François Bayrou : "Acceptons de regarder l'organisation de la société sur des bases différentes pour reconstruire notre pays !"
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Olivier Bost dans l'émission Le Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI ce dimanche 18 juin. Revoir l'émission.
Bonjour à tous, bienvenue dans ce Grand Jury !
Bonjour François Bayrou, vous êtes le Président du MoDem, Haut-commissaire au Plan et Maire de Pau. Quand Emmanuel Macron va-t-il changer de gouvernement et peut-être de Premier ministre ? Comment trouver un peu de stabilité pour le reste du quinquennat ? Vous avez vos idées sur ces questions, François Bayrou et vous posez vos limites. Vous avez aussi vos idées sur l'immigration ou sur les finances publiques, les deux gros dossiers des semaines à venir.
Pour vous interroger ce dimanche, à mes côtés, Marie-Pierre Haddad, de la rédaction de RTL, qui scrute le hashtag #LeGrandJury sur les réseaux sociaux et qui nous alerte pour relayer les questions et les interpellations de nos auditeurs. Également à mes côtés, Damien Fleurot de TF1-LCI, et Jim Jarrassé du Figaro.
La cérémonie de commémoration de l'appel du 18 juin vient de s'achever avec une annonce forte. Le président de la République a officialisé ce matin la panthéonisation du résistant Missak Manouchian et de son épouse Mélinée. Un hommage aura donc lieu le 21 février prochain à Paris. Quel symbole, François Bayrou, représente pour vous l'entrée de ce résistant communiste d'origine arménienne dans ce temple de l'Histoire de la nation française ?
Ça a une signification très importante, ça veut dire que les biens que nous avons défendus avec la Résistance, les biens supérieurs que nous avons défendus, n'étaient pas que ceux de la France et des Français, ils étaient aussi de tous ceux qui, dans ce combat, ont voulu apporter leur histoire, leurs traditions et leurs souffrances.
Et que cet engagement là, il a contribué autant que l'engagement national, et il faut le dire, aux côtés du puissant engagement international des Alliés. Il a contribué à la libération du pays, et dire, "Ces biens ne sont pas que les nôtres, ce sont des biens universels qui ont été défendus chez nous par ceux qui venaient d'au-delà des frontières", ça a une signification particulière.
Je dois ajouter qu'entre l'Arménie et la France, il y a quelque chose de fraternel et d'historique.
Dans l'actualité aussi, hier, plus de 3000 personnes ont défilé malgré l'interdiction, contre le projet Lyon-Turin. Face à cette contestation, est-ce qu'il ne faut pas rediscuter de ce projet ?
Vous voyez bien ce dont il s'agit. On dit que pour lutter contre des émissions de gaz à effet de serre, contre l'envahissement des voitures, il faut du train. Et puis si vous vous battez, si certains se battent, en même temps contre le train, contre toute modernisation ou contre toute avancée, on est évidemment dans une impasse.
Cette impasse est une impasse contre la France, contre notre modèle de civilisation, et donc je trouve que ce serait un recul et une défaite. Vous savez, aujourd'hui, il y a des mouvements contre le TGV, il y a des mouvements contre toutes les améliorations de la circulation. Je pense que ces mouvements veulent ou croient que nous pouvons nous trouver dans une espèce d'enlisement et de blocage.
Et cet enlisement et ce blocage, c'est très simple, c'est un blocage au bénéfice des privilégiés, ceux qui sont déjà privilégiés, ceux qui voyagent sans difficulté, ceux qui n'ont pas de problèmes pour se déplacer ou de revenus. Ceux là, ils sont très contents que rien ne bouge, et c'est une manière de ségrégation sociale.
Ce projet, il a été décidé il y a plus de 20 ans, les travaux préparatoires ont commencé en 2002. Est-ce que les choses, notamment dans l'opinion publique, sur les risques écologiques, sur le sujet de l'eau, n'ont pas évoluées ? Et puis, il y a aussi la question des coûts financiers de ce projet : 8,6 milliards à la base, aujourd'hui on s'approche des 30 milliards. Est-ce qu'il n'y a pas un problème quand même avec ces projets un peu gigantesques ?
C'est une question qu'il est juste de poser sur un certain nombre de ces projets. Par exemple, je les avais posées au moment de Notre-Dame-de-Landes, parce que 50 ans après, on s'apercevait bien que l'explosion de l'aérien allait rencontrer des difficultés, qu'on n'imaginait plus des plateformes comme elles l'étaient. Et là, c'était légitime de les poser.
Mais si vous dites que le train n'est plus d'actualité, les autoroutes ne sont plus d'actualité, et l'aviation n'est plus d'actualité, ça veut dire que vous condamnez un certain nombre de nos compatriotes, et pas ceux qui ont les privilèges, les autres, vous les condamnez à la ségrégation, vous les condamnez à rester loin de tout.
Et je vous assure que dans une région comme celle que je connais le mieux et que j'aime beaucoup, je ne veux pas dire le plus, se trouver tout d'un coup privé, par exemple, de la moitié de ses liaisons aériennes, ça pénalise qui ? Ça ne pénalise pas ceux qui peuvent sans difficulté organiser leur temps et se payer des déplacements, ça pénalise les autres.
