Congrès 2024 : Discours de Yaël Braun-Pivet
Retrouvez le discours de Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, députée des Yvelines, qui était présente lors de notre Congrès à Blois.
Je voudrais remercier d'abord François de me permettre d'intervenir devant vous aujourd'hui. C'est important pour moi et je crois que c'est important pour nous. Je voudrais saluer évidemment tous les parlementaires avec lesquels j'ai un plaisir immense à travailler. Immense ! Ils le savent. Jean-Paul en premier lieu, qui est un président de groupe unique. Mais pas seulement, évidemment. Et je vois Patrick juste à côté. Tu nous manques tous les jours à l'Assemblée nationale, mais je sais que tu n'es jamais bien loin de nous. Patrick, merci d'être toujours aussi engagé. Bien sûr, tous les députés qui parfois nous font tourner un peu en bourrique, hein ? Je ne vous le cache pas ! Lais ils apportent vraiment quelque chose de fondamental à l'Assemblée nationale, de fondamental à notre majorité, de fondamental au débat politique. Parce qu'ils ont toujours des convictions, ils n'hésitent jamais à les affirmer, à les porter. Et quand ça tangue (et je peux vous dire que parfois ça tangue dans l'hémicycle), vous le savez, ils sont toujours là, toujours là pour assurer la solidité de notre majorité. Et c'est fondamental. Donc merci, merci à vous. Je suis heureuse de voir, et on vient de le voir lors de notre table ronde, que vous avez su aujourd'hui à nouveau dans ce congrès, rassembler toute notre famille politique dans toutes ses composantes. Et en cette année européenne, ce rassemblement est plus que jamais nécessaire. En cette année européenne, il est plus naturel que jamais, ce rassemblement, car tous ici nous avons l'Europe fière et nous osons le dire. Je salue à cet égard Valérie qui porte haut nos couleurs. Tu peux compter sur moi, tu peux compter sur nous à tes côtés jusqu'au 9 juin et après.
Il y a quelques semaines, nous donnions à l'Assemblée une reconstitution des débats du traité de Rome, en présence de nombreux jeunes, car il me semble fondamental, pour les aider à se projeter vers l'avenir, de revenir avec eux aux origines de notre Union. Et lors de ces débats en 1957, René Pleven, à la tribune de l'Assemblée nationale, s'exprimait ainsi : « L'Europe n'est pas pour nous je ne sais quel marotte de visionnaire à laquelle nous sacrifierions les intérêts de notre pays. C'est une adaptation nécessaire à des conditions nouvelles, à une réalité économique et politique qui a évolué. Les sociétés qui refusent cette adaptation sont celles qui perdent leur indépendance ». Et à l'heure où les populistes voudraient faire croire à nos concitoyens que l'Europe est un abandon de souveraineté, à nous de rappeler qu'au contraire, l'Europe nous permet d'exercer notre souveraineté pleine et entière, d'exister dans ce monde pour défendre nos intérêts et nos valeurs. Et à cet égard, je voudrais avoir une pensée pour Marielle, on en a parlé. Elle est avec nous car, mieux que personne, elle savait montrer que la meilleure des réponses aux défis du monde, c'est une Europe puissante et solidaire qui fait rayonner nos valeurs démocratiques. Comment ne pas insister sur ces dernières, alors que le nationalisme et l'extrême droite grimpent jusqu'à chez nos amis portugais, et alors que la guerre qui se joue à nos portes montre que leur remise en cause n'est pas un fantasme ? En Ukraine, l'Europe joue son existence et sa liberté. Si le peuple ukrainien se bat jour après jour pour son intégrité territoriale, il lutte aussi pour nos valeurs partagées, pour la défense de notre État de droit. Je m'exprimerai la semaine prochaine devant le Parlement ukrainien, dans l'hémicycle de la Rada, à l'invitation de mon homologue pour redire, pour lui redire, pour leur redire l'indéfectible soutien de la France, et réaffirmer notre soutien aux valeurs constitutives de nos démocraties. La diplomatie parlementaire, c'est de l'influence démocratique. C'est l'opportunité, le devoir même de porter et d'incarner partout nos valeurs, là où elles sont menacées. Et à cet égard, je voudrais saluer Jean Louis qui, inlassablement, depuis 18 