Éloge de Marielle de Sarnez à l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale rend hommage à Marielle de Sarnez. Quelque mois après sa disparition, son souvenir reste vivace. Il suscite émotion, tristesse mais aussi gratitude pour l'ensemble de son oeuvre. Engagée, européenne et humaniste, ses combats pour la liberté sont une source d'inspiration. Ce 9 novembre, le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand prononce son éloge funèbre.
Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement, Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues,
Il me revient le triste honneur de prendre la parole pour prononcer l'éloge funebre de notre collègue, Marielle de Sarnez, emportée au début de l’année, le 13 janvier dernier, par une leucémie foudroyante.
Prononcer son éloge peut paraitre simple car tous ici nous connaissions ses talents, ses engagements, son dévouement au bien public et à l’urgence européenne pour reprendre le titre de l’un de ses livres Mais un éloge qui soit funèbre, cela paraît presque un non-sens car rien n’était moins funèbre que son tempérament, son être, même.
Femmme de conviction, toujours active, toujours ardente, Marielle de Sarnez était la vitalité personnifiée, le mouvement incarné et, dix mois après sa disparition, son âme de combattante semble toujours défier la fatalité. Fille de résistants, Marielle de Sarnez avait chevillée au corps le goût de la liberté, la passion du débat démocratique, la volonté de faire avancer ses idées sans jamais sacrifier au conformisme.
Elle n'était pas centriste mais centrale. Au centre de nos débats, au point nodal des préoccupations qui sont les nôtres. Elle avait consacré sa vie à faire émerger un espace politique nouveau et libre, aussi légitime et reconnu que la droite et la gauche et avec qui la droite et la gauche pouvaient se rencontrer, parler, imaginer, construire. Oui elle fut pionnière, en un temps où la bipolarité était la norme. Elle qui cherchait à réunir plutôt qu’à exclure.
Le centre qu’elle désirait n’était pas un moyen terme, un marais hésitant, louvoyant mais une vraie cause en portant de vrais combats Marielle de Sarnez empruntait à la droite, la droiture, à la gauche la générosité, au gaullisme de son père, l’amour de la France et à la démocratie chrétienne, l’idée européenne. Synthèse audacieuse qui fut sa marque, quarante ans durant.
La politique, Marielle de Sarnez l’avait connue dès son enfance puisque son père était le chef de cabinet de Roger Frey, ministre du général de Gaulle. Pourtant, elle ne voulut pas être une héritière. Rompant avec les traditions d’une famille issue de la noblesse d’Empire, la lycéenne s’élance dans le Paris en ébullition de mai 68, puis elle cherche à assurer son indépendance matérielle en travaillant. La politique, ce fut donc par la petite porte qu’elle y entra pour un simple emploi de secrétariat. En 1973, à 22 ans, la voici au sein des jeunes giscardiens. Dans l’effervescence de ces années 70, elle ne veut ni conservatisme, ni gauchisme mais s’enthousiasme à l’idée d’un président jeune qui modernise la France. Elle est payée de ses efforts quand la victoire de son candidat se traduit par la création d’un secrétariat d’État à la condition féminine, le droit de vote à 18 ans ou le renforcement des droits de l’opposition. Autant d’innovations qui satisfont sa quête réformatrice. Durant cette mémorable campagne, elle rencontre François Bayrou, avec qui elle fera chemin pour le centre, pour l’Europe, pour ces idées qu’ils partagent et qu’ils feront avancer ensemble. Je sais la douleur de notre ancien collège depuis ce jour en trop où son alter ego lui fut, trop tôt, enlevé.
Il l’a connue militante, députée européenne, élue locale, ministre, députée. Enfin, et d’emblée, présidente de commission. Entre temps elle l’aura accompagné comme conseillère puis directrice de cabinet au ministère de l’Éducation nationale de 1993 à 1997, ensuite comme secrétaire générale du groupe UDF à l’Assemblée nationale de 1997 à 1998. Députée européenne à partir de 1999, conseillère de Paris à partir de 2001, elle dirige la campagne présidentielle de François Bayrou en 2002, 2007 et 2012. Cofondatrice et vice-présidente du MoDem, elle devient en 2009 la secrétaire générale du Parti Démocrate européen.
Ses yeux clairs observent avec acuité un monde en pleine mutation dans lequel les vieux clivages s’estompent et les vieilles dictatures s’effondrent. Elle qui croit en l’Europe, en la démocratie, en une paix raisonnée entre nations raisonnables, elle se passionne pour l’Ukraine et sa révolution orange, la couleur même qui est, en France, celle du Mouvement démocrate. Orange comme le soleil levant, orange comme la fusion des métaux, des idéaux : telle était sa nuance, ardeur et complexité confondues
La recomposition politique de 2017 ne s’est pas faite sans elle. Lavant l’un de ses rares échecs dix ans plus tôt dans la 11ème circoncscription de Paris, elle obtient 40% des suffrages au 1er tour et plus de 63,5% au 2nd. Sa connaissance des dossiers européens et internationaux la désigne tout naturellement à la présidence de notre commission des Affaires étrangères, où elle brille de tous ses feux. Le drame syrien, le Brexit et bientôt la crise du coronavirus mobilisent la militante passionnée qu’elle est restée. La crise migratoire la préoccupe, elle préside la mission d’information sur les migrations. Surtout, cette convaincue savait aussi écouter les convictions des autres. Respectée et respectueuse, soucieuse de diriger équitablement les débats, Marielle de Sarnez fut une grande présidente de commission, unanimement appréciée pour ce mélange d’entregent et d’autorité dont elle avait le secret
Ceux-là même qui combattaient ses idées appréciaient sa personne, la dignité qui émanait d’elle, l’intégrité de sa parole. Quand elle disparut, tous lui rendirent hommage, constatant à quel point elle allait manquer à notre commission, notre Assemblée, à la République toute entière.
C’est donc avec émotion, avec chagrin que je salue la mémoire de la grande dame de l’Europe qui siégea parmi nous. Son exemple, son courage, sa détemrination jusqu’au combat final contre la maladie : nous les saluons puisqu’ils étaient indissociables de la Marielle que nous avons connue, enthousiaste, volontaire, toujours en mouvement.
Dans nos souvenirs , dans nos cœurs, elle demeurera toujours vivante. Dans notre hémicycle, elle nous manque et son absence nous peine autant qu’elle nous oblige.
L’Assemblée nationale se souviendra d’elle, de sa volonté, de sa profondeur, de son engagement
À ses enfants, si importants pour elle et dont elle était si fière, à sa famille que je salue, ses amis, à ses compagnons de militantisme, ses collaborateurs, au nom de tous les députés de l’Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes condoléances attristées.