Discours du Premier ministre Jean Castex à la mémoire de Marielle de Sarnez
Le Premier ministre, Jean Castex, a prononcé un hommage vibrant en l'honneur de Marielle de Sarnez. À retrouver en intégralité ci-dessous.
Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les Députés,
La disparition de Marielle de Sarnez après un long combat contre la maladie a suscité une émotion profonde et un hommage partagé bien au-delà de sa famille politique, car Marielle de Sarnez suscitait le respect de tous. Elle ne recherchait pas la lumière, mais elle s'affirmait naturellement par son talent, par la force de ses convictions et de son caractère, par la cohérence de sa pensée. Elle privilégiait toujours l'engagement au service des idées, au service des valeurs, à la recherche des postes et des honneurs. C'est ce droit au sens, pour reprendre le titre évocateur d'un essai politique fondateur, qu'elle entendait offrir à ses concitoyens.
Attachée à convaincre, et certainement pas à plaire ou à séduire par-dessus tout, Marielle de Sarnez représentait le contraire de la politique spectacle, de la quête du superficiel, de la dictature de l'immédiateté. Jamais elle n'a tutoyé la compromission, toujours elle a veillé à ramener les choses à l'essentiel. C'était une femme entière, qui parfois rencontrait des oppositions, mais toujours en imposait. Elle n'empruntait ni les sentiers battus, ni les voies de la facilité, ce qui la rendait apte à relever tous les défis comme celui, si bien réussi, de diriger le cabinet du Ministre de l'Éducation nationale avec le parcours si peu académique qui était le sien, formidable intuition du Ministre de l'époque.
Elle savait parfaitement à la fois être une organisatrice née, soucieuse du détail et de la mise en œuvre, et porter et incarner l'idéal qui guidera toute sa vie politique. Un idéal à la fois puisé dans notre Histoire et d'une profonde modernité, celui d'une force politique centrale et centriste suffisamment puissante pour résister à l'écartèlement partisan, et suffisamment charpentée pour ne pas céder aux idées fausses des marchands de slogans et de solutions faciles dont les dérives sont toujours un danger pour les peuples démocratiques. Une force politique suffisamment consciente d'elle-même, de son identité, de sa pensée, et de son implantation au cœur même de la nation pour accepter de composer des majorités d'idées par-delà les frontières partisanes et les réflexes claniques.
Une force politique centrale à laquelle elle a cru viscéralement depuis toujours. Très vite en effet, elle s'engage derrière la candidature de Valéry Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle de 1974, l'homme qui voulait rassembler deux Français sur trois ne pouvait qu'emporter l'adhésion et l'enthousiasme de celle qui a toujours affirmé que ce qui rapprochait nos concitoyens était bien plus fort que ce qui les divisait, message d'une étonnante modernité. C'est donc tout naturellement qu'en 1978, elle participe à la création de l'UDF qui a pour vocation de rassembler toutes les familles jusque-là désunies, qui se réclamaient du centre et du centre-droit, des familles politiques héritières d'un riche passé et qui se reconnaissaient dans le libéralisme économique autant que dans le personnalisme de la démocratie chrétienne ou dans le projet européen des pères fondateurs.
Le succès fût au rendez-vous car ce jeune parti rassembla plus de 21% des voix aux élections législatives de 1978, que tous les commentateurs jugeaient alors perdues pour la majorité de gouvernement. Cette leçon de sa propre vie, Marielle de Sarnez ne l'oubliera jamais, notamment aux côtés de François Bayrou avec qui elle allait tisser un engagement politique exigeant en même temps qu'une amitié profonde et durable. C'est avec cette même conviction que Marielle de Sarnez a participé à la refondation de l'UDF en 1998 qui permit au centre politique d'éviter l'effacement des élections législatives de 2002 et d'obtenir près de 19% des voix aux élections présidentielles de 2007. À chacune de ces étapes, Marielle de Sarnez avait défendu bec et ongles l'identité, la liberté et l'indépendance de sa famille politique et de ses convictions.
C'est pour la renforcer encore davantage qu'elle participa à la fondation du MoDem, dont je tiens à saluer tout particulièrement dans cet instant de recueillement les membres présents dans cet hémicycle. Et lors de cette mandature, Marielle de Sarnez a pu déployer ses grandes qualités de parlementaire, notamment vous l'avez dit Monsieur le Président, à la tête de la Commission des affaires étrangères qu'elle a marqué de son empreinte si personnelle qui ne laissait personne indifférent. C'est là qu'est venue la frapper la maladie. Une maladie qui ne lui a laissé aucune chance alors même qu'elle l'affrontait avec une dignité et une force morale dont nous avons tous été ici-même mais aussi bien au-delà les témoins émus. Marielle de Sarnez se battait pour ses enfants Justine et Augustin et ses petits-enfants qu'elle aimait par-dessus tout et qu'elle ne croyait pas devoir quitter si tôt, mais qu'elle voulait surtout en mère exemplaire, protéger des souffrances de sa disparition.
Je veux en cet instant les saluer avec émotion et avec affection, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, tout comme François Bayrou dont je sais l'indicible peine. Avec Marielle de Sarnez, le centre a perdu une figure longtemps discrète mais que chacun d'un bout à l'autre de l'échiquier politique a reconnu comme centrale. Plus que toute autre, Marielle aurait voulu que la vie continue, que le combat pour l'espérance, pour la justice, pour l'humanisme et pour la paix entre les peuples, notamment grâce à une Europe puissante, que ce combat soit plus fort que tout. Puisse sa clairvoyance, son intégrité, son opiniâtreté et son courage nous inspirer longtemps.