mois, est à mes côtés et me guide sur ce chemin diplomatique avec un talent et un brio que vous lui connaissez. Merci Jean-Louis ! Cette question démocratique, vous savez qu'elle me tient à cœur et je sais qu'elle vous tient particulièrement à cœur parce que nous partageons la conviction qu'une démocratie rénovée est la clé de la confiance retrouvée, d'une action publique améliorée et d'une société apaisée. J'aimerais donc profiter de cette tribune pour lancer un appel. Un appel à renouer avec notre promesse démocratique originelle, celle portée par le Président de la République. Beaucoup a été fait, ne nous y trompons pas. Je pense évidemment aux lois confiance qui te doivent tant, cher François, et qui ont mis fin dès 2017 à nombre de pratiques contestées et contestables. Si j'ai choisi de placer ma présidence sous le signe de l'ouverture au citoyen, c'est précisément pour m'inscrire dans cette promesse de rapprocher les Français de leurs représentants. Ils sont de plus en plus nombreux à visiter l'Assemblée nationale. Elle est la maison du peuple, elle appartient aux citoyens. Elle se devait de leur ouvrir grand les portes. Toujours fidèle à cette promesse démocratique, nous avons su montrer ensemble que quand d'autres reculent, notre démocratie avance. Pour la première fois, le congrès était présidé par une femme. Et ensemble, nous avons proclamé que le recours à l'IVG fait désormais partie de notre loi fondamentale. Nous avons, ensemble, dans les pas de Simone Veil et de Valéry Giscard d'Estaing dont vous êtes les fiers héritiers, gravi un peu plus la paroi escarpée menant à l'égalité entre les femmes et les hommes. Le Parlement a montré une fois de plus que lorsqu'il en a la volonté, il a la capacité de se rassembler. Pour beaucoup d'observateurs, dans un contexte de majorité relative et de débats parfois éruptifs, cela peut sembler surprenant. Mais vous, pour vous, c'est l'évidence et depuis bien longtemps déjà, vous aviez une longueur d'avance sur tout le monde. Car le MoDem, c'est au fond le sens profond du pluralisme. Quand il est respecté, on apprend à débattre, on apprend à s'écouter, on apprend à construire les solutions qui conviennent au plus grand nombre, qui répondent au plus grand nombre. Ce n'est pas toujours simple : en témoignent les niveaux records de décibels que connait notre hémicycle. Mais c'est possible et c'est essentiel. Garantir ce pluralisme, c'est garantir la meilleure représentation de nos concitoyens à l'Assemblée nationale et c'est là que nous devons aller plus loin et renouer avec nos promesses, tenir nos engagements. C'est pourquoi je voudrais ici défendre une idée dont je sais qu'elle est aussi chère à vous qu'à moi : l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives. À l'occasion de mes rencontres avec les citoyens dans maintenant plus de 40 départements désormais, je l'entends à chaque fois : cette Assemblée qui leur ressemble convient aux Français. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. Elle leur convient dans sa composition, beaucoup moins dans ses vociférations. Elle leur convient car elle représente mieux la diversité de leurs opinions et nous oblige au compromis, députés entre eux, députés et sénateurs, parlementaires et gouvernements. Et j'ai la conviction que nous sommes durablement rentrés dans une nouvelle ère dans laquelle le fait majoritaire deviendra l'exception et plus la règle. Et je crois donc que nous devons nous assurer que cette représentation que les Français apprécient puisse perdurer. J'ai la certitude que cette juste représentation est l'un des meilleurs moyens de ramener nos compatriotes vers les urnes. « La proportionnelle, on en parle depuis des années et personne ne l'a fait », me dit-on à chaque rencontre citoyenne. C'est vrai et je crois, comme eux, comme vous, qu'il est temps d'y aller. Pour améliorer la représentativité sans nuire à cet ancrage local qui nous est cher, je suis partisane d'un système mixte alliant le passage à la proportionnelle dans les départements comptant 11 députés et plus, et le maintien du scrutin majoritaire dans les 90 autres départements. Tordons au passage le