël, madame la ministre, chère Sarah,
Mesdames et messieurs les parlementaires nationaux et européens,
Mesdames et messieurs les élus,
Chers militants,
Chers amis,
Je voudrais, en tout premier lieu, remercier à nouveau tous les salariés du siège, les bénévoles, mais aussi les prestataires qui ont fait, que cette année encore, nous retrouver à Guidel, en paraisse toujours aussi « simple », aussi « naturel ». Et c’est sans doute un atout de notre famille (au sens le plus étymologique du terme) politique de ne pas nous laisser emporter par la force des habitudes et le poids des acquis. En un mot, ne jamais oublier d’où nous venons… On n’apprend parfois, oserais-je le dire, souvent, pas grand-chose de ses victoires. L’on apprend toujours plus des épreuves et des difficultés. Et de ses épreuves nous avons fait une force, une manière d’être aussi que l’on nous reconnait souvent dans la manière d’exercer nos responsabilité..
C’est pourquoi je voudrais témoigner en votre nom à tous, cette année encore, la 12ème, de notre profonde reconnaissance à tous ceux qui ont pris une part, de près ou de loin, à la réussite de notre université de rentrée.
Guidel, au fond, c’est plus qu’un rendez-vous annuel. C’est un peu le tour de cadran qui, chaque année, vient démontrer notre solidité individuelle et collective, notre solidarité sans faille face à l’adversité et aux épreuves, notre capacité à continuer de penser librement et avec une constance qui n’existe dans aucune autre famille politique. C’est cela qui fait que nos valeurs sont si actuelles, et que les valeurs que nous portons sont au cœur des défis de ce siècle. C’est la capacité aussi à entendre des points de vue différents à en faire tout sauf un entre soi autosatisfait.
Mais Guidel, c’est aussi un repère, un point fixe, qui s’est tenu depuis 12 ans contre vents et marées. C’est le cœur de la mer et ses profondeurs, alors que le bruit des vagues se faisait parfois assourdissant.
Et c’est aussi devenu le point de convergence pour tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs du Centre, quels qu’aient été les chemins qu’ils aient pu emprunter auparavant. C’est un peu cette vielle maison, décrite en son temps par Léon Blum lorsqu’il évoquait les épreuves que traversait sa famille politique : « Nous sommes convaincus jusqu’au fond de nous-mêmes que pendant que vous irez courir l’aventure, il faut quelqu’un qui reste garder la maison où peut-être vous viendrez ou reviendrez un jour ». Et nous étions quelques-uns à penser les choses ainsi alors que nous étions peu nombreux autour de François et Marielle à tenir la maison.
Et je me réjouis de voir Guidel s’enrichir chaque année de nouveaux visages, ou des visages plus familiers. C’est bien la démonstration la plus évidente que ce lieu est la maison de la famille centriste.
Et vous me permettrez de dire simplement merci à celui qui a gardé cette maison, avec une détermination, une abnégation – une foi – sans pareil. C’est bien François qui a veillé au sort de cette maison dont nous fêterons les 100 ans, qui menaçait de s’effondrer, et qui en a fortifié patiemment les fondations.
Ces fondations, cher François, ce sont les sympathisants et les militants que la constance et la cohérence de notre discours politique réunit. Ce sont les cadres de notre parti – je pense en particulier aux présidents de mouvements départementaux et les délégués, les membres du Conseil national – qui le font vivre au quotidien dans nos territoires. Ce sont nos parlementaires, qui expriment à l’Assemblée nationale et au Sénat et au Parlement européen ce que nous pensons et ce que nous sommes.
On a longtemps dit et parfois reproché que tout cela était une aventure personnelle. Ceux là confondait les responsabilités du leader mais que notre démarche, j’aurais envie de dire notre voyage était avant tout une démarche collective, portée par le collectif et à visée collective. Et c’est ce que nous avons démontré ces années autour de toi Cher François.
Et cher François je voudrais juste ajouter ce matin et je veux en témoigner que ce combat tu l’as toujours mené avec un sens, une exigence une éthique et une morale civique dont je peux attester et auxquelles tu n’as jamais failli. Et je peux le dire, moi qui suit dans cette maison depuis plus de 25 ans avec la plus grande vigueur et la plus grande sérénité. Et c’est justice de le dire devant vous tous ce matin.
