François Bayrou : "Cette élection a des conséquences sur le monde"

Ce jeudi 27 juin, François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Laurence Ferrari dans la matinale Europe 1 - Cnews. 

Seul le prononcé fait foi. 

Laurence Ferrari : C'est votre grande interview sur CNews et Europe 1. 

Bonjour François Bayrou

François Bayrou : Bonjour

Laurence Ferrari : Merci d'être sur nos deux antennes ce matin. Est-ce que vous êtes inquiet à l'approche du premier tour ? 61% des Français interrogés par l'Institut CSA pour CNews-Europe1- le JDD disent qu'ils redoutent des troubles à l'ordre public lors de ces législatives, vous partagez cette inquiétude ?

François Bayrou : Je pense que c'est une inquiétude légitime. Il suffit de regarder les écrans depuis des semaines, et peut-être même avant, pour voir un degré de violence, de brutalité, le refus d'accepter les situations institutionnelles, et même les textes constitutionnels. Tout cela ouvre la voie…

Laurence Ferrari : De la part de formations politiques ? 

François Bayrou : Ou en tout cas permet de redouter des troubles qui mettraient en cause l'ordre public. 

Laurence Ferrari : Mais de la part de formations politiques, ce refus de respecter les textes institutionnels ? 

François Bayrou : Oui je pense qu'il y a des formations politiques…

Laurence Ferrari : Lesquelles ?

François Bayrou : On va y venir dans une seconde. Mais enfin, vous avez vu des manifestations, vous avez vu des oppositions. On parle souvent des Black blocs d'un côté et on voit des groupes qui, de l'autre côté, sont aussi des groupes violents et qui cultivent une violence aveugle. Bien sûr, il y a de quoi redouter et c'est pourquoi il est très important de rechercher la stabilité de nos institutions et de nos orientations politiques. Je plaide pour ce grand bloc central, ce groupe central, uni autour des valeurs de la République et qui est un pôle d'ordre, de stabilité et de bon fonctionnement des institutions. 

Laurence Ferrari : Mais qui a déçu les Français visiblement puisqu’aujourd’hui, ils sont prêts au changement. Ils l'ont prouvé lors des Européennes. On a 2 blocs comme vous le disiez, le bloc des droites avec le Rassemblement national, le bloc des gauches avec la France insoumise qui sont à touche-touche aujourd'hui.

François Bayrou : Qui sont profondément dangereux.

Laurence Ferrari : L'un et l'autre ? 

François Bayrou : L’un et l’autre. 

Laurence Ferrari : Vous mettez un signe égal entre les deux ? 

François Bayrou : Je ne mets pas de signe égal. J'essaie d'être précis dans ce que je dis. Mais je pense que la menace que représente l'extrême droite, le Rassemblement national et ses alliés, et la menace que représente LFI et tous ceux qui gravitent autour de cette proposition politique là, sont un danger pour la France dont j’ai la certitude que nous ne nous remettrions pas sans accident et sans accident durable. Parce que quand des orientations sont prises, et qui opposent les Français entre eux, il faut des années après pour cicatriser. 

Laurence Ferrari : Avec un tissu français qui serait fortement fracturé, il l'est déjà. Vous connaissez les fractures de ce pays, François Bayrou, vous le sillonnez à longueur d'année, ce sont des fractures, vous entendez les demandes ?

François Bayrou : Oui ce sont des fractures graves, je me suis moi-même beaucoup exprimé sur ces sujets. La fracture entre des courants, des blocs, avec des brutalités dans les mots et des brutalités parfois dans les gestes, qui ont été encouragés. Vous voyez combien l'Assemblée nationale depuis 2 ans a été profondément déstabilisée au point de ne pas pouvoir débattre. Donc tout cela, ce sont en effet des menaces. On vient d'en voir une hier soir ou ce matin. 

Laurence Ferrari : Lesquelles ? 

François Bayrou : Marine Le Pen a dit « Le président de la République ne sera pas le chef des armées ». 