Je vous dis c'est une ségrégation sociale : c'est ceux qui sont les plus en difficulté qui sont le plus atteints.
Sur Twitter, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, a annoncé que 12 gendarmes ont été blessés à la suite de cette manifestation, et Soulèvements de la Terre dénombrent une cinquantaine de manifestants qui ont été gravement blessés. Est-ce que vous craignez que ce genre de situations se multiplient ? Est-ce que vous souhaitez, comme Gérald Darmanin, dissoudre le mouvement Soulèvements de la Terre ?
Je ne connais pas le dossier de ce mouvement là, mais je sais qu'il y a des mouvements dont la vocation est la déstabilisation du pays, et plus que ça, la déstabilisation de la société à laquelle nous appartenons. Ceux qui inscrivent sur les murs, je l'ai vu de mes propres yeux comme des centaines de milliers d'autres de nos compatriotes, "Il faut tout brûler".
Cette puissante opposition, à tout ce qui est avancée, changement, progrès, et je le répète, progrès pour ceux qui n'ont pas aujourd'hui accès à ces facilités. Ces mouvements sont en effet contraires à toutes les valeurs, y compris celles que nous évoquions en commençant cette émission.
Pour parler maintenant de politique. Dans le sondage BVA-RTL de cette semaine, six Français sur dix souhaitent un changement de Premier ministre et 55% des Français sont pour une dissolution. Est-ce qu'il doit se passer quelque chose ?
Vous voyez, dissolution d'abord, le chiffre baisse n'est-ce pas ? Ça prouve probablement que quelque chose se passe en sens inverse de ce que vous décrivez. Le gouvernement, alors je vais répéter une phrase que j'ai dite 100 fois donc pardon pour ceux qui m'ont déjà entendu, le gouvernement, c'est la responsabilité de deux personnes : le président de la République, dont c'est la mission de nommer le gouvernement ; et le ou la Première ministre qui est son chef du gouvernement.
Et dans leur dialogue, dans leur réflexion commune partagée, parfois confrontée, il y a la solution que le président de la République prendra.
Ca n'empêche pas votre analyse de la situation politique aujourd'hui. Est-ce qu'il faut ou pas un changement de Première ministre ?
Mon analyse de la situation politique est une analyse institutionnelle. Je suis pour un président fort, un gouvernement fort et un Parlement fort.
Est-ce que vous avez un gouvernement fort aujourd'hui pour vous ?
Je pense qu'il y a des progrès possibles, oui. Au-dessus de tout ça, il y a un débat institutionnel très profond. Un certain nombre de gens pense que le gouvernement, c'est l'exécutant du président de la République, que ce ne sont que des relais. Alors, vous savez, Nicolas Sarkozy avait théorisé ça en disant le Premier ministre est un collaborateur.
Je n'ai jamais pensé ça, et ça n'est pas l'esprit des institutions. Je suis pour que le Premier ministre ait une autonomie par rapport au président de la République. J'ai énoncé deux termes tout simples : il faut autonomie et complicité. Il faut qu'il y ait une entente...
Et un poids politique également ?
Oui. Il faut qu'il y ait une entente profonde, du poids politique oui, parce que celui ou celle qui monte à la tribune dans des circonstances aussi difficiles que celles que nous connaissons aujourd'hui, avec une absence de majorité, il faut naturellement qu'il ait du poids.
Alors est-ce qu'on peut avoir, de ce point de vue là, des évolutions avec le gouvernement actuel ou avec des changements ? C'est au président de la République de le dire. Alors je sais, les présidents de la République n'ont jamais très envie d'avoir des gouvernements autonomes par rapport à leur vision. Et je pense que c'est nécessaire.
J'ai souvent eu des conversations, sans vouloir les trahir, avec le président de la République sur ce sujet. Et encore une fois, c'est une confrontation que j'ai eue avec Nicolas Sarkozy, que j'ai eu avec le gouvernement précédent. Les présidents de la République ont besoin d'un gouvernement qui soit un gouvernement de plein exercice et d'une capacité à proposer des politiques, en cohérence avec les grandes lignes que le président de la République suggère, propose, affirme.
Vous avez posé deux critères, l'autonomie pour le Premier ministre, et une entente avec le président de la République. Est-ce que ces deux critères sont remplis par Elisabeth Borne ?
C'est le président de la République qui en a jugé ainsi. Et il en juge ainsi encore à ce jour.
Ce n'est pas votre propre portrait-robot ?
Pour une fois, je vais répondre à votre question de manière non ambiguë, et pour une fois vous ne pourrez pas dire "Oh c'est pas vrai, c'est le contraire, il nous dit ça parce que...". Je ne suis pas aujourd'hui dans ce jeu là, parce que nous allons avoir à l'automne, un procès totalement infondé, à mes yeux, totalement injuste, totalement sans fondement.
