Carnet d'Ukraine : La forteresse Bahkmout
Nataliia Pylypenko, réfugiée ukrainienne, a trouvé l'asile à Paris avec ses deux petits enfants grâce à une très généreuse famille française. Depuis leur arrivée en France, le 15 mars 2022, Nataliia, professeur de langues étrangères, écrit tous les jours sur les évènements tragiques qui se déroulent dans son pays où son mari est resté.
L'Ukraine ne cherche pas l'impossible, l'Ukraine défend son propre territoire.
Bahkmout est l'un de points les plus chauds du front militaire. L'aviation, l'artillerie, les chars... sont utilisés par les russes contre la ville mais les Forces Armées Ukrainiennes font tout leur possible face aux forces ennemies.
Un peu d'histoire... Bahkmout est une ville à 68 km au nord de Donetsk à l'est de l'Ukraine. La région de Bakhmout est une zone d’extraction minière, avec des gisements de gypse, d’argile et de craie ; mais c’est surtout le sel qui fait la réputation et la fortune de cette région.
À partir de mai 2022, au cours de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, Bakhmout se retrouve proche de la ligne de front et est régulièrement bombardée par l'armée russe, alors qu'environ 20 000 personnes demeurent dans la ville. Le 1er août, les forces russes lancent une offensive massive au sud et au sud-est de Bakhmout. Fin novembre 2022, de nombreuses troupes Wagner sont envoyées par les Russes pour prendre Bakhmout coûte que coûte. Son choix pour cette contre-offensive étonne les analystes occidentaux.
Le sous-sol de la région de Bakhmout est riche en sel. Ce qui explique l’acharnement des russes à vouloir s’en emparer. Les ressources naturelles locales expliquent pourquoi le groupe Wagner se bat depuis des mois dans ce secteur du Donbass. Malgré les lourdes pertes qu’il y enregistre, les mercenaires de Wagner poursuivent leurs attaques terrestres. Les combats continuent aussi intenses et meurtriers et il y a trop de pertes de deux côtés mais plus de russes.
Et aujourd`hui à l`entrée de Bakhmout il y a des signes « Stop – Mines ».
Toute la ville est en ruine. Dans les immeubles il y a des trous, là où la vie faisait le rage, on aperçoit des pans de ciel à travers de débris… Tout autour est découpé de débris. Les rues de la ville sont vides… À Bahkmout il y a du bruit le jour et la nuit, des attaques constantes. Les canonnades n`arrêtent pas. Dans les rues il y a que des mitrailleuses et le transport militaire et volontaire et il n'y a aucun réseau téléphonique.
Les choses qui étaient normales sont devenues un luxe pour les gens. La nourriture dans la ville est cuite sur le feu dehors, les fours artisanaux sont fabriqués à partir de briques. Les gens restent principalement dans les sous-sols, ils ne se déplacent pas dans la ville sans un besoin urgent. Parfois, quelqu'un se rassemble en petits groupes dans sa propre cour. Dans de tels événements "résidentiels", il y a des gens qui informent les autres des événements de la ville, de la distribution de l'aide humanitaire.
Lorsque les bombardements se calment pour un moment, les habitants restés en ville sortent des sous-sols à la recherche de nourriture, et courent vers les postes de volontaires. Ils vont aussi chercher de l'eau auprès de volontaires ou la collectent dans des puits auxquels ils ont accès.
Le manque d'eau en quantité suffisante rend également problématique la question de l'hygiène personnelle de la population. "La première nécessité dans la ville est l'eau", explique Vadym Fomenko (bénévole de la fondation caritative Yes Volunteer). "La seconde est une sorte de chauffage, des générateurs avec du carburant, des bouteilles de gaz, des brûleurs pour la cuisson des aliments." Ce sont des trucs qui sont toujours en manque. On peut également voir des habitants près des "points d'invincibilité" - il y en a trois à Bakhmut.
Les volontaires de Kharkiv y ont apporté plus de 500 kits alimentaires avec des pâtes, des céréales, des conserves, du pain et d'autres denrées non périssables, et des sucreries pour les enfants.
Selon Vadym, au moins cinq volontaires étrangers de différentes parties du monde travaillent sur ce point. Malgré tous les risques, ils ont choisi cette voie - pour soutenir les Ukrainiens :
J'ai été surpris que les gars viennent aider pour rien, je ne vois aucun avantage pour eux à être là.
Il y a une zone pour les enfants au point, où ils peuvent temporairement oublier les terribles événements qui se produisent à l'extérieur, s'amuser et communiquer et jouer avec d'autres enfants. Chacun peut y recharger ses gadgets, se réchauffer, boire des boissons chaudes et manger, si besoin, se faire soigner et simplement communiquer. On peut même regarder la télévision Ukrainienne.
Vadym Fomenko note qu'au début janvier, un avion a percuté le bâtiment de l'un des "points d'invincibilité" puis le feu a commencé et a endommagé ce point de chauffage, mais maintenant des volontaires restaurent tout. En parallèle, ils creusent un puits de leurs propres forces afin de répondre aux besoins des habitants en eau potable et technique.
En plus les animaux qui sont restés sans abri à cause de bombardements ne sont pas laissés. Des mangeoires ont été placées près des points. Les animaux à quatre pattes sont nourris par des bénévoles, des militaires et des résidents locaux.
J'ai été surpris par l'unité des gens, comme des fourmis. Là, chaîne par chaîne, chacun construit et fait son travail.
Les militaires Ukrainiens de Bakhmut sont dévoués et ont l'esprit moral élevé et se battent pour chaque mètre de leur terre, malgré l'intensité des bombardements et l'aggravation de la situation. "Les militaires ont une humeur joviale, combative. C'est difficile pour tout le monde, tout le monde comprend tout, mais en même temps ils tiennent le coup et les soldats sont motivés".
Selon le Commandant des Forces Armées, ex-commandant du régiment "Azov" Maksym Zhorin :
Chaque jour, l'Armée Ukrainienne essaie de prendre l'initiative et de mener des contre-attaques possibles ici, sur la base des forces et des moyens dont nous disposons. Si l'ennemi nous fait tomber d'une position, alors en quelques heures nous rassemblons des forces et les rendre.
Ainsi, une position peut changer de mains plusieurs fois dans la journée. L'armée se bat pour chaque mètre. Dans la ville elle-même et autour d'elle, les combats se sont déjà transformés en "véritable enfer".
L'ennemi attaque constamment. L'ennemi essaie de prendre le contrôle de la route Kostyantynivka-Bakhmut, mais il n'y parvient pas. Nos combattants - les Forces Armées et la Garde Nationale - font un travail incroyable, ce sont de vrais héros. L'ennemi subit des pertes énormes... Wagner est presque complètement détruit. Ils ont été remplacés par des parachutistes, qui subissent également des pertes presque tous les jours non seulement en effectifs, mais aussi en véhicules blindés", note le Commandant Zhorin.
Pour les militaires, la situation à Bakhmut est considérablement aggravée par la présence de civils dans la ville. Les habitants sont fatigués des conditions dans lesquelles ils se trouvent, mais ils n'ont pas l'intention de quitter la ville.
L'amitié est ce qui maintient les citoyens là-bas. Les habitants s'entraident et essaient de survivre dans les conditions qui se sont développées
Comme l'a rapporté l'Etat-Major Général des Forces Armées Ukrainiennes, au 31 janvier, les forces de défense Ukrainienne ont repoussé les attaques des troupes russes près de treize zones peuplées de l'est du pays. Parmi eux se trouve Bakhmut, une ville forteresse.
Le point d`invincibilité – c'est BAHKMOUT.