Chers amis, comme élu local, depuis 1995, comme secrétaire général du Mouvement Démocrate, comme ministre et comme 1er Vice-président j’ai vu notre famille politique tenir son rang avec solidité, et je la vois aujourd’hui porter des valeurs, des propositions et une posture j’y insiste, qui ne peuvent être plus actuelles, au regard des maux dont souffrent nos sociétés démocratiques.
Et je peux le dire, comme ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, parce que les enjeux auxquels je suis confronté au quotidien dans ma mission disent quelque chose des mouvements à l’œuvre dans notre société.
Premier de ces maux : la remise en cause constante des paroles autrefois considérées comme légitimes, ceux qui font autorité que ce soit celles des responsables à celles des scientifiques, des journalistes aux penseurs de notre temps. Ou même tout simplement de ceux qui « font », au profit d’un ressenti ou d’une émotion personnelle, ou de convictions militantes. Et cela amène à nier la science et la raison la plus élémentaire ou à « trier » ce que dit la science, à tordre les faits jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que des instruments tronqués au service de croyances ou d’idéologies. A refuser la raison au profit de la seule passion. Et nous l’avons vécue, cette forme de remise en cause, de manière évidente ces dernières années lors de la crise sanitaire… et nous la vivons quotidiennement aujourd’hui à bien y regarder sur tout sujet politique au non. Il y a une course vers le néant dans ces attitudes qui fait que le doute devient nihilisme ou l’hypothèse devient dogme. Et comme le disait Victor Hugo avec le cette pensée nihiliste pas de discussion possible puisque le nihiliste logique doute que son interlocuteur existe, et il n'est pas bien sûr d'exister lui-même. Et avec un deuxième mouvement celui de ne jamais vouloir, devoir et avoir devant l’opinion à porter de responsabilité. Ce refus à accepter les faits se double donc d’une irresponsabilité confortable celle qui aboutit au fait que personne n’est inquiété ni jugé coupable de ces paroles ou même de ces actes. Personne. Et ce sont les responsables.
Deuxième de ces maux : l’injonction de l’immédiateté, qui tend à faire de nous des soldats de fortune sommés de choisir le camp du « pour » ou du « contre », du « oui » ou du « non », et qui interdit ou au moins empêche la nuance à laquelle nous sommes, pour notre part, si attachés. Et dont nous aurions tant besoin. La dictature de l’immédiateté c’est l’inverse de ce que nous pensons mais c’est surtout une manière qui empêche ou interdit de penser le temps long. J’invite à regarder les empires qui se constituent autour de nous. Ils pensent le temps long. La force des démocraties c’était justement de penser par leur stabilité, la concorde qu’elles produisaient de pouvoir penser loin et long. Et la tyrannie de l’immédiateté les entravent désormais. L’intensification, la massification et la rapidité de diffusion des fausses informations par nos réseaux sociaux et la loupe grossissante de l’information en continu, qui saturent le débat public de faits divers et de controverses, quand il a tant besoin de hauteur de vue et d’apaisement…
Troisième de ces maux : l’individualisme à tout crin, qui fait passer le « je » avant le « nous », qui confine au refus de la diversité et de la différence, sauf quand elle s’applique à soi, alors que nous avons tant besoin de bienveillance et de compréhension mutuelle. Je suis chaque jour fasciné de voir comment notre société qui prône pour nombre de domaine la tolérance pour soi la refuse aux autres. Et cela mène au refus catégorique du compromis et à l’affirmation exacerbée des identités. Tout est motif à identitarisme (religion, idées, mode de vie, alimentation, sport…) (« comment on est on arrivé au point qu’un grand pays en soit à disserter de ce que l’on pense du barbecue…), non pas comme un appel à la tolérance mais comme un appel à la division et à l’affirmation d’un soi qui viendrait écraser les autres. Tout cela mène à un dialogue public qui n’est plus conçu comme un espace de d’échange et de citoyenneté permettant de partager des objectifs, des contraintes et donc à cheminer vers la recherche d’un compromis mais comme une opportunité d’imposer ses vues. Et cette violence verbale dans l’affirmation de soi, cette violence du débat pour écraser l’autre, elle a inexorablement une issue, c’est celle de la violence tout court ;
Quatrième de ces maux : le catastrophisme, le déclinisme, le collapsologisme qui mène aux discours les plus fous et à une idée qui ne peut nous être qu’insupportable, pour les humanistes que nous sommes, c’est qu’au fond, l’idée que l’Homme devrait disparaître parce qu’il serait le problème et non la solution à nos problèmes.
