François Bayrou : "Avec la réforme des retraites, il faut garantir une juste répartition des efforts"

Solenn Poullennec et Isabelle Ficek pour Les Échos

Le président du MoDem plaide pour une mise à contribution des entreprises à la réforme des retraites, sous la forme d'une « très légère augmentation des cotisations patronales ». Entretien avec Solenn Poullennec et Isabelle Ficek pour Les Échos.

À la veille de la présentation de la réforme des retraites, comment jugez-vous le climat social dans le pays ?

Ce qui me frappe, c'est que beaucoup de Français, faute d'informations précises, même s'ils pressentent une réforme, n'en perçoivent ni la nécessité ni l'urgence. On nous a fait vivre avec l'idée que, grosso modo, jusqu'à maintenant, nos régimes sont équilibrés. Certains disent même excédentaires. Alors qu'en réalité notre système n'arrive à boucler chaque année que parce que l'Etat verse, sous une forme ou sous une autre, des dizaines de milliards d'euros pour assurer son équilibre ! Et ce n'est pas durable !

Pourquoi la contribution de l'Etat au système n'est-elle pas soutenable ?

Il faut avoir les chiffres en tête : la totalité des pensions versées représente 345 milliards. Sur ces 345 milliards, 143 proviennent des budgets publics ! 24 pour assumer de manière normale les cotisations patronales des fonctionnaires des trois fonctions publiques, 90 pour compenser les efforts exceptionnels que l'Etat impose aux caisses (avantages de famille, allègement de charges sur les bas salaires, etc.), et 30 milliards - 30.000 millions d'euros par an ! - pour assurer l'équilibre des régimes !

Cette contribution, c'est du déficit public, de l'impôt et de la dette. Et ce déficit va s'aggraver pour des raisons démographiques dans les années qui viennent. Le système est donc gravement et dangereusement déséquilibré. Nous ne sommes plus vraiment dans un système par répartition, dont le principe est que ce sont les cotisations des actifs qui financent les pensions. C'est l'Etat qui paie pour garantir l'équilibre.

Le report de trois mois que vous préconisiez pour concerter et informer n'a donc pas été utile ?

Il a été utile pour concerter, pour négocier, pour parler avec les organisations, notamment sur la pénibilité ou les carrières longues. Et il a écarté le sentiment de passage en force. Mais il n'a pas été utilisé pour informer les citoyens. Cela fait trente ans que l'on entretient le brouillard. Cette opacité empêche d'identifier le premier but de la réforme, qui doit être de revenir progressivement à l'équilibre. Sans ce rééquilibrage, la situation de la France sera durablement compromise. Et le montant des pensions finira par l'être aussi, ce qui serait une menace pour la société tout entière.

Souhaitez-vous toujours une hausse des cotisations versées par les entreprises ?

C'est une idée minoritaire, et le gouvernement, je le sais bien, y est hostile. Mais si on veut retrouver cet équilibre, une très légère augmentation des cotisations patronales, d'un point à peine, qui n'augmenterait que de 0,7 % la masse salariale, pourrait y contribuer puissamment et surtout garantir qu'il y a une juste répartition des efforts. Il n'y aura de réforme des retraites que si elle est ressentie comme juste par les Français. Il faudra des signes.

Pour faciliter les reconversions ?

Ce n'est pas seulement une question de reconversion, mais une réflexion générale sur le travail tout au long de la vie. Ce qui est usant, ce sont les activités répétitives, sans aucune perspective de changement autre que la retraite. Le salarié n'a plus qu'un horizon, partir ! Si sa vie professionnelle est intéressante, il a souvent envie de la prolonger.
Nous devons réfléchir à l'enrichissement des carrières. Il faut aller vers plus de responsabilités, proposer des cycles nouveaux, valoriser l'expérience au lieu de la mépriser. Enrichir la carrière professionnelle au lieu de l'écourter, c'est un grand sujet de société. Et les entreprises aussi y trouveraient leur avantage.

L'exécutif prévoit la clause du grand-père pour les régimes spéciaux. Est-ce trop timide ?

Le régime de retraites par points résolvait cette question. Il permettait d'individualiser la situation de départ, favorisait les carrières à la carte, tout en allant vers un système non pas unique, mais universel. Et il engageait l'adaptation permanente du système. C'était plus juste.

Redoutez-vous un blocage du pays face à la réforme ?

Cela peut arriver. Pourquoi la réforme en France s'accompagne-t-elle toujours de crises ? Parce qu'on n'a pas construit la démocratie de coresponsabilité, on ne considère pas le citoyen comme un codécideur. On pense toujours que c'est le sommet qui décide, on traite le citoyen en sujet et pas en responsable. On ne lui donne pas les clés pour choisir. Notre système de gouvernement est déresponsabilisant. Le citoyen qui n'est pas informé n'a le choix qu'entre laisser faire ou se révolter.

📰 Retrouvez l'entretien complet dans Les Échos

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