Christophe Jerretie : « Les collectivités locales ne sont pas responsables de l’endettement de la France »

Jerretie

Christophe Jerretie, président du Comité d'orientation des finances locales La Banque Postale et ancien député de Corrèze, a accordé un entretien au Monde sur l'effort demandé par le gouvernement aux départements pour redresser le budget de la France.

Une forte inquiétude règne alors que se tient le 93e congrès des départements. Ils craignent que les mesures d’économies demandées par le gouvernement ne les mettent à genoux. Qu’en pensez-vous ?

Les départements sont inquiets parce que les droits de mutation à titre onéreux [DMTO, une taxe perçue lors du paiement des « frais de notaire », acquittés par les particuliers lors de l’achat d’un bien immobilier] chutent depuis deux ans. En réalité, l’augmentation exponentielle des DMTO entre 2013 et 2022 a constitué un ballon d’oxygène pour les départements. Aujourd’hui, c’est un retour à la normale.

Les départements s’inquiètent pourtant de ne plus pouvoir assurer correctement les services publics dont ils ont la charge…

Le problème des services publics est ailleurs, dans l’éparpillement des compétences entre les collectivités. C’est écrit dans tous les rapports, il y a trop d’intervenants.

Prenons l’exemple de la politique de l’emploi : l’Etat, les régions, les départements, les intercommunalités s’en mêlent, sans compter que les entreprises recrutent par le biais de LinkedIn et des agences d’intérim. Ce n’est pas acceptable.

Les élus ne veulent pas l’entendre et continuer à tout piloter. Il est vrai que les départements vont avoir des difficultés, mais il faut qu’ils reviennent à leurs missions historiques, c’est-à-dire le médico-social au sens large. A chacun son rôle. Qu’ils interviennent sur l’emploi, le sport, la culture n’est viable ni financièrement ni politiquement. Car la dispersion est totale et le résultat n’est pas meilleur.

Quels sont les effets prévisibles de l’effort de 5 milliards d’euros demandé aux collectivités locales ?

Elles doivent participer. Ce qui me pose problème, c’est que l’on demande à certaines d’entre elles seulement de faire des économies [seules les 450 plus grosses collectivités du pays devront mettre d’autorité en réserve 2 % de leurs dépenses, soit 3 milliards d’euros. D’autres mesures doivent rapporter 2 milliards de plus à l’Etat]. Les collectivités auraient été en capacité d’absorber l’effort si toutes avaient été appelées à participer.

Quant à l’impact, il y aura un peu moins d’investissement, mais on est à un niveau très élevé. En outre, il n’y aura pas d’effet sur la mandature actuelle car on est en fin de cycle électoral. En revanche, il y aura un effet mécanique sur l’équilibre des budgets.

Bercy attaque les élus locaux, considérés comme trop dépensiers. Eux crient à l’asphyxie. Qui a raison ?

Les deux.

Les collectivités locales ne sont pas responsables de l’endettement de la France. Mais il est vrai que, ces dernières années, elles ont davantage investi et embauché.

Les intercommunalités se sont développées, mais cela n’a pas entraîné de baisse de personnels dans les communes. Les grandes régions déploient des agents pour exister sur leur territoire. Or, on ne leur demande pas d’être des collectivités de proximité.

C’est en tout cas symptomatique du dialogue de sourds qui caractérise les relations entre les élus locaux et l’Etat. Il y a trop d’interlocuteurs du côté des collectivités : une dizaine d’associations d’élus, c’est moins de cohérence et plus de posture. Et c’est aussi le cas côté Etat : Bercy, les ministères, les préfets… Souvent, l’Etat ne prépare pas les mesures avec les élus. Cela lui permet de garder la main jusqu’au bout et les collectivités ont peu de temps pour réagir et faire des propositions plus construites.

Le gouvernement Barnier écarte l’idée de rétablir la taxe d’habitation, supprimée par tranches de 2018 à 2023. Cela n’a-t-il pas été une erreur, pourtant ?

Non, je ne crois pas.

L’objectif de la suppression était double. Enlever un impôt ; engager une refonte globale de la fiscalité locale.

L’erreur a été de ne pas répondre au second objectif. Or, repenser ce système fiscal, dont tout le monde sait qu’il ne fonctionne pas très bien, était faisable, politiquement comme techniquement.

Rétablir la taxe d’habitation n’est, en revanche, pas possible. Techniquement, cela impliquerait de revoir les bases et il y en aurait pour cinq ou six ans. Surtout, les élus locaux ne le voudraient pas. Il existe un avantage politique à supprimer un impôt. La fin de cette taxe a été bénéfique en termes politiques, et certainement plus pour eux que pour le président Macron. Ça ne l’a pas rendu plus populaire… Politiquement, on ne peut pas créer un impôt nouveau. Seule possibilité : modifier l’existant.

Il faudrait toutefois simplifier le système.

Je suis très favorable à ce qu’il n’y ait qu’un, voire deux impôts par collectivité, pas plus. On fait toujours la même erreur depuis trente ans en rendant toujours plus complexe la fiscalité locale.

Les gens n’y comprennent plus rien. Les élus non plus, d’ailleurs. Alors cela permet certes de faire admettre ce qu’on veut, mais les gens veulent comprendre. Supprimer la taxe d’habitation permettait de commencer à clarifier.

(...)

Lire l'entretien complet dans Le Monde

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