Mais évidemment, ce procès là, celui des prétendus assistants parlementaires du MoDem, comme il y a beaucoup d'autres formations politiques, mais en tout cas, ce procès là, aussi infondé et injuste, et je pèse mes mots en le disant, et ça a été démontré par les enquêtes et l'instruction, aussi infondée et injuste qu'il soit, il m'empêche d'être en quoi que ce soit dans cette course. Donc votre question, elle est nulle et non avenue dans les circonstances actuelles où nous sommes.
Alors si la question c'est, est-ce que vous auriez aimé faire ça ? J'aurais adoré faire ça. Je suis assez préoccupé par la situation du pays pour vous dire que, oui, j'aurais aimé assumer ce rôle, cette mission et cette responsabilité. Mais je suis hors-jeu.
Juste une petite parenthèse, puisque vous évoquez votre procès...
Pardon, je suis hors-jeu, et c'est mieux. Parce qu'ainsi je peux parler, parce qu'en temps ordinaire, quand vous développez une analyse qui est différente de celle que la situation impose, on vous soupçonne constamment de le faire pour des raisons personnelles d'égoïsme ou d'égotisme. Là vous voyez bien que ce n'est pas vrai.
On va continuer, François Bayrou sur cette liberté, mais je voudrais juste poser une toute petite parenthèse sur ce procès à venir à la rentrée. Vous vous êtes montré très, très, très sévère avec les juges et la justice. Est-ce que vous craignez cette décision à l'automne ?
Non, je ne suis pas sévère, j'énonce quelque chose : nous avons été l'objet d'accusations qui ont été répercutées à perte de vue, d'articles de journaux, d'émissions de radio. Ces accusations ont été démenties par l'enquête et par l'instruction.
Elles auraient pu l'être depuis la première minute. Tous les députés européens de notre mouvement politique ont été l'un après l'autre, exonérés des accusations, y compris, je veux le dire parce que tout le monde a retenu les articles à charge contre elle, y compris celle qui était pour moi très importante, Marielle de Sarnez. La juge d'instruction a écrit qu'elle n'aurait pas dû être poursuivie.
Alors elle n'est plus dans le procès, non pas parce qu'elle est morte, mais elle n'est plus dans le procès parce que la magistrate a décidé qu'il n'y avait pas de fondement à cette accusation. Alors, qu'est ce qui reste ? Pour moi rien.
Je voulais revenir un peu sur votre diagnostic que vous avez fait après toutes les manifestations qu'il y a eu contre la réforme des retraites. Vous avez indiqué qu'il était nécessaire d'avoir une phase de cicatrisation et de réconciliation. Est-ce que ça y est, il y a eu cicatrisation ou pas ?
Ça progresse, mais le fond de ce que je pense sur la réforme des retraites, c'est ceci. Nous devons changer de modèle démocratique. Nous vivons depuis des années, peut-être depuis des siècles, avec un modèle en France selon lequel c'est le pouvoir qui décide, et les citoyens appliquent, subissent.
Ce modèle n'est plus d'actualité. Ce n'est pas comme ça que ça peut marcher au 21ᵉ siècle, autrement c'est les démocraties qui vont souffrir parce qu'elles vont se révéler impuissantes. Le modèle démocratique que je défends, c'est celui où l'on considère les citoyens comme des co-responsables, des partenaires du pouvoir, et où on leur donne les éléments, tous les éléments objectifs qui permettent de faire des choix.
Sur la réforme des retraites, c'est très clair. Pardon d'employer la première personne, j'avais mis avec le Haut-Commissariat au Plan, sur la table les vrais chiffres du déficit des retraites. Ces chiffres n'ont pas été utilisés. Pourquoi ? C'est pour moi un très, très grand mystère. On a continué à développer la réforme alors que les Français étaient persuadés, n'ayant pas été informés, étaient persuadés qu'il n'y avait pas besoin de réforme et que les retraites étaient à l'équilibre.
Ceci est une dinguerie. Non seulement les retraites n'étaient pas à l'équilibre, mais il fallait fournir tous les ans plusieurs dizaines de milliards venus de l'État, dizaines de milliards que nous empruntons. Tous ces euros là, je rappelle 1 milliard c'est 1000 millions, quand vous devez fournir 30 milliards, c'est 30 000 millions d'euros par an et que vous empruntez, que vont payer les générations futures.
Ceci n'est pas acceptable. Ça n'a pas été partagé avec les Français. Je suis persuadé que nous aurions pu, y compris, gagner un référendum sur ce sujet.
On reviendra sur la question des finances publiques, François Bayrou. Je reviens sur la liberté de parole que vous avez exprimée il y a quelques minutes vis à vis du remaniement. On vous a entendu cette semaine dans Le Figaro, vous avez posé une sorte de veto à une alliance avec la droite qui, selon vous, décentrerait la majorité.
Non, non, non, non, c'est extrêmement clair...
Est-ce que vous pouvez préciser ? Et puis est-ce que la droite n'est-elle pas finalement la seule force avec laquelle aujourd'hui Emmanuel Macron peut s'allier pour s'assurer une majorité stable et solide ?