Laurence Ferrari : C'est un titre honorifique dit-elle dans une interview au télégramme. 

François Bayrou : Il faut mesurer que, quand il y a des divisions, des fractures dans un pays, des affrontements, des brutalités, on a un garde-fou. Et ce garde-fou, c'est la constitution de la Ve République. C'est le général De Gaulle qui l'a écrite précisément pour échapper à ces divisions-là. Et cette Constitution…

Laurence Ferrari : Elle est très claire et très précise. 

François Bayrou : Elle est d'une clarté biblique. Alors on va la lire ensemble. 

Laurence Ferrari : Allez-y.

François Bayrou : C'est l'article 15 de la Constitution, « Le président de la République est le chef des armées, il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale » et un peu plus haut, à l'article 13 « Le président de la République nomme, lui, aux emplois civils et militaires de l'État ». 

Alors si vous prétendez, que celui qui nomme aux emplois civils et militaires de l'État, celui qui préside les conseils de défense, celui dont la Constitution dit en toutes lettres « Il est le chef des armées », si vous prétendez que « ce n'est pas vrai », que ce serait des « titres pour faire joli », alors vous mettez en cause profondément la Constitution. Peut-être un très grand nombre des électeurs de ce courant du Rassemblement national sont des électeurs qui expriment un besoin d'ordre…

Laurence Ferrari : Et de sécurité. 

François Bayrou : Le besoin d'ordre et de sécurité, ça commence quand on respecte les institutions du pays et le texte fondamental, la loi qui dépasse toutes les lois. Et si vous mettez en cause le texte même de la Constitution, alors vous mettez en cause l'ordonnancement du pays, l'ordre dans le pays, la manière que nous avons puisque c'est ça une démocratie, de pouvoir vivre ensemble avec des opinions différentes, et même divergentes, et même opposées, parce que nous avons une règle du jeu qui s'impose à tout le monde. Je trouve que cette déclaration est extrêmement grave. 

Laurence Ferrari : François Bayrou, Marine Le Pen dit précisément dans cette interview au télégramme, que Jordan Bardella, en cas de victoire de son camp aux législatives, n'aurait pas l'intention de chercher querelle au président, mais qu'il a posé des lignes rouges, notamment sur l'Ukraine, le Président ne pourra pas envoyer de troupes françaises au sol. C'est la ligne rouge que pose Marine Le Pen. 

François Bayrou : Alors vous voyez bien de quoi il s'agit. On croit que c'est une élection nationale. Ce n’est pas une élection nationale, c'est une élection qui aura des conséquences sur l'Europe et sur le monde. Vladimir Poutine a 2 partis, qui sont, ou ont été, ses alliés quasiment officiels tout au long du temps. Marine Le Pen, vous vous souvenez de ces photos dans la datcha de Poutine ? 

Laurence Ferrari : On se souvient de Poutine à Paris aussi avec le président Macron. 

François Bayrou : Quand vous êtes un chef d'État, vous recevez les honneurs dus à un chef d'État, surtout quand vous êtes un chef d'État d'un pays avec lequel il est important, et il était à cette époque important, vous savez à quel point le président de la République a essayé de maintenir le dialogue longtemps ? On lui a reproché.

Mais Poutine a 2 porte-paroles dans cette élection. Ces 2 porte-paroles ont la même intention, c'est-à-dire de désarmer, d'enlever les moyens de pression que l'Europe et les alliés de l'Ukraine peuvent avoir dans un affrontement qui est un affrontement qui a déstabilisé l'Europe et le monde, qui n'avait pas été réalisé depuis Hitler. Un pays puissant qui se jette sur son voisin pour l'annexer et en prendre le contrôle, jamais ça, ça ne s'était fait. Et donc Poutine, il est en train d'ouvrir le champagne à cette heure-ci. Il a fait livrer du champagne dans sa datcha et dans son bureau. Comment en serait-il autrement ? Les 2 forces, qui depuis le début, essayent d'empêcher l'Europe d'apporter son soutien à l'Ukraine sont sur le point d'avoir en France des scores prépondérants. Comment voulez-vous que l'image de la France ne soit pas profondément atteinte ? 