cou à quelques idées toutes faites. La proportionnelle favoriserait la montée du Rassemblement national ? Le mode de scrutin actuel les a déjà fait rentrer dans l'hémicycle ! Et ce n'est pas par le mode de scrutin qu'il faut les combattre, mais sur le plan des idées, comme nous le faisons chaque jour. La proportionnelle rimerait avec totale instabilité ? La stabilité n'est pas à faire de larges majorités mais de capacité à négocier. Et je sais que je prêche ici des convaincus. Je crois enfin que nous devons également oser la participation citoyenne. On dit souvent que les citoyens ne font pas confiance aux politiques. Mais c'est sans doute à nous, politiques, de faire davantage confiance aux citoyens. Plus de démocratie représentative, ce n'est pas moins de démocratie participative, au contraire. Et je sais que vous portez cela également pour avoir beaucoup travaillé, notamment avec Erwan sur le CESE lorsque nous étions à la commission des lois. Là encore, le Président de la République a su innover, du grand débat aux conventions citoyennes. Mais notre pays manque encore d'une véritable culture de la participation. Nous ne pouvons pas attendre qu'elle émerge d'elle-même. Il faut l'encourager et c'est la raison pour laquelle je propose notamment la création d'une journée de la participation pour toutes les consultations citoyennes aux échelons national et local. Le même jour, les citoyens iraient se prononcer au même endroit par référendum sur un grand sujet national et à travers plusieurs consultations locales s'agissant de leur quartier, leur ville ou leur village. Une solution simple, lisible, immédiate car elle ne requiert aucune loi, aucune révision constitutionnelle, seulement une réponse forte à ce désir de participation accru qu'expriment nos concitoyens. J'ai beaucoup parlé de renouvellement des usages, mais il nous faut aussi renouer avec notre promesse de renouvellement des visages. Et c'est là un deuxième appel que je voudrais vous lancer, un appel à relever le défi de la parité et de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Chacun sait qu'il peut suffire d'un instant de relâchement pour régresser. Chacun sait aussi que si nous avançons indubitablement, nous n'avançons pas assez vite. Si grâce à nos députés, le plafond de verre de notre Assemblée est aujourd'hui brisé, les femmes qui représentent 50% de la société, sont encore loin de représenter 50% des responsabilités. Cela vaut pour le monde politique où nous pouvons faire mieux dans la répartition des postes à responsabilités et où la parité des petites communes reste à établir. Je sais qu'elle n'est pas là, mais je suis aux côtés d'Élodie Jacquier-Laforge pour porter ce combat. Et nous comptons sur nos collègues sénateurs pour le faire avancer, puisque c'est une proposition de loi qui a été votée très largement à l'Assemblée nationale. Cela vaut pour nos institutions qui, de la cour des Comptes au Conseil constitutionnel, n'ont jamais été présidée par des femmes et sont rarement paritaires. Cela vaut pour le monde économique, alors que 3 femmes seulement sont à la tête d'entreprises du CAC 40. Cela vaut pour le monde sportif, où seulement 3 femmes sont à la tête des fédérations. Cela vaut pour les médias où le temps de parole des femmes ne représente qu'un tiers du temps de parole total. Une meilleure représentativité, c'est aussi une meilleure représentation des femmes partout. Et nous devons veiller à ce que cette égalité ne soit pas uniquement une égalité de façade. Les femmes doivent pouvoir accéder au même poste que les hommes et exercer leur fonction dans les mêmes conditions que les hommes. Je parle ici évidemment d'égalité salariale et j'espère que notre majorité, notre majorité de progrès, unie autour de la grande cause du quinquennat du Président de la République, sera celle qui laissera en héritage à nos filles une égalité professionnelle réelle.
Cher François, pour terminer, je voudrais évidemment te féliciter pour ta réélection tellement méritée. Je sais que nous pouvons être ensemble, par ces initiatives, les artisans d'une démocratie renouvelée, d'une République apaisée. Je vous remercie.