Il y a deux choses différentes dans cette question. La première, tout le monde parle d'un virage à droite. Je suis opposé au virage, à droite comme à gauche. Je pense que l'élection de 2017 a fait naître un paysage politique pour lequel je me suis beaucoup battu au travers des années, qui est un paysage politique pluraliste qui refuse la bipolarisation droite contre gauche, qui nous a fait tant de mal, qui nous a conduit où nous sommes, qui a conduit à mettre ensemble des gens qui ne pensent pas la même chose avec une seule volonté : détruire ce que fait l'autre.
Grâce à l'élection de 2017 et aux combats antérieurs, nous avons construit un socle central à partir duquel on peut nouer des dialogues, des alliances, des discussions. C'est quelque chose de complètement différent.
François Bayrou, ce n'est plus valable avec une majorité relative ?
Au contraire, c'est plus valable encore.
On a besoin d'avoir un paysage politique qu'on ne réduise pas à l'affrontement stupide d'une "droite" qui n'a plus de signification, et d'une "gauche", qui n'a plus de signification.
Est-ce que est ce que vous sentez que cet équilibre, que vous décrivez, est menacé par un futur remaniement à venir ? C'est ça la question qui se pose.
Ce que j'ai dit, c'est que pour ma part, en tout cas, un virage comme il est appelé par les uns ou par les autres serait le contraire de ce que nous avons proposé en 2017.
Si vous le rappelez aujourd'hui, c'est bien que vous le redoutez ?
C'est parce que j'ai été interrogé, et que quand on me pose des questions, comme vous le savez, j'y réponds.
Ce serait un motif valable de quitter la majorité ?
N'employons pas de mots de menaces. Je ne menace jamais, je ne change, je ne fais jamais de chantage.
Mais vous n'apportez pas un démenti ?
Je ne fais jamais de chantage, mais j'affirme un certain nombre de choses. Je sais que l'élection de 2017 avait été préparée par au moins 20 ans de délabrement de ces deux soi-disant forces, la droite et la gauche et qu'elles n'ont pas été effritées pour des raisons extérieures, elles ont été effritées parce que leur inspiration, leurs idées, leur doctrine, leur philosophie étaient devenues vides de sens.
Et je suis contre le retour à cette impasse. Je suis pour que la majorité qui s'est constituée sur le socle central, ce qui est pour moi le centre de la politique française, je suis pour qu'il soit fier de lui-même, solide, et qu'il arrête de se demander s'il est plutôt d'un côté ou plutôt de l'autre.
C'est quand même un jeu d'influence aujourd'hui autour d'Emmanuel Macron. Comme vous, Nicolas Sarkozy a rencontré le chef de l'Etat pour évoquer la situation politique. Êtes-vous, chacun à votre façon, en train de rejouer un peu la lutte entre l'UDF et le RPR ?
En aucune manière. J'ai eu des combats avec Nicolas Sarkozy, vous me l'accorderez. Ces combats n'ont pas été discrets...
On sait aujourd'hui que Nicolas Sarkozy propose des solutions avec Emmanuel Macron pour trouver une majorité.
Non, attendez, ce n'est pas du tout ça. Mais je veux finir. J'ai eu des combats avec Nicolas Sarkozy, ces combats sont derrière nous et loin derrière nous. Je ne fais pas de politique avec de l'acrimonie, avec des rancunes ou des rancœurs. Je n'en ai aucune.
Vous êtes réconciliés avec Nicolas Sarkozy ?
En tout cas, on n'est pas en situation d'affrontement personnel. J'avais écrit un livre sur lui qui était valable, qui était un livre un peu chaud, dans lequel je faisais la différence.
Je disais, en latin pour parler d'un ennemi, on a deux mots : on a hostis qui est l'ennemi public, celui contre lequel on se bat pour des raisons d'intérêt général, et inimicus l'ennemi personnel. Je n'ai aucune hostilité personnelle avec Nicolas Sarkozy.
Je pense qu'il se trompait, il pensait d'ailleurs que je me trompais. Nous avons eu des combats rudes. Il ne m'a pas fait de cadeau, je ne lui en ai pas fait. Mais parce que c'était fondé, parce que je trouvais que la vision de Nicolas Sarkozy, qui était précisément de couper le pays en deux entre la droite et la gauche, et de dire c'est la faute des autres, c'est la faute de Mai 68, c'est la faute de...
Je trouve que cette vision n'était pas juste, mais je n'ai aucune animosité et je n'ai aucune intention de continuer quelque guerre que ce soit qui appartienne au passé.
Vous n'avez pas répondu à ma question, sur la lutte d'influence auprès d'Emmanuel Macron sur la stratégie à adopter. Ça, vous la niez également ?
Je ne sais pas, je ne suis pas dans une lutte d'influence. J'ai une relation un peu personnelle, exceptionnelle, différente avec le président de la République et j'y tiens beaucoup. Peut-être lui y est il attaché aussi, mais ce n'est pas une lutte d'influence.
Pourquoi vous dites "peut-être" ?
Parce que je ne me prononce pas à sa place.