Laurence Ferrari : Personne n’a jamais mis en cause le soutien à l'Ukraine dans les partis que vous évoquez, François Bayrou. Vous voulez le soutien militaire ? 

François Bayrou : Vous voulez rire ? Ils n'ont jamais manifesté la volonté ferme de tenir bon. Et cette histoire de taupe ? Nous avons des instructeurs en Ukraine, tout le monde le sait, même si cela n'est pas rendu public pour des raisons de sécurité. Nous avons des instructeurs qui forment les troupes ukrainiennes qui vont donner leur vie. Ça veut dire qu'on retire les instructeurs ? Est-ce que vous voyez le signe que ça donne vis-à-vis de la population ukrainienne et vis-à-vis de tous ceux dans le monde qui s'inquiètent de ce qui est en train de se passer.

Il y a un débat ce soir je crois. Vous avez Trump d'un côté qui affirme haut et fort qu’avec lui, l'Ukraine ça sera fini. Vous avez les élections en France, déstabilisation de l'Europe. La conséquence mécanique de tout cela, c'est que nous allons donner un atout extraordinaire à celui qui a décidé de menacer la paix du monde par la force militaire. 

Laurence Ferrari : Les Français ne voteront ni pour Trump ou Biden, ni pour Poutine ou ses opposants. Ils voteront parce qu’ils estiment que leurs préoccupations ne sont pas entendues.

Je parle du pouvoir d'achat, je parle de la sécurité et je parle aussi de l'immigration. 

François Bayrou : Laurence Ferrari, vous avez commencé l'interview, à juste titre sur cette inquiétude. Sur cette inquiétude que la France abandonne le camp des libertés, le camp de ceux qui résistent aux assauts militaires, que la France qui était, pour une très grande partie de l'Europe, un phare, en tout cas un signal, le pays qui disait « Il y a des choses que nous ne laisserons pas faire », que la France abandonne ça et que, au contraire, elle se rallie à des messages qui sont des messages d'abandon progressif de nos positions. 

Laurence Ferrari : J'entends. 

François Bayrou : Il y a des raisons de politique intérieure, on va y venir peut-être. Mais là c'est l'image, le statut de la France auquel beaucoup sont habitués. Qu'est ce qui se serait passé pendant la guerre de 40 si des partis américains s'étaient fait élire en disant « Nous n'interviendrons jamais en Europe » ?

Laurence Ferrari : Je vous laisse le parallèle avec la 2nde Guerre mondiale. 

François Bayrou : Est-ce que vous mesurez ce que l'opinion française, ce que les résistants français auraient ressenti ? Un profond sentiment d'abandon. 

Laurence Ferrari : Mais est-ce que quand le président Macron emploie le mot de « risque de guerre civile », François Bayrou, vous qui en berne savez parfaitement ce qu'est une guerre civile, une guerre de religion, vous en avez payé le prix du sang, est-ce que le mot ne rajoute pas à la confusion de la situation ?

François Bayrou : C'est drôle, hier j'étais sur le terrain, il y avait des journalistes qui m'interrogeaient et qui ont dit « Bon, il y a eu des émeutes. Il y a des émeutes probablement en menaces mais est-ce que ce n’est pas un mot trop fort ? » Émeutes, guerre civile, affrontements, les Français les uns contre les autres, le risque est le même. 

Laurence Ferrari : « Guerre civile » François Bayrou, ce n’est pas la même chose. 

François Bayrou : Je sais que ce n’est pas la même chose. Enfin, ce n’est pas loin d'être la même chose. Quand vous avez des émeutes d'un camp contre l'autre, est-ce que oui ou non c'est un risque d'affrontement civil, d'affrontements de citoyens ? C'est ça que ça veut dire et que le président, j'imagine, a voulu dire en employant des mots forts. Si on mesure que, en même temps, on dit, « on ne respectera pas les institutions », vous savez quelle est la conséquence quand on ne respecte pas les institutions ? C'est qu'en effet il y a déchaînement brutal d'un camp contre l'autre entre ceux qui veulent défendre les institutions et ceux qui veulent les mettre à bas, ne pas les respecter, je vous ai lu le texte. Ceux-là sont évidemment en affrontant brutal. 

