François Bayrou au JDD : "C’est au président de la République qu’incombe le choix d’un gouvernement qui puisse garantir unité et cohérence"

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Retrouvez ci-dessous l'entretien accordé par François Bayrou au Journal du dimanche ce 14 juillet 2024.

Propos recueillis par Antonin André

Le JDD. Nous sommes le 14 Juillet, jour de fête nationale censé rassembler les Français, or le pays et ses représentants n’ont jamais paru aussi divisés, voire opposés. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

François Bayrou. L’unité du pays est l’enjeu capital. Si nous ne parvenons pas à la reconstruire, nous n’arriverons à rien, singulièrement dans les temps que nous vivons. Parce que les défis du monde et les défis intérieurs sont immenses et paraissent insolubles. La France a ce génie d’avoir toujours surmonté les plus graves difficultés à une condition, celle de trouver son unité. C’est ce qui s'est passé après 1958. C’est d’autant plus nécessaire que les Français, on le sait depuis la Gaule de Jules César, ont le génie de la division. C’est leur ADN le plus dangereux. Nous le mesurons aujourd’hui : non seulement le pays est divisé entre des courants politiques différents, mais ces courants politiques sont eux-mêmes fracturés et implosent en direct tous les jours sous les yeux des Français désespérés.

Dans ce contexte, est-ce que, comme le président de la République l’a dit dans sa lettre, il revient aux partis de se montrer responsables et de trouver le chemin d’une majorité ?

Je souhaiterais me tromper, mais je ne crois pas au succès de cette stratégie. Je suis un responsable de parti politique, un militant depuis ma jeunesse, mais je ne crois pas que les partis s’entendront.

Si vous attendez que les partis politiques s’entendent, vous allez attendre longtemps ! La culture profonde des partis politiques, nourris au fait majoritaire, c’est perpétuellement d’être « contre ». Les uns contre les autres, quelle que soit leur proximité intellectuelle ou ce qu’exige la situation du pays.

Il faut se souvenir que lorsque de Gaulle libère la France en 1945, il est nommé chef du gouvernement, et cinq mois après, il est obligé de partir parce que les partis sont dans une telle guerre d’influence, de complots de toute nature en leur sein et entre eux, qu’il dit aux Français : « Je m'en vais. » Cela lui inspire le discours de Bayeux en 1946 dans lequel, textuellement, il affirme qu’un gouvernement ne peut pas être le représentant des partis et pas non plus le représentant de l’Assemblée nationale. Un gouvernement ne peut-être une agrégation de représentants des partis, sans cohérence, ni unité, ni volonté. Or un gouvernement, c’est précisément une cohérence, une cohésion et une volonté.

Néanmoins, le Nouveau Front populaire invoque, au nom du fait majoritaire, de gouverner le pays. Comment justifier qu’ils en soient privés ?

Je récuse cette affirmation. On assiste à une surenchère de fake news depuis une semaine de la part des partenaires de ce front de gauche qui revendique la victoire. Leur propagande est une blague et cela sera prouvé dans la semaine. D’abord, ils n’ont pas la majorité. De très loin. Il leur manque plus d’une centaine de sièges. J’ajoute que la question qui était posée aux Français au deuxième tour des élections législatives n’était pas celle de choisir un courant et un programme. Il n’y avait qu’une seule question, « pour ou contre » une majorité absolue au RN.

De ce fait, ni le bloc central ni la gauche rassemblée ne peuvent revendiquer la victoire de l’un contre l’autre puisqu’ls étaient alliés : les électeurs de l’un ont voté pour l’autre et inversement. C’est un détournement du sens de cette élection que de prétendre que les Français auraient adhéré à un programme ou à un autre. Mais la clarification nécessaire ne tardera pas. Jeudi, avec l’élection du président de l’Assemblée nationale, nous saurons, de manière indiscutable, comment se répartissent les forces.

Ma conviction est que le Front de Gauche n’est pas majoritaire et on le constatera à l’occasion de ce moment de vérité. Tout deviendra transparent.

Cela ne résout pas la question de la gouvernance. À l’aune de l’analyse du général de Gaulle, sur l’impossibilité d’un « gouvernement des partis », comme sortir du blocage ?

La seule réponse réside dans l’autorité qui s’impose au-delà des partis : celle du président de la Ve République. C’est à lui qu’incombe le choix d’un gouvernement qui puisse garantir unité et cohérence. Ce n’est pas dans les combinaisons de partis qu’on trouvera le gouvernement. Il faut en revenir au principe de la Constitution, le président de la République, dont c’est le devoir, doit prendre ses responsabilités, nommer un Premier ministre et un gouvernement qui tiennent compte de la composition de l’Assemblée nationale, des nuances de l’Assemblée nationale, mais qui n’en soit pas prisonnier.

Au lieu de passer par des accords de partis, il faudra que se rassemble une équipe de personnalités, choisies en fonction de leur expérience, capables de dépasser les divisions des partis, pour rassembler à l’Assemblée nationale une majorité autour d’une action et d’une volonté. C’est la nécessité aujourd’hui, comme cela l’était au lendemain de la guerre, lorsque de Gaulle prononce le discours de Bayeux. Et il n’y a qu’une majorité solide possible, majorité large, majorité de républicains, de gauche, du centre et de droite qui puisse être agir et être respectée.

Si je vous suis, c’est au Président de désigner des figures consensuelles et expérimentées, comme François Hollande, Jean-Pierre Raffarin ou vous-même, pour incarner le dépassement des clivages partisans ?

Oui, et des plus jeunes aussi, mais des gens d'expérience, des gens enracinés, « qui pèsent leur poids ». Et non des représentants de « tendances ».

Vous seriez disponible, le cas échéant, pour organiser ou participer à ce gouvernement que vous décrivez ?

Tout ce que je pourrai faire pour favoriser la sortie de l’impasse ridicule et affligeante dans laquelle nous nous trouvons, je le ferai.

Peut-on attendre l’été, en expédiant les affaires courantes, pour prendre le temps de choisir cette solution ou d’en trouver une autre ?

Non. Clairement non. La préparation du budget 2025 devrait déjà être engagée. Il ne faut pas attendre septembre ou octobre pour avoir un nouveau gouvernement. Ceux qui plaident en faveur de cet atermoiement sont irresponsables.

Beaucoup analysent cet épisode comme une crise institutionnelle dont il faudra tirer les conséquences. Est-ce votre conclusion ?

Oui et je me bats depuis des décennies sur ce sujet, il faut sortir du scrutin majoritaire. Ceux qui affirmaient que ce scrutin majoritaire était le seul qui permettait d’avoir une majorité, ils méritent le bonnet d’âne. Deuxième constat : le scrutin majoritaire, dont on prétendait qu’il était le seul à garantir la clarté des choix nous a conduits dans le désordre qu’on constate tous aujourd’hui !  C’est un scrutin qui oblige des gens qui ne sont d’accord sur rien à faire semblant de s’entendre, jusqu’à l’impuissance. Cela donne un spectacle absolument lamentable. Donc il faut un mode de scrutin juste et qui permette des rassemblements et des ententes. Et le seul mode de scrutin juste, c’est une loi électorale proportionnelle. Et ce doit être un des premiers chapitres de l’action du prochain gouvernement.

Retrouvez également cet entretien sur le site du JDD

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