Un autre proche du président a fait entendre sa voix ce matin dans Le Figaro, c'est Richard Ferrand, l'ancien président de l'Assemblée nationale. Il appelle à un moment d'unité nationale sur quelques objectifs pour élargir finalement le socle de la majorité. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
On ne saurait mieux dire.
Vous êtes d'accord avec ça ? Ça veut dire aussi élargir à droite ou à gauche ?
C'est souvent que je suis d'accord avec Richard Ferrand. Dès l'instant que vous avez un socle central qui refuse de dériver d'un côté ou de l'autre, vous pouvez élargir autant que vous voulez ou autant que vous pouvez.
Attendez, c'est extrêmement stratégique. C'est l'essentiel, on peut élargir, on peut nouer des accords à condition d'être solide sur ses fondations, à condition que tout le monde sache qui vous êtes, où vous allez et que vous refusez de vous laisser trimballer, brinquebaler d'un côté ou de l'autre.
C'est exactement la preuve par neuf, la preuve de la thèse que je défends devant vous.
Les responsables parlementaires de Renaissance sont invités à se pencher la semaine prochaine sur l'hypothèse d'un accord avec LR. Est-ce que l'ordre du jour de cette réunion vous a surpris ?
Je ne sais pas s'il y a un ordre du jour. C'est la vie interne d'un mouvement politique auquel je n'appartiens pas. Nous sommes dans la majorité, alliés, mais je n'appartiens pas à Renaissance, et si on peut faire des accords en restant soi-même, je suis pour ces accords.
Donc un accord avec LR ?
Pourquoi pas ! Je vais vous dire, contrairement à ce que vous croyez, je trouve bienvenu qu'il y ait une droite républicaine qui se reconstruise ou essaie de se reconstruire. Je trouve estimable le travail qui est fait sur les idées, et je l'ai dit sur une antenne à propos de Monsieur Ciotti.
Ce n'est pas pour moi des repoussoirs, mais l'idée que LR, élu dans l'opposition, abandonnerait ses positions pour entrer dans la majorité. C'est une idée à laquelle je ne crois pas. Je pense que les mouvements politiques ont leur logique profonde. Une fois que cette logique est affirmée, ils peuvent nouer des accords.
Donc on revient au contrat de gouvernement tel que certains l'ont proposé sur deux ou trois sujets. Mais quels seraient ces sujets alors ?
Si vous me permettez une introduction en une phrase ou deux phrases. Quel est le problème aujourd'hui de la société française ? Un certain nombre de gens disent le problème, c'est l'immigration, d'autres disent le problème, c'est l'Europe.
Et pour moi, le problème de la France, c'est la France. Ce n'est pas la faute des autres. Et c'est pourquoi j'ai opposé en réponse à un de vos confrères qui me dit "Quel est le clivage aujourd'hui ?".
J'ai dit le clivage, c'est entre responsabilité et irresponsabilité. Tous ceux qui disent, qui se propulsent devant les Français en disant la situation du pays, c'est la faute des autres, c'est la faute de l'Europe, c'est la faute de l'immigration, c'est la faute de l'étranger, c'est la faute du capitalisme.
Le problème de la France aujourd'hui, c'est parce que nous n'avons pas résolu nos questions. Si nous avions rétabli l'Éducation nationale comme elle devrait être, si nous avions de la production comme nous devrions en avoir, de l'industrie comme nous sommes en train de la reconstruire. Si nous avions tout cela, il n'y aurait pas de problème d'intégration. Les pays en bonne santé n'ont pas ce type de problème !
Avant de parler d'immigration, nous allons parler un peu de finances publiques. Les finances publiques, car demain, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, tient des assises de la dépense publique alors que la dette frôle les 3000 milliards d'euros en France et que Emmanuel Macron annonce chaque semaine des dépenses nouvelles.
Vous qui étiez l'un des précurseurs sur cette question de l'équilibre budgétaire, est-ce que vous trouvez quelque chose à redire sur le sujet aujourd'hui ?
Je pense que parmi les grandes questions, dont j'indiquais que si nous les avions réglées, nous ne serions pas obligés de chercher des boucs émissaires pour les problèmes qui sont les nôtres, il y a le déséquilibre des finances publiques.
Ce déséquilibre a été aggravé ces dernières années, à juste raison, parce que les deux crises que nous avons connues, successives et presque concomitantes, la crise du COVID qui a failli effondrer la totalité de l'économie française. Et je suis sûr que tous ceux qui en sont les acteurs se souviennent du rôle que l'Etat a joué pour sauver la charpente économique de notre pays. Et puis, la crise consécutive à la guerre en Ukraine, avec la crise énergétique d'un côté et la crise monétaire de l'autre, en tout cas, l'inflation qui en est, la hausse des prix qui en a découlé.
Ces deux crises exigeaient que l'Etat soit présent. Mais je veux défendre un principe : le rétablissement des finances publiques, il ne se fera pas simplement en coupant dans les dépenses, il se fera en améliorant la capacité productive de notre pays, en allant vers le plein emploi, en allant vers la vitalité de notre pays.