Laurence Ferrari : On a beaucoup parlé du bloc des droites, parlons du bloc des gauches. Qu'est-ce que vous reprochez à Jean-Luc Mélenchon qui lui aussi se voit à Matignon ? Comme François Hollande, il se verrait bien diriger ce pays. 

François Bayrou : Écoutez, il suffit d’ouvrir les yeux depuis 2 ans sur ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Il suffit de voir les mots qui ont été utilisés. Il suffit de voir le sentiment de ceux qui se sont retrouvés dans un affrontement musulmans et juifs, pas seulement sous-entendu, mais autour duquel on multiplie les insinuations et les excitations. On ne mesure pas ce qu’une grande partie des Français, c'est vrai pour nos compatriotes juifs, ont le sentiment qu’est revenu le temps de la stigmatisation et de l'antisémitisme. Et de l'autre côté, nos compatriotes musulmans qui ont le sentiment qu'ils vont être ciblés. Et ceux qui « n'ont pas la bonne couleur de peau ». 

Je racontais hier, sur une autre chaîne, l'histoire d'une jeune femme en pleurs parce qu’elle a adopté un petit garçon venant de Haïti, à la peau noire et que tout d'un coup, elle s'est dit, « mais ces questions de couleurs de peau reviennent, ces questions de prénoms reviennent ». Et ce sont des questions qui sont cruellement blessantes pour un très grand nombre qui ressent une menace ; qui se disent « Ça n'est plus le pays de paix et de concorde dans lequel nous avons voulu vivre ».

Qui touche à un Juif, touche à la France, qui touche à un musulman, touche à la France, qui touche à un chrétien, touche à la France, qui touche à un agnostique ou à un athée, touche à la France. Nous sommes le pays qui a fait de la concorde et de la compréhension mutuelle sa charte même d'existence. Et nous serons nombreux pour empêcher que l'on remette cela en cause. Et ça commence dimanche, par le choix du bulletin sur la table de vote. 

Laurence Ferrari : François Bayrou, vous avez dit que vous ne voteriez ni pour le RN, ni pour le nouveau Front populaire, en cas de second tour aux élections législatives. C'est votre consigne ? C'est la consigne de tout le bloc central ? 

François Bayrou : Il n'y a pas de consigne naturellement avant dimanche. Tout mon effort et toute ma présence à votre micro et toutes les questions et les réponses n'ont qu'un seul but, faire que les Français, dans les 4 jours qui viennent… C'est très long 4 jours à la fin d'une campagne électorale, parce que tout le monde réfléchit, remet en cause, s'interroge... 

Laurence Ferrari : Vous avez un logiciel qui prédit ça, parait-il, les élections ? Que dit-il ? 

François Bayrou : J'ai oublié de le consulter, je vous l'ai dit, mais je regarderai. 

Laurence Ferrari : Donc c'est long. 

François Bayrou : C’est très long. La colère des Français existe et la prise de conscience aussi, et le sentiment qu’on va vers des risques considérables et le sentiment de beaucoup de Français que je ressens qu'ils ne veulent pas être obligés de choisir entre le pire et le pire. Qu'il y a du pire des 2 côtés et que ces pires-là, il faut les conjurer, il faut les écarter par un engagement qui durera jusqu'à dimanche, et qui je crois, peut faire bouger les choses, qui doit faire bouger les choses. Autrement, probablement, nous risquons de nous trouver devant de très graves difficultés. Pas probablement, certainement. Et ces très graves difficultés, qui les paiera ? Les plus fragiles d'entre nous. 

Laurence Ferrari : François Bayrou, merci beaucoup. C'était votre grande interview sur CNews et sur Europe 1. 

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par