Ce que je vous décris c’est l’inverse de ce en quoi cette famille de pensée croit profondément depuis presque 100 ans, et la création du Parti Démocrate Populaire. C’est le refus de cette idée dangereuse selon laquelle une idéologie, un appareil ou une organisation sociale pourrait être plus importants que l’Homme.
Et donc face à ces maux, face à ces vertiges qui saisissent nos sociétés démocratiques et notre monde, le Centre, le Mouvement Démocrate, avons une responsabilité immense. Et une histoire qui nous oblige et doit plus que jamais nous conforter dans le chemin que nous avons à emprunter.
D’abord pour dire que notre ADN, c’est l’humanisme, qui nous entraîne à refuser les dogmes, qui nous invite et nous donne la capacité à construire des compromis, et à les construire autour de nos idées, de nourrir le débat politique.
Le pays a plus que jamais besoin des artisans des « réconciliations impossibles » que nous sommes, comme le disait Marc Sangnier, créateur du Sillon. Et je sais, je sens qu’il peut s’agir de l’attente des Français, qui sortent de cette année fatigués des oppositions stériles et las face à la violence du débat public. Il y a une forme de lassitude à cette année pour les français.
Et parce que nous sommes les tenants du respect et de la tolérance nous devons être les artisans, les fantassins déterminés de la paix civile. Et donc nous tenir résolument écartés des maux que j’évoquais il y a quelques minutes.
Notre c’est aussi de penser notre pays dans son espace et c’est donc de penser l’Europe, et c’est aussi sur cela que notre famille politique s’est construite et je veux avoir une pensée pour Marielle de Sarnez qui, nous le savons, aurait démontré brillamment que l’Europe était l’échelon stratégique incontournable pour relever les défis qui sont les nôtres (énergie, agriculture et sécurité alimentaire, immigration, numérique) et les élections européennes vont montrer que nous avions raison : nous sommes mieux avec l’Europe que sans… Et même ceux qui nous expliquaient à longueur de journée que tous les maux venaient de l’Europe sont aujourd’hui moins à l’aise pour le faire. Et notre force, c’est que nous sommes aujourd’hui non pas les seuls, mais les premiers à porter cette vision claire de l’Europe. Nous devons demain continuer d’être des pionniers dans ce domaine : penser une Europe géopolitique et une Europe plus agile, dans un monde qui évolue à toute vitesse ;
Notre ADN, c’est aussi se rassembler et s’ouvrir, c’est avoir un esprit de conquête. Et le temps est venu de le faire encore davantage, d’aller sur le terrain pour convaincre, rassembler, fédérer autour de ce que nous sommes et de ce que nous pensons. De nous enrichir, aussi, des autres. Et pour cela, nous pouvons nous appuyer sur une force. Car notre ADN, c’est savoir ce qu’est l’épreuve, les routes escarpées, et c’est être sereins face à elles. C’est être certains de notre capacité à tenir la distance et donc à entraîner les autres dans notre sillon.
Et pour cela, et dans la perspective des combats que nous aurons à mener, je voudrais vous dire ma reconnaissance et ma confiance : à vous, présidents de mouvements départementaux et délégués, adhérents de la première heure comme ceux qui nous ont rejoint au cours du voyage ; à ceux, élus ou non, qui donnent de leur énergie et de leur temps depuis si longtemps. Les combats que nous avons à mener ne sont pas les combats habituels de partis. Ils vont nécessiter encore plus d’exigence, de résilience et d’altruisme. Ils sont des combats pour les générations futures. Et ils ne seront plus ceux simplement de la conquête du pouvoir ni de la compétition légitime ou du débat d’idées. Ils sont les combats les plus fondamentaux qui soient ceux de la liberté, de l’humanité, de notre rapport au monde. Ils sont des combats de la France et de l’Europe, cher Thierry Breton.
Nous ne serons pas de trop je vous l’assure pour les relever.