Peut-être aussi en essayant de penser la démographie de notre pays d'une manière différente.
Il n'y a pas de nécessité de faire des économies ?
Bien sûr, il y a des nécessités de faire des économies. Il y a toujours, et sur ce point, je suis d'accord avec le ministre de l'Economie, il y a évidemment des raisons. Une raison puissante, pas seulement parce que comme on dit les marchés nous regardent, mais parce que c'est notre responsabilité vis-à-vis des générations qui viennent et que nous condamnons à porter sur les épaules un fardeau considérable.
Et c'est pourquoi j'ai, depuis le début, plaidé qu'il fallait sur ces sujets dire la vérité au pays. Vous m'accorderez que sur le sujet de la dette, j'ai été seul, très seul, trop seul pendant longtemps à le défendre.
François Bayrou, vous appelez à des réformes de structures, pas de hausses d'impôts peut-être pour financer une crise à venir que l'on vit, celle du réchauffement climatique ?
Non, je ne crois pas que la hausse des impôts soit la solution. Je pense que la hausse des impôts est la réponse à une question, c'est quand on demande des efforts au pays, comment faire pour que les Français aient la certitude que ces efforts sont justes et non pas concentrés sur une seule partie de la population ?
C'est pourquoi nous avions proposé sur la réforme des retraites un dispositif, ou une série de décisions plus larges, qui permettaient à tout le monde de penser que ce n'était pas seulement les salariés qui étaient concernés par la réforme des retraites, mais toutes les catégories sociales.
Et de ce point de vue, il y avait sûrement des choses possibles à faire. Ça n'a pas été le choix qui a été installé. Mais les réformes ne passent qu'avec un sentiment de justice répandu parmi ceux qui doivent les assumer.
Parmi les pistes d'économies, on en a une, c'est la Sécurité sociale qui a annoncé cette semaine la diminution du remboursement des soins dentaires, moins 10 % pour économiser 500 millions d'euros par an, c'est les mutuelles qui devront compenser. Est-ce que c'est vraiment là dessus que l'Etat doit faire des économies ?
Alors je vous donne un secret. Quand vous êtes responsable de l'Etat et que vous avez un problème de finances publiques, à toute mesure que vous proposez, vos interlocuteurs répondent "Ce n'est pas là dessus qu'il faut faire des économies, Monsieur, il y a plus urgent, plus important..."
Toucher à la santé est quelque chose de particulier pour le coup.
Oui. Moi, j'ai jamais été partisan d'une santé ou d'un accès à la santé totalement gratuit. Je pense que ce n'est pas très facile à dire, mais je pense qu'une petite participation de ceux qui peuvent, je fais la différence entre ceux qui peuvent et ce qui ne peuvent pas.
Et ceux qui peuvent aujourd'hui, ils ont une mutuelle.
Oui. Je pense que l'idée qu'on va vers une société dans laquelle tout est gratuit, on est dans un pays qui est le pays au monde qui offre le plus de services à ses concitoyens, la prise en charge la plus large de tous les aspects de la vie : l'éducation gratuite quasiment de la maternelle à l'université, la santé gratuite, la retraite garantie à tous, le chômage garanti à tous... et un certain nombre de courants politiques disent "Mais il faut que les transports soient gratuits".
Et vous pouvez élargir ainsi. Or ce n'est pas viable. En tout cas, écoutez-moi bien, ça n'est pas viable dans le long terme si nous avons la démographie effondrée qui est la nôtre.
Pour prolonger votre raisonnement François Bayrou, ça veut dire que sur la Sécurité sociale, par exemple, vous êtes pour une forme de reste à charge, quelles que soient les dépenses, pour que les gens payent quelque chose à partir du moment où ils font appel à la Sécurité sociale ?
C'est à partir du moment où ils en ont les moyens. Il y a des économiquement faibles, il y a des gens qui sont en situation difficile. Mais je trouve que l'idée que nous nous faisons, que tous ces soins ou tous ces accès aux soins sont gratuits de droit, cette idée là n'est pas juste.
Alors encore une fois, c'est pas très facile à dire, n'est-ce pas ? Mais je suis absolument certain que sur un certain nombre de sujets, il faudra, si l'on veut rééquilibrer, retrouver l'état du pays. Il faudra avoir le courage de dire que oui, une petite participation, ça permettrait par exemple de régler la question du prix de la consultation. On est avec un prix de la consultation qui est ridicule, il faut dire ce qui est, entre le médecin et le plombier, le médecin et le coiffeur, il n'est pas juste que ceux qui assument notre santé se trouvent avec un prix de la consultation aussi bas.
Pourquoi est-il aussi bas ? Parce que c'est la collectivité qui l'assume. Je trouve qu'il y a là quelque chose qui n'est pas normal, qui n'est pas juste, et qui, pour l'avenir, va poser des problèmes considérables. Alors je dis les choses comme je pense qu'il faut que nous les réfléchissions.
Dans le cadre de la loi du débat sur la loi immigration, plusieurs députés proposent une réforme de l'aide médicale d'Etat qui est accordée aux étrangers qui sont sur le territoire français. Est-ce que vous y êtes favorable ?
Je suis favorable à ce qu'on regarde de près. Est-ce qu'il y a des abus ? On dit que oui. Moi, je ne les connais pas, je ne les ai pas identifiés, mais je suis prêt à les regarder.
Simplement, l'idée selon laquelle les étrangers devraient être privés de soins, ça expose toute notre société à une catastrophe. Vous avez quelqu'un qui est atteint d'une maladie contagieuse, vous avez des épidémies de toutes natures, des maladies sexuellement transmissibles par exemple, ou des virus... et on ne va pas les soigner ?
Ça veut dire que dans la société française, nous ajoutons un certain nombre de risques qui sont pas raisonnables pour nous, pour nos enfants, pour eux. Et donc, oui, je suis pour le soin. Mais alors s'il y a des soins de confort, de luxe dedans, bien regardons, on peut le regarder et après on se prononcera, mais dire a priori avant tout examen, "Ah il faut leur enlever les soins", je ne suis pas d'accord avec une approche comme celle là.
On a compris votre position. D'une manière plus générale sur la loi immigration que prépare Gérald Darmanin, est-ce que vous entrevoyez un accord possible avec les Républicains ?
Je pense qu'il y a un accord possible avec tous les gens de bon sens.
Combien sont-ils aux Républicains ?
Je ne sais pas, c'est à eux de le dire. Ma position est simple : quelqu'un qui vient en France parce qu'il a dans son pays des difficultés que nous savons, et c'est pas fini avec l'état du monde dans lequel nous allons...
Quelqu'un qui vient en France, qui dit je veux travailler, je veux m'engager, je veux apprendre la langue et je comprends que le pays dans lequel j'entre, ce n'est pas un territoire sur lequel chacun vient faire ce qu'il veut, c'est un pays avec ses traditions, sa culture, ses coutumes, sa manière d'être, ses "valeurs" comme on dit.
Celui là, on peut parfaitement vivre ensemble. Il y a tant et tant à faire...
Mais ça, pas besoin de réforme.
C'est le cas, j'y viens. Mais celui qui vient en n'acceptant pas que notre société et son identité, et ses principes, et s'il est en situation irrégulière de surcroît, eh bien il n'a pas sa place chez nous.
Vous employez le mot assimilation, qui est très employé par les Républicains et qu'ils veulent même mettre dans la Constitution ? Est-ce que vous l'employez ?
On parlait de tout à l'heure, de ce que nos amis arméniens ont fait pendant la Résistance. C'est très difficile de dire à quelqu'un "Oubliez ce que vous êtes". Très difficile.
Et l'assimilation, ça revient à ça ?
Ceux qui emploient le mot d'assimilation, c'est ce qu'ils disent. C'est abandonner votre culture, abandonner vos prénoms, oublier d'où vous venez ?
Un être humain ne peut pas oublier d'où il vient. Vous croyez que moi, je peux oublier d'où je viens ? C'est une part essentielle de moi.
Mais en revanche, lorsqu'il s'agit de nos grands principes, à ce moment là, c'est pas d'une question d'acceptation qu'il s'agit, c'est plus que ça. C'est la participation volontaire, assumée à un pays qui a ses repères.
Encore une fois, j'ai pris autrefois, j'y pense à cause des débats sur ce qui se passe dans les écoles pour l'islam, c'est moi qui ai fait la circulaire sur le voile en disant : à l'école, tout ce qui est prosélytisme n'a pas de place, quelle que soit la religion dont on se fait le propagandiste ou le prosélyte.
Pour le coup, elle n'avait pas réglé la question, cette circulaire.
Elle avait totalement réglé la question, totalement. On était passé de 10 000 voiles à peut être moins de 50.
On voit le nombre de jeunes filles qui sont habillés en abaya dans les établissements scolaires. Ca montre que la loi peut-être n'est pas totalement complète ?
Pas besoin d'une loi. La circulaire que j'avais faite, elle s'adressait aux chefs d'établissement et aux établissements. Et elle disait "Vous mettez dans le règlement intérieur une disposition que j'avais écrite". C'est là qu'on a écrit les signes ostentatoires, vous mettez cette disposition disant on n'accepte pas ça chez nous.
En général, on fait trop de lois. Sur l'immigration, je regardais l'autre jour, il semble que ce soit la 21ᵉ loi qu'on fasse. Si on appliquait les lois déjà faites, ça ne serait pas si mal. Mais quand il faut améliorer, faut améliorer, il n'y a pas avoir honte.
Et donc sur la loi sur l'immigration, ma thèse est que le gouvernement vient devant l'Assemblée, expose ses principes et ses convictions, propose un texte et on voit ce que l'Assemblée et le Sénat en disent.
Si ça se passe pas un 49-3, ça vous va ?
Le 49-3 doit être abordé sous un autre angle. Je fais la différence entre des lois que j'appelle utile, et des lois que j'appelle cruciales.
La loi utile, elle améliorerait les choses, mais on peut vivre sans. Après tout, on vit sans une nouvelle loi. Les lois cruciales, celles sur les retraites, peut-être demain sur les finances publiques.
Alors ce sont des lois sur lesquelles le gouvernement dit aux parlementaires "Je ne peux pas continuer ma mission si le texte que je vous propose n'est pas accepté". C'est pour moi, c'est vital, c'est une loi vitale et donc j'engage mon existence même sur cette loi.
Ce n'est pas le cas sur l'immigration, c'est une loi utile. Si ce sont des améliorations, j'espère utile, je répète qu'on en a fait plus de plus de 20.
Puisque vous parliez d'éducation, la suite de multiples drames, et notamment au suicide de la petite Lindsay, le ministre de l'Education Pap Ndiaye a annoncé la mise en place d'une heure de sensibilisation sur le harcèlement dans les collèges. Est-ce que c'est une réponse à la hauteur du problème et de l'enjeu ?
Je pense que c'est utile. C'est d'ailleurs pas le seul sujet sur lequel je trouve qu'on devrait le faire. Si j'étais le gouvernement, comme on dit au café du commerce, je l'ai été sur ce sujet, si j'étais le gouvernement, je réfléchirai à l'introduction d'un temps d'échange avec des psychologues ou des psychiatres pour expliquer aux adolescents ce que c'est que l'adolescence.
Vous êtes à la fin de l'enfance, tout est équilibré, vous savez, cet âge presque miraculeux où garçons et filles, avant l'afflux de tout ce qui va se passer, des hormones qui vont vous changer et c'est équilibré. Et puis, tout d'un coup, vous découvrez que des sentiments, des explosions, des pulsions bouleversent votre point de vue, vous rendent malheureux, seul ou au contraire projeté vers les autres.
Je trouve qu'on n'explique pas assez ce qui se passe. Quelle est cette éruption intérieure que chacun d'entre nous sans exception, et chacun de nos enfants sans exception, même ceux qui paraissent les plus sages.
Je trouve qu'on devrait faire cela. J'ai toujours rêvé de faire naître une école, mais je trouve qu'on devrait faire de cela un échange constant pour qu'ils sachent que ce qui leur arrive n'est pas solitaire.
Une autre question, François Bayrou, vous êtes chargé du CNR, du Conseil national de la refondation, ce qu'a produit le CNR a déçu tous les acteurs du secteur. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?
Non, non, non, non, ce qu'a produit le CNR Logement a satisfait tous les acteurs du secteur.
Ils étaient même enthousiastes de ce qui a été produit. C'est ce qu'a retenu le gouvernement qui a provoqué un certain nombre de réactions.
Pour quelles raisons ce décalage ?
Des finances publiques, ne cherchez pas plus loin. Et puis peut-être des conceptions différentes, mais ce problème du logement, c'est un problème, dans la société française, explosif sur lequel on devra revenir je n'ai aucun doute sur ce sujet.
Qu'est-ce que c'est le Conseil national de la refondation ? C'est une intuition du président de la République, et de lui seul, une intuition du président de la République qui dit "Il faut que nous réfléchissions au changement de l'approche entre le pouvoir et la base", le pouvoir isolé au sommet, qui croit qu'il prescrit pour tout le monde et que sa prescription sera suivie.
L'intuition du président de la République, c'est que la base, l'expérience du terrain, l'innovation de terrain... Le Grand débat, c'est un dialogue. Le Conseil national de la refondation, c'est une remontée des expériences. Est-ce qu'on a tout à fait compris ça ? Pas encore, mais je suis sûr qu'il n'abandonnera pas, parce que là, il y a eu un déclic peut-être pour la transformation profonde des relations démocratiques.
François Bayrou, on a beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux, sur vos propos, sur la Sécurité sociale. Ces propos ne passent tout simplement pas.
Je voulais vous lire le commentaire de Nathalie qui trouve que vos propos sont aberrants. L'accès à la santé en France doit rester gratuit. Et Hervé qui vous dit que les gens qui gagnent 2000-2500 € n'arrivent pas non plus à avoir assez d'argent pour pouvoir subvenir à leurs besoins niveau santé, par rapport aux soins dentaires, vous tapez encore sur la classe moyenne ?
Non, et bien c'est le contraire. Je répète ce que je vous ai dit. Je suis pour que le soin demeure gratuit pour tous ceux qui ont des difficultés. Mais je trouve qu'il n'est pas normal qu'un médecin soit gratuit alors que le coiffeur non. Alors je sais bien que je ne suis pas populaire en disant ça...
Où vous fixez la limite ?
On discuterait si cette question se pose. Pour l'instant, personne ne la pose. Tout le monde considère que c'est très bien, que c'est normal comme ça.
Moi, je ne suis pas satisfait de cet équilibre. Minoritaire, j'accepte d'être et de me faire engueuler aussi puisque j'essaie d'ouvrir des portes nouvelles pour la réflexion. Mais je peux vous dire une chose : il n'y a aucune chance que nous entrions dans cette nécessité de reconstruire notre pays si nous n'acceptons pas de regarder sur des bases différentes l'organisation de la société qui est la notre.
Merci beaucoup François Bayrou.